Nous te proposons l’analyse d’un sujet d’oral de Culture Générale de HEC. Quoi de mieux pour se préparer à bâtir des plans que de s’entraîner à le faire sur des sujets d’oraux, qui correspondent en fait aux thèmes de première année ? Avant de le faire, apprends bien la méthode d’analyse d’un sujet d’oral. Maintenant, tu es prêt(e) à te lancer dans l’analyse du sujet « Le repas ».
Introduction
Le repas, c’est à la fois ce qu’il y a dans l’assiette et le moment où l’on consomme ce repas.
Le premier, celui que l’on mange, est lié à nos goûts, mais aussi à notre classe sociale. Dès lors, on peut souligner que le repas est la source d’une distinction sociale.
D’un autre côté, le repas en tant que moment de réunion autour d’une table est un moment de partage (de discussions, d’informations, d’émotions, de goûts). Ainsi, il peut être le lieu d’un rendez-vous romantique, d’affaires, d’une cousinade familiale, ou d’une retrouvaille entre amis. Il est un moment qui délie les langues après quelques verres. Plus encore, il est le moment où les secrets familiaux sont échangés, où les disputes éclatent. Enfin, il est aussi le moment où les accords se passent et où les premiers baisers s’échangent.
Cependant, là encore, le repas est le moment d’une distinction sociale. Cette dernière, plus que par nos goûts, se fait par nos habitudes. La manière dont on mange, dont on tient nos couverts, dont on coupe notre poisson, dont on s’adresse aux serveurs… tout cela est intériorisé.
Enfin, ce moment de réunion sacré dans nombre de familles semble avoir perdu de sa superbe. Si certains préfèrent le sauter, d’autres le passent seuls. À notre époque, le repas se fait de plus en plus en tête à tête avec une télé, un ordinateur, ou un téléphone.
[Problématique] Le repas, moment de partage un temps sacré n’est-il plus que le lieu d’une distinction sociale, voire pire, un moment d’indifférence ?
Proposition de plan
I – Le repas est l’occasion de se réunir et est donc un lieu de partage
1) Dans certaines religions, le repas est un moment sacré
Dans la religion chrétienne, le repas est une occasion de remercier Dieu pour les dons qu’il accorde. La nourriture constituant ce repas devient ainsi une bénédiction pour laquelle il faut montrer de la gratitude.
C’est aussi un moment sacré, car il est le fruit d’un travail. Ce travail manuel de la terre est la punition infligée à Adam pour avoir mangé le fruit de l’arbre de connaissance du bien et du mal. Virgile le décrit parfaitement dans son livre Les Géorgiques. Il y fait l’éloge de l’agriculture. Rappelons que « les géorgiques » signifient littéralement « les travaux de la terre ». Les livres I et II sont consacrés à l’agriculture (aux céréales, puis aux vignes) et les livres III et IV à l’élevage (aux animaux et aux abeilles).
2) Le repas est un moment de plaisir à plusieurs, un moment de réunion et de cohésion
Dans la religion chrétienne, encore une fois, le repas symbolise la communion fraternelle, l’unité et la solidarité entre les croyants. La Cène (le dernier repas que Jésus a pris en compagnie de ses douze apôtres avant son arrestation), dont le tableau de Léonard de Vinci en est une belle représentation, représente ainsi un moment de partage. [Le tableau de Léonard de Vinci, exposé dans une église milanaise, est utile dans nombre de sujets d’oraux de CG. Il est donc bon de savoir le décrire afin de l’utiliser quand tu voudras sortir du lot.]
Le repas peut être un moment de fête, de plaisir et de partage où les cultures peuvent se rencontrer. L’hôte peut faire découvrir à ses convives ses spécialités. Au restaurant, chacun peut satisfaire ses propres goûts et là encore partager son mets avec ses convives. Dans Le Banquet de Platon, le plaisir du repas et du partage provient de la consommation de vin. En effet, ce n’est qu’après cet épisode que les langues se délient et que la discussion sur le désir amoureux peut commencer.
3) Le repas est un lieu de discussion, de partage d’informations
Le repas se trouve être le moment de réunion où tous les convives sont invités à partager leurs expériences. Ces derniers racontent leur journée s’ils sont en famille, leurs aventures s’ils sont entre amis, ou parlent business s’il s’agit d’un repas d’affaires, etc.
Par exemple, dans L’Odyssée d’Homère (au chant IX), c’est lors d’un repas qu’Ulysse raconte ses aventures à la cour du roi Alcinoos et de la reine Arété des Phéaciens. En effet, Alcinoos a convoqué un banquet en son honneur. Durant ce dernier, l’aède Démodocos chante les aventures d’Ulysse, provoquant les larmes du héros. C’est après avoir raconté l’épisode du cheval de trois qu’Ulysse finit par révéler son identité.
