Gilbert et Gubar

Les cinquièmes penseuses de ce dossier sur les women’s studies sont Sandra Gilbert et Susan Gubar, autrices de The Madwoman in the Attic: The Woman Writer and the Nineteenth-Century Literary Imagination (1979). Ce texte est résumé et analysé dans cet article. Bonne lecture !

Informations biographiques

Sandra Gilbert est une poétesse, essayiste et critique littéraire américaine. Elle a enseigné et est aujourd’hui émérite à l’University of California, Davis. Son travail se concentre sur la littérature féminine, la critique féministe et l’intersection entre la poésie et la psychanalyse.

Susan Gubar est également une critique littéraire et universitaire, émérite de littérature anglaise à Indiana University. Comme Sandra Gilbert, Susan Gubar se spécialise dans la critique littéraire féministe et a beaucoup écrit sur la manière dont les écrivaines ont été représentées dans la littérature.

Les deux chercheuses sont surtout connues pour leur collaboration qui a débouché sur la publication de The Madwoman in the Attic: The Woman Writer and the Nineteenth-Century Literary Imagination (1979). Cet ouvrage a eu un impact majeur sur les études non seulement littéraires, mais également féministes. Dans ce travail, elles analysent les œuvres de plusieurs écrivaines du XIXe siècle telles que Charlotte Brontë, Emily Brontë, George Eliot ou encore Mary Shelley. Elles explorent comment ces femmes ont été perçues par leurs contemporains et comment elles ont exprimé leur féminité et leur éventuel féminisme à travers leur écriture.

Après cet ouvrage, les deux penseuses ont continué à collaborer. Leur travail No Man’s Land: The Place of the Woman Writer in the Twentieth Century (1988-1994) explore l’évolution de la littérature féminine au XXe siècle.

Gilbert et Gubar

Répression et marginalisation patriarcales

Le titre The Madwoman in the Attic fait référence au personnage de Bertha Mason dans Jane Eyre (1847) de Charlotte Brontë. Dans ce roman, Bertha est la femme de Rochester qui est enfermée au grenier. Selon Gilbert et Gubar, elle symbolise la manière dont la société patriarcale réprime les femmes et les marginalise.

Dans The Madwoman in the Attic, la problématique des deux chercheuses est la suivante : « If the Queen’s looking glass speaks with the King’s voice, how do its perpetual kingly admonitions affect the Queen’s own voice? […] does she “talk back” to him in her own vocabulary, her own timbre, insisting on her own viewpoint? » Cette question est notamment posée au chapitre 2 de l’ouvrage intitulé Infection in the Sentence: The Woman Writer and the Anxiety of Authorship, qui sera l’objet principal de cet article.

Intertextualité et présence spectrale

Gilbert et Gubar partent du principe que tout texte est « hanté » par des textes passés, la voix des hommes, qui ont longtemps dominé la scène littéraire, occupant ainsi une présence spectrale dans les textes féminins : « A literary text is inhabited […] by a long chain of parasitical presences, echoes, allusions, guests, ghosts of previous texts. »

Cette idée est d’ailleurs répétée lorsqu’elles analysent les poèmes d’Emily Dickinson, puisqu’elles remarquent : « Pernicious “guests” and “ghosts” inhabit all literary texts. »

Déconstruction de la théorie de Harold Bloom

Elles s’attaquent à l’histoire littéraire établie par Harold Bloom, notamment à son argument selon lequel l’écriture poétique ne peut être que masculine et résulte d’un parricide symbolique : « A man can only become a poet by somehow invalidating his poetic father. » Pour Bloom, un texte littéraire résulte de la rencontre entre l’artiste masculin et la muse féminine. Cet argument présente l’histoire littéraire comme exclusivement masculine, idée que les deux chercheuses s’attachent à déconstruire.

Cette déconstruction, bien qu’elle ait pour objectif de rendre la littérature plus égalitaire, commence dans la société : « In order to define herself as an author she must redefine the terms of her socialization. » Dès lors, l’œuvre de Gilbert et Gubar est intrinsèquement politique.

Elles regrettent par exemple que les femmes n’aient pas leur place dans la sphère publique. Ce sont elles qui souffrent en majorité d’agoraphobie, et ce, à cause du système patriarcal qui les confine à la sphère privée.

« Sufferers from agoraphobia—fear of open or “public” places—are usually female, most frequently middle-aged housewives, as are sufferers from crippling rheumatoid arthritis. Such diseases are caused by patriarchal socialization in several ways. »

Si elles souffrent de telles afflictions, comment peut-on imaginer que les femmes aient envie de rendre leurs éventuels textes publics ? Gilbert et Gubar postulent que les femmes écrivaines ont une sous-culture bien à elles, qui se différencie de l’écriture masculine : « Women writers participate in a quite different literary subculture from that inhabited by male writers. »

D’ailleurs, au-delà de l’idée d’une sous-culture, les textes féminins constituent des armes dans la guerre pour l’égalité : « Every text can become a “sentence” or weapon in a kind of metaphorical germ warfare. »

Santé et rôle social

En étudiant la société victorienne, les deux penseuses démontrent également que le rôle social attribué aux femmes met leur santé en danger. Il était « à la mode » pour les femmes de paraître faibles et malades à la fin du XIXe siècle, raison pour laquelle même les plus aisées se rendaient malades et anorexiques en se privant de nourriture. C’est ce qu’elles nomment « le culte de l’invalidité féminine ».

D’ailleurs, même les observations scientifiques supposément objectives semblent avoir transformé la réalité. Citant Wendy Martin, Gilbert et Gubar expliquent que les femmes perçues comme « intelligentes » étaient étudiées par les scientifiques et qu’on leur enlevait souvent de leur « féminité », nommément leurs organes reproducteurs. Par exemple, dans l’extrait suivant, une femme brillante a un utérus qui ne fait que la taille d’un petit pois : « In the nineteenth century this fear of the intellectual woman became so intense that the phenomenon […] was recorded in medical annals. A thinking woman was considered such a breach of nature that a Harvard doctor reported during his autopsy on a Radcliffe graduate he discovered that her uterus had shrivelled to the size of a pea! »

Somme toute, The Madwoman in the Attic est un travail clé des women’s studies qui appelle à une reconsidération de la place des femmes dans l’histoire littéraire. L’œuvre de Sandra Gilbert et de Susan Gubar offre une critique révolutionnaire portant sur la manière dont les femmes écrivaines ont été représentées (et bien souvent marginalisées) dans la littérature anglophone. Dans le chapitre 2, qui a constitué le cœur de cet article, leur analyse s’appuie sur l’idée que les textes littéraires féminins sont hantés par des voix masculines dominantes, une présence spectrale qui influe sur l’expression des autrices féminines. Les deux chercheuses démontrent que pour que les femmes puissent s’affirmer en tant qu’autrices, elles doivent redéfinir les termes de leur socialisation et déconstruire les normes patriarcales.

Tu sais maintenant tout sur ce fameux texte de Sandra Gilbert et Susan Gubar, à toi de le réemployer dans tes colles d’anglais. Si tu veux continuer de travailler sur le genre, n’hésite pas à consulter notre article sur les femmes et le féminisme dans le monde anglophone.