Septième penseuse de ce dossier dédié aux Women’s Studies : Elaine Showalter. Cet article te propose une synthèse de son travail intitulé « Feminist Criticism in the Wilderness » (1981). Bonne lecture !

Informations biographiques

Elaine Showalter est une penseuse américaine connue pour ses contributions à la critique littéraire féministe. Elle a publié de nombreux ouvrages influents, dont A Literature of Their Own: British Women Novelists from Brontë to Lessing (1977), qui explore l’évolution de la littérature féminine en Angleterre. Showalter est également célèbre pour ses travaux sur la gynocritique, approche critique féminine centrée uniquement sur les œuvres littéraires écrites par des femmes.

La wilderness

Dans son article « Feminist Criticism in the Wilderness », publié dans Critical Inquiry en 1981, Showalter examine les différentes approches de la critique littéraire féministe. Elle identifie deux pôles principaux : une critique moraliste et une critique plus imaginative.

Dès les premières lignes de son article, Showalter cite Louise Bogan, poétesse et critique littéraire américaine qui souligne l’absence de « wilderness » chez les femmes, une idée que Showalter conteste au fil de son texte.

Pour bien comprendre, définissons ici la « wilderness ». Ce concept américain est ce que l’on appelle un intraduisible. Il ne fait pas référence à sa traduction littérale, nommément « sauvagerie », mais plutôt à un symbolisme plus large. A l’origine, dans la littérature, la « wilderness » fait référence à des territoires non cultivés et non habités par l’homme, perçus comme étant à l’état naturel, où la nature règne de manière autonome sans intervention humaine. Dans le contexte de l’article de Showalter, la « wilderness » fait référence au fait que les femmes sont comme des pionnières dans un territoire littéraire encore largement inexploré et souvent hostile. Le concept est donc utilisé de manière métaphorique et fait référence à une « wilderness » intellectuelle.

Critique moraliste et critique imaginative

Reprenant les travaux de ses prédécessrices, Showalter divise la critique féministe en deux grandes catégories :

  1. Ce qui s’apparente à l’Ancien Testament (qui manifeste la colère de Dieu contre les pêcheurs) : cette approche est caractérisée par une colère juste et une dénonciation des erreurs passées. Elle cherche à corriger les injustices et à mettre en lumière les péchés historiques contre les femmes dans la littérature. Elaine Showalter écrit : “Looking for the sins and errors of the past
  2. Ce qui s’apparente au Nouveau Testament (qui manifeste la grâce de Dieu vis-à-vis des pêcheurs) : Cette approche est plus désintéressée et imaginative, cherchant la « grâce de l’imagination ». Elle se concentre sur la création de nouvelles formes d’expression littéraires féminines : « Seeking ‘the grace of imagination’ »

La gynocritique

Showalter propose une nouvelle voie pour la critique littéraire féministe, qu’elle appelle la « gynocritique ». Cette approche se concentre sur les textes littéraires produits par des femmes, analysant comment leur écriture et leurs thèmes reflètent leur expérience unique en tant que femmes. Elle critique les approches précédentes qui se sont concentrées uniquement sur la manière dont les femmes étaient représentées dans les œuvres écrites par des hommes. Elle critique également l’androcentrisme au sein de la critique littéraire : “What I mean here by “male critical theory” is a concept of creativity, literary history, or literary interpretation based entirely on male experience and put forward as universal.

Pour illustrer sa théorie, Showalter se penche sur la manière dont les femmes écrivains ont été historiquement marginalisées et comment leurs œuvres ont été reléguées à une place secondaire dans le canon littéraire. Elle souligne l’importance de redécouvrir et de réévaluer ces œuvres pour comprendre pleinement l’expérience littéraire féminine.

Dès lors, Showalter démontre la nécessité de développer une terminologie critique qui peut capturer la spécificité de l’écriture féminine sans la réduire à une simple catégorie dérivative de la littérature masculine : « feminist criticism has not had a theoretical basis; it has been an empirical orphan in the theoretical storm ». Il est donc crucial de reconnaître et de célébrer la « wilderness » féminine, la créativité des femmes et leur capacité à transcender les limites imposées par une tradition littéraire dominée par les hommes.

Les limites du travail de Showalter

L’un des reproches souvent adressés à ce texte est qu’il se concentre principalement sur les expériences des femmes blanches et issues de classes moyennes et supérieures, sans suffisamment tenir compte des perspectives des femmes racisées, des femmes de classe ouvrière ou des femmes LGBTQIA+. La critique intersectionnelle, qui examine comment les différentes dimensions de l’identité (race, classe, sexe, orientation sexuelle) interagissent, n’est pas pleinement intégrée dans cette analyse. En outre, avec l’essor de la théorie Queer, on peut argumenter que Showalter ne prend pas suffisamment en compte les fluidités et les diversités de genre.

En outre, Showalter s’appuie sur une approche historique pour examiner la place des femmes dans la critique littéraire. Cependant, il est possible de considérer que cette approche est trop centrée sur le passé et ne traite pas assez des évolutions récentes et des contextes contemporains de la critique féministe. Cette méthodologie dite « historique » explique pourquoi la théorie Queer et les théories récentes n’apparaissent pas ou peu dans ce texte. En fait, Showalter est plus en dialogue avec le passé qu’avec ses contemporain·e·s.

Enfin, le concept de « wilderness » comme métaphore pour décrire l’expérience des femmes dans le domaine de la critique littéraire a été critiqué : il est considéré comme une simplification excessive. En outre, cette image présente les défis auxquels sont confrontées les femmes comme une aventure presque héroïque plutôt que comme une lutte sociale et institutionnelle, ce qui pose problème.

Somme toute, le travail d’Elaine Showalter est important car il apporte une nouvelle perspective sur la critique littéraire et soulève un questionnement crucial : celui de la nécessité de créer de nouveaux outils critiques pour analyser les œuvres féminines. Néanmoins, ce texte n’est plus totalement d’actualité, et si tu veux l’utiliser en colle ou en expression écrite, il ne faut pas oublier de parler de théories plus contemporaines.

Voilà, tu es maintenant incollable sur cet article d’Elaine Showalter ! Si tu veux en lire plus sur les femmes, n’hésite pas à consulter nos autres articles sur le sujet ! Bonne lecture !