II – Cependant, le repas est aussi un facteur de distinction et donc de division
1) Le repas est le lieu de la distinction par le goût
Chacun peut, durant un repas, se comparer à son voisin, voire le juger, suivant ce qu’il consomme. Le choix d’un restaurant, ou du repas du soir, peut même être un facteur de mésentente. Chacun est influencé par ce qu’il a eu l’habitude de manger, les endroits qu’il a eu l’habitude de fréquenter…
Ainsi, dans son Essai sur la norme de goût, Hume souligne que tous les goûts sont dans la nature, et donc on ne peut pas toujours trouver un accord quand il s’agit de choisir un repas. Cependant, toujours selon Hume, tous les goûts présents dans la nature ne se valent pas pour autant ! Dès lors, cela introduit une distinction entre les différents goûts en matière de nourriture. Cette distinction peut être liée à la classe sociale du sujet. C’est ainsi que le repas peut être le lieu de la ségrégation sociale.
2) Le repas est aussi un haut lieu de la ségrégation sociale
En effet, le repas, au-delà de ce que l’on y consomme, est aussi un ensemble de codes. Lors d’un repas, les comportements adoptés par les convives peuvent être différents, de la retenue à la désinhibition. Pire encore, la manière dont il faut utiliser les couverts, dont il faut se tenir, dont il faut parler ou ne pas parler peut être un objet de distinction.
À ce propos, le sociologue Pierre Bourdieu, dans son livre La Distinction (1979), distingue le « franc-manger » de la classe populaire (abondance de mets, familiarité) et le « manger dans les formes » des bourgeois (préférer la qualité des mets, y voir une « cérémonie sociale »).
3) Enfin, le repas est un moment où le relâchement qui lui est associé est propice aux plus grandes querelles
Le repas, ses mets et ses breuvages sont libérateurs de la parole. Hors du temps, tant il peut s’étendre dans la durée, le repas devient le lieu où éclatent les scandales et où les secrets de famille se font savoir.
Ainsi, dans le film Le Jeu de Fred Cavayé, les convives s’accordent à laisser leur téléphone au centre de la table durant tout le dîner et à lire toutes les notifications qu’ils reçoivent. Pas besoin de plus pour faire éclater tous les secrets de ce groupe d’amis, entre trahisons et non-dits, des drames mettant sérieusement à mal leur amitié.
III – Dès lors, le repas a-t-il perdu de son caractère sacré ?
1) La sécularisation de nos sociétés contemporaines occidentales fait perdre son caractère sacré au repas
Le repas a perdu de son caractère religieux et est de moins en moins codifié dans les familles de la majorité des Français. De plus, la télévision nous détourne du rôle de partage du repas. Au lieu de se faire face, les convives font face à un écran. Ce dernier remplace débats et échanges.
Pourtant, on pourrait penser que le repas regagne de son caractère sacré dans un contexte de raréfaction des ressources. La lutte contre le gaspillage alimentaire est l’occasion d’une revalorisation des aliments et donc du repas. Par ailleurs, la volonté de prendre soin de sa santé permet aussi souvent de remettre la qualité des aliments au centre de l’attention. Le repas pourrait donc être sur le point de regagner un caractère sacré, mais dans un contexte laïque.
2) Repas et féminisme : le lieu d’un nouveau conflit ?
On peut observer que le repas reste assez codifié quand il en vient à la relation homme/femme. Tout d’abord, parce que la cuisine fut un temps réservée aux femmes. De plus, le restaurant est un lieu où l’inégalité homme-femme se fait encore ressentir. La carte des vins tend à être réservée à monsieur, tandis que madame se voit tendre une carte sans prix. De plus, après le repas, au moment de payer, l’addition peut être tendue directement à monsieur.
Cette inégalité homme-femme autour du repas est étudiée par Ruben Ostlund, dans son film Triangle of Sadness (Sans filtre, en français). Lors d’une longue scène de près de 10 minutes, les deux influenceurs Carl et Yaya se disputent le paiement de l’addition. Carl s’énerve après que Yaya n’a pas pris l’addition, alors qu’elle avait promis de le faire. Yaya se défend en expliquant qu’elle n’avait pas vu l’addition (ce qu’elle reconnaîtra être un mensonge plus tard dans la soirée).
Dans cette scène, Carl est victime d’une pression, qui est celle de payer l’addition, dont Yaya joue volontiers. Cette pression se ressent aisément grâce à la manière dont la scène a été tournée. Carl se trouve dans un coin sombre, tandis que Yaya est d’un côté plus ouvert de la salle. L’analyse qu’Ostlund fait de son propre film est intéressante à ce sujet. De plus, dès lors que Carl monte la voix, l’ensemble de la salle l’entend et lui lance des regards désobligeants. Ainsi, le repas reste le lieu d’une pression importante et presque sacrée quand il s’agit des relations homme-femme.
Conclusion
La conclusion d’un oral de CG HEC doit être assez brève. Tu dois simplement résumer les points évoqués plus tôt. Ici, il te suffit donc de reprendre le plan afin d’expliquer que le repas, qui est un lieu de partage et de convivialité, peut aussi être un lieu de distinction. Dès lors, il faut se demander si le repas a réussi à conserver son caractère sacré et il faut s’interroger sur les évolutions contemporaines du repas en société.