Aujourd’hui, je te propose une synthèse de ce qu’est la Woke Culture, terme souvent utilisé dans les médias mais qui demeure pour beaucoup très flou. Il est plus que nécessaire de bien connaître cette notion au vu de la fréquence à laquelle elle tombe à l’écrit comme à l’oral.
Dans cet article, je vais donc essayer de te résumer de la manière la plus exhaustive possible ce qu’est le wokisme. Comment ? À travers sa définition, son histoire, ses enjeux, ses critiques, ses croyances et ses applications dans le monde actuel. Sur ce, bonne lecture 😉
I – WOKE CULTURE : définition et histoire
A) Définition : qu’est-ce que la Woke Culture ?
Le wokisme est à l’origine un terme employé par les Afro-américains du XXème impliqués dans la lutte pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs aux États-Unis, la lutte contre les discriminations et la suprématie blanche.
La légende veut que ce terme découle directement d’un discours de Martin Luther King pour la lutte contre les discriminations des Noirs aux États-Unis. Cependant, aujourd’hui, même s’il n’y a pas de définition exacte, le terme se veut un peu plus global et dénonce alors toutes les formes d’injustices qui sont subies par les minorités dans le monde.
Le terme Woke provient du verbe Wake (réveiller). Autrement dit, être woke, c’est être en état d’éveil face à l’injustice, c’est défendre les droits des minorités. Le dictionnaire Merriam-Webster définit le wokisme comme le fait d’« être conscient de problèmes importants, qui se rapportent à la question du racisme et à celle de l’égalité sociale ».
De cette volonté de défendre les minorités ont découlé des mouvements comme Black Lives Matter (qui luttait contre le racisme systémique) ou #MeToo (qui luttait contre les abus sexuels, le harcèlement sexuel et la culture du viol). Les partisans de ces mouvements s’identifient comme Woke, face aux « endormis » qui, eux, refusent de voir ou d’admettre les inégalités qui sont au cœur de la société.
Le wokisme est une révolution culturelle. Mais si de nombreux mouvements importants ont été menés sous le prisme du wokisme, c’est aujourd’hui devenu une expression que l’on pourrait qualifier de « fourre-tout ». Elle ne se cantonne plus à la question du racisme et de l’esclavage, mais s’étend à la question du sexisme, du capitalisme, de l’environnement ou encore de la politique.
Pour comprendre le wokisme, il est donc central de retracer ses origines et ses débuts.
B) Histoire : comment le wokisme est-il né ?
Le terme « Woke » est utilisé pour la première fois par le New York Times en 1962, avec l’article If You’re Woke You Dig It. Il est alors uniquement utilisé par la communauté afro-américaine. L’utilisation de ce mot demeure très peu fréquente jusqu’en 2008, date à laquelle le terme refait surface, avec la sortie de la chanson d’Erykah Badu Master Teacher.
En 2014, cette notion gagne en popularité avec le mouvement Black Lives Matter (qui prend forme après la mort de Michael Brown à Ferguson). « Être woke » ne signifie alors plus seulement être conscient des injustices, c’est désormais un mot d’action qui devient moteur de nombreux mouvements.
Depuis 2014, le terme « woke » s’est donc imposé à nous et est désormais particulièrement ancré dans notre quotidien. C’est pour cette raison qu’en 2017, il a officiellement été ajouté au dictionnaire. C’est aussi pour cette raison que Les Échos le placent en 2021 sur la liste des huit mots souvent utilisés par la génération Z. Ce qui illustre un véritable tournant sociétal.
II – WOKE CULTURE : critiques et éloges
A) Critiques
Les critiques portant sur le wokisme sont aujourd’hui nombreuses. Beaucoup utilisent ce terme comme insulte pour moquer et infantiliser les partisans du mouvement. Phénomène que l’on peut expliquer par plusieurs facteurs.
