huntington

Tu es en prépa littéraire A/L ou B/L et tu souhaites en savoir plus sur l’ouvrage Who Are We? de Samuel Huntington ? Cette fiche de lecture te permettra de bien appréhender les notions qui sont en jeu et te donnera quelques exemples à réutiliser dans tes dissertations d’histoire ou d’anglais. Bonne lecture !

Présentation générale de l’ouvrage

Huntington était un politologue américain qui a passé plus d’un demi-siècle à l’université de Harvard. Who are we? est son dernier livre, publié quatre ans avant sa mort en 2008. Il traite de la signification de l’identité nationale américaine et de ce qu’il décrit comme une menace culturelle liée à l’immigration massive de Latinos. Selon Huntington, cette dernière pourrait « diviser les États-Unis en deux peuples, deux cultures et deux langues ».

Cet essai aborde les principaux bouleversements de l’identité nationale américaine. L’importance que les Américains lui attribuent par rapport à leurs nombreuses autres identités et ce qu’ils pensent avoir en commun et ce qui les différencie des autres peuples. Son analyse de notre situation et ses propositions de renouveau ne sont pas exemptes de défauts, mais elles méritent une attention particulière et une réflexion approfondie.

Les enjeux de l’identité

Pour Huntington, le concept d’identité est particulièrement difficile à définir, et particulièrement aux États-Unis.

A) Évolution du concept d’identité aux États-Unis

L’Amérique a été fondée par des colons aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui ont défini le pays en termes de race, d’ethnie, de culture et, surtout, de religion.

Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Scandinaves, Écossais, Allemands ou Irlandais ont émigré aux États-Unis, de sorte que l’ethnicité et la race ont disparu de la définition.

En conséquence, dans les années 1970, l’identité américaine a été définie en termes de culture et de croyance. Par exemple, Roosevelt a déclaré : « Souvenez-vous, souvenez-vous toujours, que nous tous, et vous et moi en particulier, descendons d’immigrants et de révolutionnaires. » Il décrivait ainsi l’Amérique comme « une nation d’immigrants ».

Pour Huntington, cela est en fait faux. Une partie des ancêtres des Américains étaient des colons, ce qui est très différent des immigrants. Les colons quittent une société existante par groupes pour créer une nouvelle communauté dans un territoire nouveau et distinct, contrairement aux immigrants qui ne créent pas de nouvelle société, ils subissent un « choc culturel ».

B) L’impact de l’immigration et de l’esclavage sur l’identité

Sans immigration après 1790, la population américaine en 1990 aurait été d’environ 122 millions, au lieu de 249 millions. Ainsi, vers la fin du XXe siècle, l’Amérique était démographiquement composée pour moitié de colons et d’esclaves et pour moitié d’immigrants qui ont rejoint la société que les colons avaient créée.

Entre 1820 et 2000, environ 66 millions d’immigrants sont arrivés en Amérique, rendant sa population très hétérogène en termes d’ascendance, d’ethnicité et de religion. Les Américains se passionnent pour la race et l’ethnicité. Pendant de nombreux siècles, les Américains se sont définis par rapport aux Indiens, qu’ils considéraient généralement comme sauvages, arriérés et non civilisés.

La première loi de naturalisation, en 1790, n’ouvrait la citoyenneté qu’aux « personnes blanches libres ». À cette époque, les Noirs, en grande majorité des esclaves, représentaient 20 % de la population totale. Ils n’étaient cependant pas considérés par les Américains comme des membres de leur communauté. Par exemple, en 1862, le président Lincoln a déclaré au premier groupe de Noirs libres à avoir visité la Maison-Blanche « qu’ils devaient émigrer en Afrique ».

Au début du XIXe siècle, le concept de race a joué un rôle de plus en plus important dans la pensée scientifique, intellectuelle et populaire, tant en Amérique qu’en Europe. On pensait que l’homme était divisé en quatre races, qui étaient, par ordre décroissant, la race caucasienne, la race mongole, la race indienne et la race africaine. Un changement profond s’est produit suite à la Seconde Guerre mondiale, les différentes races ayant dû se battre ensemble et mourir ensemble, pour pouvoir vivre ensemble.

L’identité américaine

A) Culture anglo-protestante, religion et christianisme

Depuis près de quatre siècles, cette culture des colons fondateurs est la composante centrale et durable de l’identité américaine.

