L’exemple des spartiates est très intéressant pour travailler le thème de CG 2024, “La violence”. En effet, aujourd’hui encore, on utilise l’adjectif « spartiate » pour désigner des habitudes de vie rigides et austères. Cet héritage provient de la réputation de ces soldats de Sparte, puissante cité-Etat de la Grèce Antique, et principale rivale d’Athènes. Ils incarnent « l’exception spartiate », et sont souvent présentés comme invincibles.
Nous proposons donc dans cet article de te faire découvrir l’agôgè. Il s’agit de la formation des soldats spartiates, caractérisée par sa brutalité. Or, sans cette violence, le destin hors-norme de cette ville n’aurait sans doute jamais pu advenir.
La naissance progressive de l’Agôgè : la violence et la gloire
Les spartiates se sont particulièrement illustrés lors de la bataille des Thermopyles en 480 av. J.-C. Ils sauvent ainsi l’honneur des Grecs face aux Perses, et confirment ensuite leur hégémonie en remportant la guerre du Péloponnèse en 404 av. J.-C. Celle-ci conduit à l’effondrement de l’Empire athénien.
On observe dès le VIIIème siècle av. J.-C, lors de l’époque archaïque, un bouleversement des valeurs spartiates. L’idéal homérique de gloire personnelle est ainsi remplacé par la recherche d’une gloire collective. Or, la violence sera un outil pour atteindre cette gloire.
L’agôgè à proprement parler connait son apogée lors de la période classique, aux Vème et IVème siècles av. J.-C. Ce mot désignait, à l’origine, l’élevage rigoureux du bétail. Lycurgue l’aurait utilisé pour fonder un nouveau système d’éducation, qui visait à inculquer les vertus guerrières aux futurs fidèles hoplites de la cité. L’agôgè deviendra même indispensable pour devenir citoyen de plein droit, c’est-à-dire pour participer activement à la guerre et à la vie politique.
Les caractéristiques de l’Agôgè : violence et discipline
Une sélection dès la naissance : la violence de la séparation de la famille
Un tri des enfants – que l’on peut qualifier de politique eugéniste – était opéré par les anciens de la cité. Cela servait à déterminer les enfants les plus vigoureux. Certains racontent que ce test consistait à vérifier si les bébés se plaignaient une fois jetés dans des cuves de vin. Tout enfant jugé faible ou malsain était alors directement abandonné dans le gouffre des Apothètes.
Quant aux nouveau-nés sélectionnés, ils recevaient uniquement les soins rudimentaires pour s’endurcir, avant d’être arrachés à leur famille à l’âge de sept ans. L’agôgè débutait donc réellement une fois tout lien familial rompu, la séparation d’avec ses pairs étant donc une forme de violence initiatrice nécessaire. Mais qui pouvait alors superviser les jeunes apprentis ?
Une accoutumance à la violence et une grande discipline
Les jeunes garçons devraient désormais apprendre à survivre. Ils le faisaient sous le regard torve du pédonome, magistrat en charge du contrôle de l’éducation, et des porteurs de fouets. Ils étaient pieds-nus, avaient la tête rasée, et étaient châtiés à chaque manquement. En effet, la punition était perçue comme un pilier de l’éducation.
Or Xénophon, citoyen d’Athènes et ami de Sparte, louait cette dureté. Il critiquait les autres cités, qui « attendrissent les pieds des enfants en leur donnant des sandales ». N’étant presque pas nourris, les voleurs étaient également valorisés. Mais en cas de manque de discrétion, ils étaient sévèrement battus. Plutarque écrit ainsi que :
Ces enfants, quand ils dérobaient, craignaient si fort d’être découverts, qu’un d’eux, à ce qu’on rapporte, ayant pris un renardeau qu’il avait caché sous sa robe, se laissa déchirer le ventre par cet animal à coups d’ongles et de dents, sans jeter un seul cri, et aima mieux mourir que d’être découvert.
Les enfants préféraient ainsi endurer les pires douleurs plutôt que d’être déshonorés. La violence était donc acceptée, au prix de la gloire. Plutarque raconte même que les mères spartiates tuaient sans hésitation leur fils s’il avait fait preuve de quelconque faiblesse ou pleutrerie.
Les entrainements à la survie, les exercices d’endurance et le maniement des armes constituaient ainsi la majeure partie de l’agôgè. Cependant, la formation intellectuelle restait également importante. Pour plus d’efficacité, on apprenait par exemple aux soldats à se faire violence. Autrement dit, ils devaient faire des efforts sur eux-mêmes, en évitant toute spontanéité et prolixité. C’est d’ailleurs la Laconie, région du Péloponnèse dont Sparte est la capitale, qui a inspiré l’utilisation de l’adjectif “laconique” pour désigner une expression restreinte.
La pédérastie
A partir de l’âge de douze ans, les adolescents commençaient à entretenir une relation avec des hommes plus âgés. A travers cette liaison, l’éraste (inspirateur) expérimenté était censé élever l’âme de son éromène (auditeur). On disait que cela permettait de conserver un certain esprit de solidarité entre les soldats.
La pédérastie était contrôlée par l’Etat spartiate, mais certains auteurs évoquent sa potentielle violence intériorisée, suggérant son caractère homoérotique. Dans les Lois, un de ses derniers dialogues, Platon dénonce d’ailleurs « l’amour contre-nature » pratiqué à Sparte.
Une rivalité exacerbée : une violence perpétuelle
La formation est jalonnée de différentes étapes, qui permettent aux spartiates d’acquérir des statuts de plus en plus élevés. D’abord considérés comme des paides (enfants) de sept à douze ans, ils sont ensuite qualifiés de paidiskoi (grands garçons) jusqu’à dix-huit ans. C’est l’âge où ils deviennent finalement hebontes (jeunes hommes).
Les trois meilleurs étudiants de l’agôgè, appelés hippagrètes, avaient chacun l’honneur de choisir cent des futurs membres de la garde royale. Le processus de sélection étant particulièrement rigoureux, les jeunes soldats s’affrontaient continuellement entre eux. Malgré leurs rudes conditions de vie, ils le faisaient pour prouver leur valeur.
A l’âge de trente ans, l’Etat les invitait à participer à la Cryptie, ultime étape du programme. Durant une année entière, ils devaient se cacher sans se faire repérer, totalement livrés à eux-mêmes. Uniquement munis d’un couteau et ne possédant presque aucun vêtement, ils avaient pour mission de tuer tous les hilotes qu’ils rencontraient, particulièrement les plus puissants.
Ainsi, se montrer capable de tuer des membres de cette population asservie, propriété de l’Etat, était jugé indispensable pour espérer obtenir des responsabilités et être reconnu à Sparte.
Conclusion
Le mythique législateur Lycurgue a proposé un système d’éducation unique et novateur qui a permis d’établir la grandeur de Sparte. Cependant, cette formation rigoureuse des soldats a nécessité de faire passer le bien de la cité avant tout, faisant comprendre à chacun que sa vie dépendait d’elle.
La pression pour accéder aux honneurs a poussé les spartiates à accepter des violences physiques et morales quotidiennes. Ces violences étaient ainsi banalisées, et même considérées comme édifiantes. Tel était finalement le prix à payer pour devenir un véritable spartiate.
L’agôgè telle qu’elle était connue lors de la période classique a perduré jusqu’à la bataille de Leuctres en 371 av. J.-C. A cette date, Thèbes devient la cité-Etat la plus puissante de Grèce en vainquant Sparte. Le programme subsistera tout de même dans une forme diminuée, jusqu’au début du IVème siècle ap. J.-C.
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