La gentrification des villes anglo-saxonnes est fréquemment représentée au cinéma. Dans le film Boyz N the Hood de John Singleton, Furious Styles explique : « It’s called gentrification, it’s what happens when the property value of a certain area is brought down. To bring the property value down, they can buy the land at a lower price. Then, they move all the people out, raise the property value and sell it at a profit. » (« On appelle ça la gentrification, c’est ce qui arrive lorsque la valeur de la propriété dans une certaine région chute. Afin de faire chuter la valeur de la propriété, ils [les promoteurs immobiliers] peuvent acheter la terre à un prix plus bas. Ensuite, ils expulsent les habitants, augmentent la valeur de la propriété et la vendent pour réaliser un bénéfice. »).
Cependant, sur le territoire anglo-saxon notamment, la gentrification n’est plus seulement un processus économique, mais un phénomène dont les conséquences se répercutent sur le paysage global d’une ville, tout comme sur les membres de sa société.
Dès lors, dans quelle mesure la gentrification des villes anglo-saxonnes modifie-t-elle l’organisation d’un espace et change-t-elle le quotidien de sa population ? (To what extent does gentrification reshape the organization of a city and change its population’s daily life?)
Qu’est-ce que la gentrification ?
Tout d’abord, la gentrification est un processus constant (steady process) qui se traduit par la transformation (reshaping) de banlieues ou de quartiers défavorisés (suburbs, neighborhoods, inner cities) ou fortement marqués par une empreinte ethnique forte, que certains appellent même de manière abusive « ghettos », en quartiers attractifs aménagés pour une population plus aisée. En français, ce phénomène qui remodèle les paysages urbains est appelé « l’embourgeoisement » ou la « boboïsation » des quartiers.
Les « DINKs » (double income no kids/double salaire sans enfants) sont les populations nouvelles. Elles s’installent dans les beaux appartements de ces quartiers dits « réhabilités » des centres-villes. On peut par exemple citer le quartier industriel réhabilité à Brooklyn. Désormais, ce sont les couples de jeunes actifs sans enfants, le plus souvent répondant à l’archétype de personnes aisées à fort capital culturel, qui s’installent dans les quartiers.
Des conséquences positives ?
La gentrification dans les villes anglo-saxonnes est à la fois une conséquence et une cause de l’expansion urbaine (urban sprawl) et se traduit par le remplacement de bâtiments décrépis par des copropriétés de luxe (luxury condominiums) et par des commerces qui participent à plus de stabilité à l’échelle locale ainsi qu’à une croissance économique stimulée dans le quartier (modèle américain des shopping malls, avec le premier shopping mall « Mall of America » créé à Minneapolis-Saint Paul, modèle qui s’exporte d’ailleurs dans le monde entier).
La gentrification dans les villes anglo-saxonnes, conséquence d’une attractivité accrue des espaces
Par exemple, on peut trouver des restaurants, des magasins à la mode (trendy retail/shops), comme des magasins bio (organic shops), ou encore des bureaux ou des sièges sociaux d’entreprises et de FTN (TNCs)… On entend répondre à la demande nouvelle des résidents récemment arrivés. Il s’agit aussi d’attirer de nouveaux résidents dont le niveau de vie (standard of living) et le mode de vie correspondent à de telles attentes.
La création de nouvelles entreprises (new businesses), de nouvelles opportunités d’emploi, l’investissement dans les lieux publics divers (par exemple les écoles) et la modernisation des régions gentrifiées font du phénomène une aubaine économique. En effet, ces facteurs participent au dynamisme de ces quartiers nouvellement prospères.
Quelques citations extraites d’articles traitant du sujet :
« Gentrification is not just “natural”, but also healthy for cities, Porta says: it’s a reflection of their ability to adapt, a facet of their resilience. » (The Guardian)
« The more we learn to talk about gentrification, the more we can have this debate in a manner that is informed, and that does not simply divide London into the gentrifier and the gentrified. » (Londonist)
« There is evidence that the frequency of violent crimes is influenced by the income of the people in a neighborhood. » (Daily Caller)
Mais aussi des implications négatives de la gentrification dans les villes anglo-saxonnes ?