1) Être woke semble vouloir signifier être meilleur que les autres
Ceux qui s’identifient comme woke censurent et boycottent publiquement les personnes dont ils jugent les comportements offensants, embarrassants ou divergents. Et les réseaux sociaux ont une grande part de responsabilité, puisqu’ils facilitent la diffusion des reproches et des diffamations.
L’écrivain conservateur britannique Douglas Murray a critiqué l’activisme woke qui, selon lui, « aggrave les choses en faisant croire aux gens qu’ils sont meilleurs ». Les efforts déployés par le mouvement peuvent donc s’avérer contre-productifs, de par la propension du wokisme à se transformer en une course à celui qui parviendra à être le plus pur.
Ainsi, l’ancien président des États-Unis Barack Obama a reproché aux partisans du mouvement woke de penser qu’il suffisait de juger et critiquer les autres pour espérer changer les choses.
2) Être woke semble restreindre la liberté d’expression
Notamment en alimentant l’intolérance à l’égard d’opinions différentes. Par exemple, en 2009, Yale a interdit à ses élèves de créer des tee-shirts sur lesquels il était marqué « I think of all Harvard men as sissies », qui avaient pour but de déstabiliser leurs adversaires de Harvard lors d’un annuel match de football, car plusieurs étudiants gay ont défendu le fait que sissies était un terme homophobe.
Le fait que la culture woke puisse réduire la liberté d’expression a conduit des professeurs à créer en 2021 l’ « Université d’Austin » au Texas, ayant pour objectif de lutter contre la culture woke. Ce choix part d’un constat simple : la liberté d’expression est en danger à cause du politiquement correct.
3) Être woke semble figer l’action
Puisque cela incite les individus à construire un mur mental entre eux et le problème, cela les invite à blâmer les autres plutôt qu’à chercher des solutions.
De plus, certains partisans du mouvement woke sont parfois bien plus préoccupés par le fait de proclamer haut et fort sur les réseaux qu’ils souhaitent réduire l’injustice sociale que par le fait de mener des actions concrètes.
4) Être woke semble finalement renforcer la polarisation et la division
Ce mouvement contribue non seulement à radicaliser le débat public et à mettre en danger des démocraties déjà fragiles, mais également à alimenter un climat social de plus en plus violent. C’est le contraire de ce à quoi la culture woke devrait aspirer.
L’écrivaine et activiste Chloé Valdary déclare notamment que le wokisme est une « épée à double tranchant », qui peut avoir des effets positifs sur la société en sensibilisant les gens aux injustices sociales systémiques, mais aussi des effets néfastes en constituant une approche agressive et performative de la politique progressiste (qui ne fait qu’empirer les choses).
B) Éloges
Si le terme woke fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques (ce qui lui confère une certaine connotation péjorative), il est nécessaire de reconnaître les effets positifs que cette notion est susceptible de générer. Être woke semble certes être un terme à la mode, mais il permet au moins aux gens de réellement découvrir ce qu’il se passe. Et aussi de mettre en exergue l’injustice sociale qui pèse encore sur certaines minorités pour espérer y remédier.
Plutôt que de diviser, il semble que le wokisme puisse favoriser un sentiment de cohésion et de solidarité collective en incitant les gens à « se réveiller ». En théorie, l’éveil ne signifie pas nécessairement adopter une conduite parfaite, contrairement à ce que l’on pourrait penser aujourd’hui. Il s’agit plutôt d’un moyen d’atteindre un objectif plus inclusif auquel nous devrions aspirer.
Si le wokisme est si mal perçu aujourd’hui, c’est qu’il a perdu cette ambition première et a pris une dimension moralisatrice qui n’existait pas auparavant.
III – WOKE CULTURE : Cancel Culture et Woke Capitalism
A) Cancel Culture
La « Cancel Culture », branche de la Woke Culture, est une forme moderne d’ostracisme qui exclut (sur les réseaux ou en personne) des individus accusés d’énoncer des propos considérés comme inadmissibles. Cela revient à questionner la place de la liberté d’expression, de la censure et du « politiquement correct ». Cette forme de boycott divise, à l’heure où seule la solidarité semble pouvoir permettre un véritable changement systémique.
