On te propose ici de jeter un œil aux évolutions significatives de l’économie américaine en 2024 dans le contexte électoral. Ce bilan n’est que temporaire et les incertitudes sont nombreuses donc la prospective est compliquée mais tu retrouveras ici des éléments clés à mobiliser à l’oral ou à l’écrit.
Craintes et perturbations avant les élections
A l’approche des élections, la volatilité des marchés a été importante. Indépendamment du candidat qui serait vainqueur, les montants des plans de relance qui se chiffraient en milliers de milliards de dollars (1500 pour Kamala Harris auxquels il faut ajouter 4000 milliards pour la transition écologique et 2000 pour Donald Trump) inquiétaient les analystes qui exprimaient des craintes de surchauffe de l’économie américaine.
En novembre 2024, l’indice VIX (indice dit « de la peur ») a atteint 22,4 points contre 16 points durant l’année, reflétant une inquiétude des marchés et des investisseurs. On peut aussi noter que l’indice de confiance des consommateurs, établi par l’Université du Michigan, a chuté de 7 points en octobre 2024, marquant une appréhension palpable dans les ménages
De nombreux grands dirigeants avaient exprimé leur soutien au président dans les semaines précédant l’élection. Les grands de la tech californienne comme Larry Ellison (Oracle) y ont vu des intérêts communs dans les politiques technologiques et fiscales car le premier mandat de Donald Trump leur a été largement favorable. Les dirigeants de hedge funds comme Stephen Scharwman (PDG de Blackstone qui mentionnait notamment sa crainte de la montée de l’antisémitisme) et Bill Ackman (Pershing Square Capital Management) partageaient également leur optimisme à l’idée de politiques fiscales plus souples avec une dérégulation portant sur l’imposition et la réglementation de nombreux produits financiers. D’autres grands dirigeants du secteur industriel et de l’énergie comme Harold Hamm (Président de Continental Resources) ont aussi affirmé leur soutien au plan de relance de 2000 milliards de dollars en faveur de l’exploitation d’hydrocarbures et de la relance industrielle nationale.
Réactions immédiates
Les marchés financiers ont réagi très positivement à la victoire du 5 novembre 2024, anticipant des politiques largement favorables à une croissance économique renforcée. Le S&P 500 a connu une hausse d’un peu plus d’1%, optimisme qui a gagné les places européennes. D’autres indices comme le Dow Jones Industrial Average (progression de 3.6% sur la journée post-électorale), le Russell 2000 et le Nasdaq Composite ont clôturé à des niveaux records. Le dollar s’est apprécié de 1,7% par rapport à des paniers de devises occidentales. Le rendement des bons du Trésor américain a atteint un niveau record depuis juillet, reflétant là encore des anticipations de croissance économique accrue et d’une inflation plus forte.
Cependant, les caméras ont surtout été braquées sur le Bitcoin qui a connu une hausse de 7,6% (76,000 dollars) en raison d’attentes d’un environnement réglementaire favorable de la nouvelle administration Trump. Favorable à la blockchain et ennemi juré des crypto régulations comme il a su le démontrer avec l’exercice de pressions sur la SEC en 2019, Donald Trump a permis à travers son élection de faire flamber les cryptomonnaies. En revanche, cette hausse soudaine peut aussi être associée à une ruée vers les valeurs « refuge » en raison de la crainte d’une instabilité économique et d’un affaiblissement potentiel du dollar. L’or, valeur refuge par excellence, a notamment connu une légère hausse dans les heures suivant les élections, atteignant 2 050 dollars l’once, avant de se stabiliser.
L’optimisme a gagné des pans entiers de l’économie américaine comme dans le secteur bancaire (flambée des cours de Goldman Sachs, JP Morgan Chase) et surtout dans l’industrie. Les allègements fiscaux généraux et l’élimination de politiques réglementaires, notamment des politiques vertes, fait partie d’une stratégie de stimulation du secteur minier et financier. L’action de Tesla a gagné près de 13%, tandis que des entreprises du secteur agricole comme Deere and Co, du secteur minier avec Caterpillar, Boeing et surtout l’armement avec Lockheed Martin et Northrop Grumman ont également flambé juste après les élections. Il faut toutefois nuancer ce propos en notant que de nombreuses entreprises ont vu leurs titres revenir à la normale deux semaines après les élections. Les entreprises du renouvelable ou les constructeurs automobiles qui dépendent largement des importations de produits étrangers ont toutefois exprimé des craintes et des regrets amers du résultat de l’élection. Le soulagement de Chevron et Exxon Mobil était également visible car les cours des actions de ces derniers ont augmenté de 5 à 6% juste après l’annonce des résultats.
L’indice VIX mentionné précédemment a chuté juste après l’annonce des élections, ce qui était attendu car les sondages penchaient de plus en plus en faveur de Donald Trump à l’approche du scrutin. Le ton rassurant de Donald Trump, la réorientation sectorielle des capitaux opérée par les banques vers les secteurs de la défense et de l’énergie ainsi que l’absence de flambée immédiate des tensions géopolitiques comme cela était attendu, ont ainsi contribué à rassurer les investisseurs.
