Margaret Atwood

Première autrice et théoricienne de notre série sur le genre : Margaret Atwood. Cet article te propose une fiche synthétique sur l’un de ses essais féministes, nommément Paradoxes and Dilemmas: the Woman as Writer (1976). Cette dernière est suivie d’une analyse de ce texte. Bonne lecture !

Biographie de Margaret Atwood

Margaret Atwood est une écrivaine, poète et critique littéraire canadienne née en 1939 à Ottawa. Bien qu’elle ait rédigé de nombreux travaux critiques sur la littérature, elle est surtout connue comme autrice de fiction. Son roman le plus connu, The Handmaid’s Tale (1985), ou La Servante écarlate en français, est une dystopie qui s’interroge sur le féminisme, notamment sur les droits reproductifs des femmes.

Si tu es plutôt films et séries, ce roman a été adapté en série par Bruce Miller en 2017. La regarder pourrait être une bonne stratégie pour à la fois bosser le thème du féminisme, mais également travailler ta compréhension orale en anglais.

The Handmaid’s Tale

Résumé de Paradoxes and Dilemmas: the Woman as Writer

Dans cet essai, Margaret Atwood explique les différences de traitement entre les femmes et les hommes dans la critique littéraire.

Elle commence son essai en disant que l’on peut remarquer que toutes les autrices femmes sont lues sous le prisme de leur genre. Trop peu d’œuvres réalisées par des femmes sont évaluées dans la presse sans que l’on fasse référence au genre de l’autrice. Cette affirmation n’est en revanche pas vraie pour les hommes. On ne souligne rarement, si ce n’est jamais, qu’un auteur masculin est un homme. En trois points, Margaret Atwood analyse cette différence.

Premièrement, elle évoque le « syndrome de Quiller-Couch »

Le romancier et critique Arthur Quiller-Couch avait déclaré que le style d’écriture des hommes était somme toute viril, tandis que celui des femmes relevait plutôt de la sensibilité. Cette distinction est restée et, dans la plupart des critiques, un vocabulaire synonyme de « virilité » est associé aux œuvres masculines, tandis qu’un vocabulaire de la faiblesse et de la sensibilité est utilisé pour qualifier les travaux féminins.

Deuxièmement, Margaret Atwood évoque le « syndrome de la femme peintre »

Ce concept vient d’une conversation qu’elle aurait entretenue avec un peintre dans les années 1960. Il lui aurait dit qu’une femme talentueuse était « un peintre », tandis qu’une femme sans talent était « une femme peintre ». De là, Margaret Atwood fait le lien avec la littérature. Lorsque l’on critique le travail d’une femme et qu’on veut souligner son talent, on dit qu’elle écrit « comme un homme ». Selon Margaret Atwood, cette comparaison présuppose qu’une femme n’est naturellement pas talentueuse. Et si elle l’est, elle est privée de son identité féminine, cette dernière étant remplacée par un statut plus illustre, celui d’homme. On dérobe ainsi leur genre aux bonnes écrivaines (Margaret Atwood utilise le terme anglais sexless).

À ce propos, l’autrice note d’ailleurs qu’il n’existe pas de vocabulaire critique pour exprimer le concept de « femme talentueuse ». Elle prend l’exemple des hommes, dont le travail est parfois dit « couillu », et explique qu’on ne dit pas que le travail d’une femme est « utérin ». Les disparités de genre s’expriment donc en matière de vocabulaire et de lexique.

Troisièmement, elle passe en revue le thème de la domesticité

Elle conclut que si les hommes qui écrivent à propos de scènes domestiques telles que la vaisselle sont qualifiés de « réalistes », les femmes qui font la même chose sont catégorisées de « femmes au foyer », incapables de représenter des sujets différents.

Donc, pour résumer le propos de Margaret Atwood, le traitement des femmes et des hommes dans la critique littéraire est différent du fait des constructions sociales qui encadrent le concept de genre.

Analyse de Paradoxes and Dilemmas: the Woman as Writer

Deux des points ci-dessus font référence à des « syndromes » (celui de Quiller-Couch et celui de la femme peintre), ce qui crée un sous-texte médical et clinique dans le texte original de Margaret Atwood. Ce type de vocabulaire semble indiquer qu’elle considère les discriminations de genre comme une maladie à soigner.

Les trois parties ci-dessous nourriront cette thèse tout en te proposant trois axes d’analyse du texte d’Atwood. Tu pourras les réutiliser en expression écrite d’anglais ou dans toute autre matière littéraire.

Rendre politique ce qui est personnel : la stratégie du storytelling

Margaret Atwood a recours à sa propre expérience et à la première personne du singulier dans son texte. C’est au travers de cette rhétorique qu’elle remet en question le concept de genre et les thèmes sociopolitiques qui lui sont associés. Ainsi, au lieu d’adopter un point de vue objectif et presque scientifique, elle rend son argumentation subjective. Ce qui souligne le caractère spécifique, personnel et individuel des revendications politiques. En anglais, tu peux utiliser l’expression « making the personal political ».

Néanmoins, l’objectif de Margaret Atwood n’est pas 100 % personnel. Comme tu as pu le remarquer, elle défend un groupe, celui des femmes (notamment des écrivaines). Elle n’est que la représentante de ce groupe. En effet, son argumentation se fonde sur une analyse de lettres et de sondages menés auprès des femmes. Sa démarche se constitue ainsi comme exemple d’un acte de sororité.

Mettre les constructions genrées en lumière

Dans son essai, Margaret Atwood montre clairement comment s’opposent les valeurs associées aux hommes et celles associées aux femmes. Si la masculinité est synonyme de virilité, la féminité évoque plutôt la sensibilité. Elle pose ainsi l’existence de ces constructions sociales pour pouvoir ensuite mieux les déconstruire.

En effet, elle pousse ces constructions sociales jusqu’à leur paroxysme. C’est-à-dire jusqu’à ce qu’elles deviennent absurdes, aporétiques et qu’elles ne fassent plus sens. Dès lors, elle montre que, dans cette conception sociale patriarcale, la féminité est un genre plutôt fluide (les critiques notent souvent que les femmes talentueuses écrivent « comme des hommes »), qui transcende les barrières genrées. Ces dernières ne font donc plus vraiment sens…

Montrer l’importance du langage dans la construction des discriminations de genre

Finalement, Margaret Atwood met un accent particulier sur le langage. Elle met en lumière l’existence de champs lexicaux différents en fonction des femmes et des hommes. Ce qui suggère in fine qu’en modifiant nos habitudes linguistiques, nous pourrions influencer la manière dont le genre est décrit et perçu, ce qui aurait des conséquences sociopolitiques. Elle montre donc le lien entre linguistique et politique.

De la même manière, elle suggère que le langage doit s’enrichir. Les relations prédicatives du type « femmes-être-talentueuses » doivent pouvoir s’exprimer selon une grande palette d’expressions et non pas au travers de comparaisons dénuant les écrivaines de leur identité féminine. Somme toute, le langage apparaît donc comme une source non seulement d’émancipation, mais également d’empouvoirement pour les écrivaines.

Tu sais maintenant tout sur ce texte féministe de Margaret Atwood. À toi de le réemployer dans tes expressions écrites. Si tu veux compléter les notions que tu viens d’apprendre, rendez-vous sur cet article portant sur le vocabulaire des inégalités de genre !