Comme le dit Schlesinger : « La langue de la nouvelle nation, son droit, ses institutions, ses idées politiques, sa littérature, ses coutumes, ses préceptes, ses prières, provenaient principalement de Grande-Bretagne. » Au cours du XIXe siècle et jusqu’à la fin du XXe siècle, les immigrants ont été contraints, incités et persuadés d’adhérer aux éléments centraux de la culture anglo-protestante. C’est ce qu’on appelle l’américanisation, renforcée par le credo américain.

Ce terme a été popularisé par Myrdal dans Le Dilemme américain (1944). Soulignant l’hétérogénéité raciale, religieuse, ethnique, régionale et économique des États-Unis, il a soutenu que les Américains avaient quelque chose en commun, un credo politique valorisant l’égalité des hommes, les droits inaliénables et l’égalité des chances.

La place de la religion

La religion occupe une place primordiale dans l’identité américaine. 84 % des Américains ont déclaré approuver les références à Dieu dans les lieux publics, y compris les écoles et les bâtiments gouvernementaux, à condition qu’aucune « religion spécifique » ne soit mentionnée.

En Amérique, le protestantisme implique généralement une croyance en l’opposition fondamentale du bien et du mal, du juste et de l’injuste. Leur culture protestante a fait des Américains les personnes les plus individualistes au monde : 8/10 des self-made persons étaient protestantes. Il existe également une forte culture du travail. Les Américains prennent moins de vacances et « obtenir quelque chose pour rien » est une source de honte, ce qui constitue une critique de l’État-providence.

Les États-Unis sont un pays très chrétien : 92 % des Américains ont déclaré croire en Dieu en 2003. Comme l’a dit Tocqueville : « Il n’y a pas de pays au monde où la religion chrétienne conserve une plus grande influence sur l’âme des hommes qu’en Amérique… Le christianisme règne donc sans obstacle, d’un consentement universel. »

Ironiquement, les Américains ont défini leur identité en opposition au catholicisme, qui a été combattu, exclu et discriminé pendant plus de 200 ans. Au XVIIIe siècle, l’anticatholicisme a été renforcé par les guerres répétées avec la France. La guerre civile a marqué la fin des mouvements politiques explicitement anticatholiques, grâce à l’immigration d’Irlandais et d’Allemands catholiques après 1815.

La religion civile

La religion civile américaine comprend quatre éléments majeurs.

Le système de gouvernement américain repose sur une base religieuse. Il présuppose l’existence d’un Être suprême. En outre, les Américains sont considérés comme le peuple élu de Dieu et les allusions et les symboles religieux sont omniprésents dans la rhétorique, les rituels et les cérémonies publiques américaines. Par exemple, les Présidents ont toujours prêté serment sur une Bible.

Enfin, les cérémonies et activités nationales elles-mêmes revêtent une aura religieuse et remplissent des fonctions religieuses. La Déclaration des droits, la Déclaration d’indépendance, le discours I have a dream de Martin Luther King sont tous devenus des textes sacrés définissant l’identité de l’Amérique.

B) Émergence et triomphe de l’identité en Amérique

L’émergence d’une identité américaine a été extrêmement rapide pour Huntington, grâce au Great Awakening des années 1730 et 1740, au cours duquel des Américains venus de toutes les colonies se sont réunis dans une expérience sociale, émotionnelle et religieuse commune. Des rituels et des symboles patriotiques ont d’ailleurs vu le jour : la statue de la Liberté (1886), Independence Day, Thanksgiving (1863), Oncle Sam, l’aigle à tête blanche, Yankee doodle, le jour du drapeau.

Par ailleurs, les guerres contre les Britanniques ou les Français ont accéléré la constitution d’une identité commune. Les conséquences de la guerre de Sept Ans, et notamment le prélèvement de nouveaux impôts sur les colons, ont provoqué des protestations et des oppositions, puis une action collective qui a rassemblé tous les Américains, pour former une véritable nation. Lowell considère ainsi la guerre civile comme un « matériau coûteux pour créer une nation ». En effet, la réconciliation nord/sud a permis d’unifier la nation.

Huntington va ensuite aborder les défis que doit affronter l’identité américaine de nos jours. Tu pourras lire cette partie ainsi qu’une brève analyse et quelques citations clés dans la partie 2 de cette fiche de lecture !