Hélène Cixous

Quatrième autrice de ce dossier sur les women’s studies : Hélène Cixous. Cet article te propose une synthèse de son texte le plus connu : Le Rire de la Méduse (1975). Bonne lecture !

Informations biographiques

Hélène Cixous a établi le concept d’écriture féminine au travers de ses essais et de ses romans. Elle a enseigné à l’université Paris VIII, où elle a également fondé le Centre de recherches en études féminines, le premier centre de ce genre en Europe. Elle a ainsi énormément contribué à l’établissement des études féminines et de genre à l’université.

Née en Algérie, elle a déménagé à Paris en 1955, juste avant la guerre, pour y étudier la littérature anglaise et écrire plusieurs romans primés. En 1975, elle a coécrit The Newly Born Woman avec Catherine Clément, qui ne sera traduit en français qu’en 1986.

Cependant, les échanges entre féministes françaises et américaines avaient débuté dix ans plus tôt, notamment avec la traduction de l’essai de Cixous Le Rire de la Méduse, publié dans la revue Signs. C’est sans aucun doute son travail le plus célèbre. Il s’agit en fait d’un essai dans lequel elle définit le concept d’écriture féminine. Elle y encourage les femmes à écrire et à exprimer leur propre subjectivité en brisant les structures patriarcales du langage et de la littérature.

Hélène Cixous est également connue pour ses analyses littéraires de figures comme James Joyce et pour ses propres œuvres de fiction et de théâtre. Elle a écrit de nombreuses œuvres autobiographiques et critiques, s’inspirant de figures comme Sigmund Freud et Georges Bataille. Sa fiction et ses essais s’appuient souvent sur les idées psychanalytiques de Jacques Lacan et la théorie de la déconstruction de Jacques Derrida, en valorisant la composante féminine historiquement marginalisée ou réprimée dans les discours traditionnels.

Si tu souhaites lire Le Rire de la Méduse, rendez-vous sur cette page.

Le Rire de la Méduse

Hélène Cixous a écrit Le Rire de la Méduse dans un contexte de bouillonnement intellectuel et de féminisme en France dans les années 1970. C’est une période qu’elle qualifie « d’entretemps ».

Cet essai est devenu une référence pour la théorie féministe et les études littéraires, notamment grâce au concept révolutionnaire de « l’écriture féminine », mode d’expression littéraire visant à libérer la voix des femmes des contraintes imposées par les structures patriarcales.

Hélène Cixous avance quatre grands arguments : l’écriture féminine, le mythe de Méduse, la critique des structures patriarcales et l’importance du corps féminin.

L’écriture féminine

L’autrice propose que les femmes s’approprient le langage. Pour elle, l’écriture féminine doit être subversive, fluide et ancrée dans la corporalité. Contrastant avec l’écriture masculine, souvent rigide et logique à l’extrême.

Dès les premières phrases de son essai, Cixous déclare en effet : « Il faut que la femme s’écrive. » Ce ton déontique (c’est-à-dire, qui donne presque un ordre) montre l’urgence de la situation. Elle poursuit en précisant que « la femme n’a jamais eu sa parole », ce sont toujours les hommes qui ont parlé pour elle dans la littérature.

De fait, elle veut que les femmes s’emparent de leur « parole » par l’écriture, mais une écriture qui diffère de celle des hommes. Une écriture qui ne respecte pas les règles de la linguistique structurelle (« Amie, garde-toi du signifiant qui veut te reconduire à l’autorité d’un signifié ! ») et surtout qui déstabilise les hommes. Comme elle l’explique dans ce passage notable :

« Telle est la puissance féminine, qu’emportant la syntaxe, rompant ce fameux fil (juste un tout petit fil, disent-ils) qui sert aux hommes de substitut de cordon pour s’assurer, sans quoi ils ne jouissent pas, que la vieille mère est bien toujours derrière eux, à les regarder faire phallus, elles iront à l’impossible. »

Le mythe de Méduse

L’écrivaine revisite le mythe de Méduse. Si Méduse est traditionnellement perçue comme un monstre pétrifiant, Cixous la présente comme joyeuse. « Méduse n’est pas mortelle. Elle est belle et elle rit », écrit-elle. Ce rire symbolise la libération et la réappropriation de la puissance féminine. En d’autres termes, ce rire métaphorise en quelque sorte le potentiel créatif des femmes.

En réévaluant cette figure mythologique sous un angle positif, Cixous cherche à démontrer par la déconstruction que la peur et la négativité associées à Méduse sont des constructions patriarcales destinées à contrôler le pouvoir féminin.

La critique des structures patriarcales

Hélène Cixous critique les structures patriarcales qui ont historiquement marginalisé les femmes et appelle à une déconstruction de ces structures. Elle a en effet écrit qu’il ne faut plus « confondre le biologique et le culturel ».

Elle s’en prend d’abord à ce qu’elle nomme « l’éducation décervelante, meurtrière » des petites filles, qui sont souvent enfermées dans la sphère privée, alors que les garçons partent à  la conquête de la sphère publique. Du fait de cette éducation « meurtrière », et tout en évoquant l’histoire des femmes, Cixous parle de « gynocide ».

Un peu plus tard, elle étend ses réflexions à d’autres domaines tels que le racisme et explique qu’il est systémique : « L’horreur du noir, nous l’avons intériorisée. » De la même manière, la misogynie est intériorisée et, pour Cixous, les hommes ont amené les femmes « à haïr les femmes, à être leurs propres ennemies ». C’est ce qu’elle nomme un « antinarcissisme ».

Pour s’opposer à toutes ces constructions patriarcales, l’autrice emploie le pronom « illes », marquant dès lors les débuts de l’écriture inclusive et l’expression d’un féminisme dans l’écriture même et dans sa forme.

L’importance du corps féminin

L’essai insiste sur l’importance du corps dans l’acte d’écrire. Cixous prône une écriture qui embrasse les sensations, les émotions et les expériences corporelles, en opposition à une écriture abstraite et désincarnée.

Elle part du postulat selon lequel la femme a été marginalisée ou éloignée de l’écriture comme elle l’a été de son corps (la méconnaissance du corps des femmes par les femmes constituant un outil d’oppression patriarcal). Elle note ainsi : « À censurer le corps, on censure du même coup le souffle, la parole. » De fait, elle lie intimement le corps et l’écriture, et conclut donc « qu’il faut que la femme écrive par son corps ».

Tu sais maintenant tout sur ce texte d’Hélène Cixous, à toi de le réemployer dans tes expressions écrites. Si tu veux continuer de travailler sur le genre, n’hésite pas à consulter notre article sur les inégalités de genre aux États-Unis.