Un exemple marquant de cette Cancel Culture au Royaume-Uni est celui de J. K. Rowling. En décembre 2019, l’auteure de la saga Harry Potter avait affiché son soutien à Maya Forstater, une chercheuse britannique qui a été licenciée après avoir affirmé que personne ne pouvait « changer son sexe biologique ». Et parce que J. K. Rowling trouvait le licenciement de la scientifique injuste, elle a été à son tour accusée de « transphobie » par de nombreux individus et une multitude de médias. Les exemples de ce type sont nombreux.
B) Woke Capitalism
Le « Woke Capitalism » (concept subsidiaire à la notion de Woke Culture) désigne les entreprises qui défendent des causes progressistes davantage par intérêt que par conviction. Pour le journaliste indépendant Barthélemy Dont, soutenir ces causes permet à de nombreuses entreprises de détourner l’attention médiatique de leurs agissements moins glorieux.
IV – WOKE CULTURE : pour aller plus loin
A) Quelques exemples précis qui peuvent t’être utiles
Brad Pitt qui utilise son statut (et sa société de production Plan B) pour créer un espace dédié aux artistes de couleur avec des films comme 12 Years a Slave, Selma ou Moonlight.
April Reign qui crée en 2015 le hashtag #OscarsSoWhite après que les 20 nominations d’acteurs ont été attribuées à une équipe entièrement blanche. Le hashtag a rapidement été utilisé pour critiquer les Oscars et encourager le changement. Ce qui a fonctionné, puisque la diversité est désormais bien plus à l’honneur.
Donald Trump qui déclare en 2021 que l’administration Biden détruit le pays avec « la culture woke ».
Humza Yousaf, ancien Secrétaire du Cabinet pour la Justice écossais, qui fait passer la loi « Hate Crime and Public Order Bill » en 2021 pour interdire dans la sphère privée les mots incitant à la haine (déjà interdits dans la sphère publique). Cette loi vise à limiter les crimes haineux, mais elle restreint par la même occasion la liberté d’expression.
Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, utilise de plus en plus ce terme pour faire part de “l’inquiétude qu’il éprouve” envers le wokisme, qui se veut trop inclusif et identitaire. Certains Etats républicains annulent même leurs contrats avec de grandes entreprises car “trop soucieuses de la protection de l’environnement, des discriminations et de la lutte contre le port des armes à feu“.
B) Thèse de la Woke Culture comme religion
En 2018, Andrew Sullivan (auteur et blogueur britannique) décrit le mouvement woke comme « une religion dont les adeptes punissent l’hérésie en bannissant de la société les pécheurs ».
Le wokisme a un pouvoir quasi religieux. L’écrivain James Lindsay explique que la croyance en l’idéologie de justice sociale remplace aujourd’hui la croyance en une divinité. Il explique aussi que la participation active aux manifestations remplace pour de nombreux progressistes les rituels religieux.
Finalement, « être éveillé » est une nouvelle façon d’être « illuminé ». Pour le philosophe et professeur émérite Jean-François Braunstein, le mouvement woke est donc avant tout religieux. Il a son péché originel, son credo, son inquisition, son radicalisme, ses rites, ses dénonciations et ses blasphèmes, que l’auteur dénonce en 2022 dans son ouvrage intitulé La Religion woke.
Conclusion
C’est la fin de ce petit récap’ sur le mouvement woke ! J’espère que cet article t’a plu et qu’il t’a donné suffisamment d’exemples pour briller en khôlle et en essai. Tu es désormais bien rôdé·e pour affronter la question si jamais elle tombe au concours.
Si tu souhaites continuer à te renseigner, notamment sur le mouvement BLM ou #MeToo, je t’invite à lire cet article. Bon courage pour la suite !