Implications à plus long terme
La dérégulation et le protectionnisme semblent guider les futures mesures de Trump. Parmi les promesses de campagne, on retrouve l’application d’un droit de douane de 60% sur les produits importés de Chine et un tarif général oscillant de 10 à 20% sur l’ensemble des importations en provenance des autres partenaires commerciaux. Les investissements dans le secteur pétrolier et gazier devraient augmenter de 10 à 12% alors que les investissements renouvelables, éoliens et solaires devaient augmenter de 20% en 2025. La croissance du secteur de la cybersécurité et de la technologie devrait être 20% supérieure aux prévisions d’après le Bureau of Economic Analysis.
Sur le plan fiscal, les réductions d’impôts et la baisse des dépenses publiques devraient stimuler à court terme l’investissement et la consommation mais le déficit public (actuellement de 2000 milliards de dollars) et la dette publique (34000 milliards de dollars) assombrissent les prévisions pour 2030. Donald Trump a promis une baisse des impôts sur les entreprises en visant un taux d’imposition de 15% alors que Kamala Harris prévoyait une hausse des impôts pour les entreprises de 28% à 35% et un crédit d’impôt élargi pour les ménages gagnant moins de 100.000 dollars par an. Pour les particuliers, le gain en impôt est estimé à 2000 ou 5000 dollars par an et par ménage.
Sur le plan budgétaire, les perspectives sont alarmantes. Les analystes prévoient une augmentation du déficit budgétaire de 500 milliards de dollars en 2 ans, le portant à 2600 milliards de dollars. La dette fédérale brute devrait également atteindre 137% du PIB contre 122% actuellement.
L’inflation avoisinait les 4,8% à la fin de l’année 2024, et les nominations récentes de l’administration Trump ne devraient rien arranger. Scott Bessent, investisseur influant de Wall Street, a été nommé au poste de Secrétaire au Trésor (l’équivalent du Ministre des Finances) et prône un contrôle accru sur la Réserve fédérale, ce qui pourrait conduire à des politiques monétaires accommodantes et doper l’inflation. Le nouveau Secrétaire au Commerce Howard Lutnick est réputé pour son approche fondée sur la déréglementation et la promotion des intérêts des grandes entreprises, ce qui réjouit à l’évidence les grands groupes américains.
Le plus difficile à prévoir reste l’incidence que cela aura dans les relations avec la Chine avec laquelle le commerce de produits importés pourrait baisser de 5 à 10% d’ici 2026. L’imprévisibilité de la politique étrangère de Donald Trump et les nombreux points d’interrogation posés par les conflits non résolus rendent plus difficile l’anticipation de l’évolution de la balance commerciale avec l’Asie notamment. Le président a promis de diminuer la dépendance industrielle vis-à-vis du Mexique mais souhaite renforcer la proximité des liens avec le Canada, ce qui laisse donc planer des doutes importants concernant l’avenir des accords de l’USMCA.
Le taux de chômage est actuellement de 3,9%, mais les effets des politiques protectionnistes restent encore inconnus car si la baisse prévue des prix de l’énergie et les allègements administratifs devraient contribuer à ralentir les plans sociaux dans l’industrie, la politique de fermeture aux importations pourrait être défavorable pour d’autres pans de l’industrie. Pour rappel, les taxes et tarifs sur l’acier avaient contribué à détruire 200,000 emplois. D’autres points d’interrogation subsistent comme les investissements pour les infrastructures qui devraient créer 3 à 4 millions d’emplois grâce au plan de relance de 2000 milliards de dollars. Cela devrait doper la croissance du PIB en la portant à 2%.
Trump 2024, une copie conforme de la politique économique de 2016 ?
La politique de dérégulation devrait être reprise par Howard Lutnick, le protectionnisme commercial vis-à-vis de la Chine devrait encore s’aggraver, et le Tax Cut and Jobs Act du premier mandat devrait être largement repris.
Toutefois, le contexte économique (inflation, dette publique, déficit budgétaire) de 2024 est sans commune mesure avec celui de 2016, ce qui devrait largement réduire les marges de manœuvre. L’inflation n’était en 2016 que de 1,3% et la dynamique de l’économie mondiale était favorable, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Conclusion
Par conséquent, l’économie américaine apparait résiliente et profite d’un effet d’entrainement positif à la veille de l’entrée en fonction de Donald Trump mais les perspectives plus lointaines restent encore peu claires. Les politiques prévues par la nouvelle administration devraient doper certains secteurs mais posent des risques pour la stabilité et la décarbonation de l’économie à plus long terme.
Si tu veux en savoir plus sur la présidence à venir de Donald Trump, n’hésite pas à lire nos autres articles sur le sujet !