Cependant, cela alimente une brûlante controverse, car de fait, le patrimoine historique (historical heritage) et la contre-culture issus de la zone urbaine sont affectés mais, surtout, les loyers des logements et des commerces ainsi que le prix de la vie augmentent de manière exponentielle. Par conséquent, les anciens résidents se voient petit à petit doucement « expulsés » (evicted, « priced out ») de leurs quartiers de manière insidieuse. Le loyer est trop cher, et ces résidents ne disposent pas d’un budget suffisant pour leurs biens de première nécessité. Par exemple, en ce qui concerne la nourriture, on parle de « meal gap » lorsque des foyers ne peuvent même plus se permettre d’acheter à manger en raison de l’augmentation des prix.
De fait, cela fomente les tensions et la violence entre les promoteurs immobiliers (real estate developers) et les urbanistes (town planners) d’un côté, et les résidents de l’autre, qui vont parfois même jusqu’à porter plainte contre les compagnies de développement immobilier. On se demande donc si un tel processus améliore ou non le bien-être social (social welfare) des populations.
« Property developers and private landlords are making millions forcing these children and families out of their homes, often through violent evictions, and they are regularly moved into inadequate temporary accommodation and sometimes on to the streets. » (The Guardian)
La conséquence de la gentrification dans les villes anglo-saxonnes : la mort des quartiers à l’identité ethnique marquée ?
En outre, la gentrification dans les villes anglo-saxonnes est réductrice de possibilité. Elle empêche des enclaves ethniques de voir le jour ou de continuer à se développer pour celles qui préexistent. C’est le cas pour la diaspora chinoise présente à Chinatown (Washington, DC). Les boutiques traditionnelles sont remplacées par des boutiques moins authentiques en raison de cette gentrification. Les boutiques sont donc moins représentatives de la culture et des mœurs chinoises. À l’origine, Chinatown était « un endroit où les liens sociaux et les tissus économiques avaient été créés ».
Ainsi, le processus de gentrification a radicalement (drastically) uniformisé les quartiers pourtant avant marqués par une identité ethnique très forte, si bien que l’on parle même d’aseptisation, de « blanchiment » des populations (« whitening »), de « purification ethnique » ou de « nettoyage social » (« social cleansing ») et de la fin d’un sentiment d’appartenance ou d’un esprit de communauté (sense of belonging to a community). De surcroît, c’est la douleur (sorrow, pain) et la peur de certains habitants qui ont vécu toute leur vie dans un quartier qui ne sera bientôt plus dans leurs moyens et qui se sentent expulsés (kicked out) et parfois obligés de retourner dans leur pays d’origine.
Pour aller plus loin : voici un article intéressant.
Conclusion
En fin de compte, la gentrification présente autant d’arguments « pour » que d’arguments « contre ». Ainsi, afin de dépasser le clivage (heal the rift) entre les différents groupes sociaux, dont ceux qui souffrent de ce processus, il est nécessaire que les institutions réfléchissent à résoudre ce problème en « construisant des ponts » (« building bridges »).
Je vous conseille aussi de lire cet article (en français) qui résume bien le phénomène et qui adopte une réflexion plus sociologique.
Vocabulaire important à retenir
Gentrified = gentrifié
Urban sprawl = l’expansion urbaine
Suburbs = la banlieue
To reshape = remodeler
Heritage = patrimoine
Retail = commerce
The rent = le loyer
(un)Affordable housings = des logements (financièrement) (in)accessibles
Insidious eviction = expulsion insidieuse
To kick inhabitants out = virer des habitants
To be priced out = être expulsé (par la hausse des prix)
Town planning = urbanisme
Real estate developers = promoteurs immobiliers
Luxury condominiums = copropriétés de luxe
TNCs = FTN
Organic shops = magasins bio
Drastically = radicalement
Whitening = blanchissement
Social cleansing = nettoyage social, purification ethnique
The sense of belonging (to a community) = le sentiment d’appartenance (à une communauté)
To make/lodge a complaint against = porter plainte
To be brought to court = être amené devant un tribunal
Social welfare = le bien-être social
To heal the rift = dépasser le clivage
To build bridges = construire des ponts
Si tu t’intéresses au processus de gentrification en Espagne, il suffit de cliquer ici !