Les procès de Salem et la chasse aux sorcières restent dans le sens commun une métaphore puissante de la persécution de groupes minoritaires, notamment lors de la Peur rouge qui a lieu aux États-Unis dans le climat de début de guerre froide (Cold War). Dans The Crucible (1953), Arthur Miller utilise alors ce mythe de la chasse aux sorcières pour dénoncer subtilement ce tabou des suspicions d’espionnage communiste dans les années 50.

Découvrons ensemble comment rapprocher les faits historiques de sorcellerie à Salem, contés par Arthur Miller, des faits historiques de son époque, pendant la guerre froide à la naissance du maccarthysme. Bonne lecture !

Comment le mythe de la chasse aux sorcières a-t-il été repensé, réécrit et utilisé comme une allégorie critiquant le maccarthysme ?

1. Lors de la guerre froide, une « chasse aux sorcières » paranoïaque des communistes

  • Le maccarthysme et la lutte contre les idées communistes par la HUAC

Dans le film Guilty by suspicion (La liste noire, en français), on découvre les États-Unis des années 50, au cours desquelles la guerre froide commence à créer des tensions idéologiques palpables entre le bloc Ouest et le bloc Est communiste. Exprimer des idées communistes ou simplement se voir affilié à une telle idéologie devient alors un tabou absolu, si ce n’est associé à un acte pur de trahison. Naît dès lors le maccarthysme (McCarthyism), d’après le sénateur Joseph McCarthy, soit le processus d’accusations de subversion ou de trahison de citoyens américains sans réelles preuves, qui crée dans les États-Unis des années 50 un climat de Red Scare (« Peur rouge » ou « Peur des rouges »), dans un système qui soupçonnait le moindre faux pas comme une menace d’espionnage par les Soviétiques.

Dans Guilty by suspicion, on découvre le parcours chaotique du cinéaste David Merrill, qui doit se justifier devant une commission étatique anticommuniste (HUAC, House Un-American Activities Committee) suite à son séjour prolongé en Europe, chose qu’il refuse. S’ensuit alors un rejet de la société hollywoodienne, qui le pousse à changer de voie.

Lisez ici un article d’analyse plus approfondie sur ce film.

  • L’exemple du « blacklisting » des Hollywood Ten

Plusieurs acteurs hollywoodiens ont été blacklistés, comptant parmi eux Marsha Hunt, activiste opposée aux exactions de la HUAC.

Cependant, le groupe le plus connu de célébrités blacklistées est The Hollywood Ten, un groupe de dix personnes, producteurs et acteurs, qui ont risqué leur carrière pour dénoncer ces méthodes scandaleuses (outrageous process), tout en continuant à écrire sous un faux nom (an alias).

2. Which is witch? Des faits historiques de suspicion de sorcellerie à Salem à The Crucible, par Arthur Miller

  • Au 17e siècle, des accusations de sorcellerie à Salem ont mené à des allégations et à des procès historiques

C’est à la fin du 17e siècle que sont retracées les premières suspicions de sorcellerie dans la ville de Salem. Elizabeth Parris et Abigail Williams, deux jeunes filles, sont considérées comme les premières victimes d’une « possession » par sorcellerie lorsqu’elles tombent malades, sont victimes de convulsions, se contorsionnent au sol et s’expriment dans une langue inconnue. À l’époque, on accuse de nombreux autres villageois, notamment Tituba, la servante barbadienne des Parris, d’être à l’origine d’actes de sorcellerie vaudou sur les deux jeunes filles. À l’issue de ces accusations, de réels procès sont convoqués et des exécutions par pendaison sont perpétrées, et ce dans un processus acharné plus connu sous le nom de « chasse aux sorcières » (witch hunt).

Sur un ton plus humoristique, dans Monty Python and the Holy Grail (Monty Python : Sacré Graal !, en français), les Monty Python jouent une scène incongrue d’accusation de sorcellerie (vous pouvez regarder la vidéo et/ou lire le script).

  • The Crucible d’Arthur Miller (1953), une pièce qui critique discrètement la société américaine au travers d’un mythe basé sur des faits réels

La pièce de théâtre The Crucible, écrite par Arthur Miller, pose à l’écrit puis joue sur scène l’absurdité des accusations de Salem (illustrées par d’incessants doigts pointés tour à tour vers la servante, des villageois et même des chiens, tous soupçonnés de sorcellerie ou de possession) et l’effroi que suscitent ces procès. Ils illustrent les interdictions prodiguées par le Code puritain de l’époque, qui interdisait la magie (magic) ainsi que les pratiques divinatoires (fortune telling).

Je t’invite fortement à lire cette pièce de théâtre, ou au moins à la voir représentée. Tu y retrouveras, entre autres, les personnages d’Abigail et d’Elizabeth, respectivement nièce et fille du Révérend Parris. 

Arthur Miller lui-même avoue avoir utilisé sa pièce de théâtre afin de critiquer de manière subtile le régime en place à l’époque, en remodelant les événements historiques pour dépasser la censure américaine.

Vocabulaire à retenir

Puritan = puritain

Witchcraft = sorcellerie

To conjure spirits = invoquer des esprits

A rag doll = une poupée de chiffon

A voodoo doll = une poupée vaudou

Cauldron = chaudron

To writhe = se tordre de douleur

To trigger off = entraîner

Innuendoes = insinuations, sous-entendus

Allegations = allégations

Courtroom = salle de tribunal

To be summoned on a trial = être convoqué au tribunal, être cité à comparaître

HUAC = House Un-American Activities Committee

The hammer and the sickle = le marteau et la faucille

Subversive = subversif

To enquire = renseigner

To spy on = espionner

Blacklisted = blacklisté, mis sur liste noire

A play = une pièce de théâtre

A playwright = un dramaturge

Pour conclure, nous avons pu ici faire un parallèle entre le récit du mythe de la chasse aux sorcières et les événements de l’époque de la chasse aux communistes. La pièce de théâtre d’Arthur Miller cherche à dénoncer l’absurdité et le caractère facile et aléatoire (random) des accusations de trahison qui traversent le début des années 50.

Nous espérons que cet article aura su t’inspirer, te divertir, et surtout te renseigner sur ce fort lien entre littérature et histoire.