vocabulaire

Voici la deuxième partie de notre article sur le concept d’image chez Stephan Zweig, dont tu trouveras le début ici.

Dans cet article, nous analysons la place de l’image dans trois oeuvres de Stefan Zweig. Auteur autrichien du vingtième siècle. il était profondément humaniste et a grandement souffert des horreurs des deux guerres mondiales. Il mettra fin à ses jours en 1944, ne supportant plus le nazisme.

Comme tu le sais, les références utilisées dans une copie de culture générales sont d’une importance majeure. Autant par leur choix que par la qualité et la finesse de leur analyse, elles peuvent t’amener à faire sortir ta copie du lot. Mais pour te démarquer grâce à tes références, il est primordial que tu n’utilises pas uniquement des oeuvres directement couvertes par ton programme de Culture Générale. 

Il s’agit avant tout de bien exploiter ta référence pour lui faire dire ce que tu souhaites afin que l’on suive ton raisonnement même si cette dernière n’a pas de lien direct avec « L’image ». Nous te proposons ainsi trois références qui peuvent être utilisées à l’écrit. Néanmoins, pour bien se familiariser avec une oeuvre, il est toujours bien plus efficace de la lire intégralement !

Vingt-quatre heures de la vie d’une femme 

L’oeuvre

Dans une petite pension de la Riviera, un scandale éclate : Mme Henriette quitte son mari et ses enfants pour un homme qu’elle connait a peine. C’est alors que Mrs C, une vieille dame anglaise très distinguée, raconte au narrateur une journée et une nuit de son passé afin de l’aider à comprendre Mme Henriette. Mrs C. était sur le point de tout quitter pour un homme qu’elle venait de rencontrer et qui présentait une addiction aux jeux. 

Utilisation de la référence 

Tu peux te servir de cette oeuvre pour évoquer l’image physique et la symbolique des mains. En effet, dans le récit, Zweig accorde une importance particulière aux mains, qui deviennent un symbole de l’obsession de Mrs. C. et de son lien avec le jeune homme. L’image se définit comme la représentation visuelle de quelque chose. Ainsi, les mains sont la représentation visuelle des rapports entre Mrs. C. et le joueur du casino.

La place de l’image dans Vingt-quatre heures de la vie d’une femme

Mrs. C. rencontre le jeune homme dont il est question dans un casino. Ce dernier est totalement absorbé par le jeu de la roulette, et immédiatement, elle l’observe : elle est fascinée par l’expressivité et l’agitation de ses mains, qui trahissent son état émotionnel intense. Mais alors que ses mains semblent incarner à la fois son espoir et son désespoir, la chance le quitte progressivement.

En effet, après une dernière partie où il mise ses dernières ressources, il perd tout. Quand la roulette s’arrête sur un numéro qui n’est pas le sien, il reste alors figé, comme pétrifié par l’ampleur de sa défaite. Puis, complètement défait, il quitte la salle dans une démarche vacillante. 

C’est alors que Mrs. C. le retrouve dehors dans un moment de désespoir, et lui offre de l’argent pour se remettre sur pied. Ils passent une journée ensemble, durant laquelle elle est à la fois captivée par sa fragilité et animée par un désir aussi profond qu’irrationnel de le sauver :

Chacun de mes nerfs sentait trop infailliblement que cet étranger, que cet homme, déjà à demi-perdu, s’attachait à la dernière planche de salut, avec toute l’ardeur et la passion de quelqu’un qui est mortellement menacé. Il s’accrochait à moi comme celui qui déjà sent sous lui l’abime.

Cependant, alors qu’ils s’étaient donnés rendez-vous à la gare pour s’enfuir ensemble après une fabuleuse journée et une fabuleuse nuit, le jeune homme disparut brusquement, la laissant déçue et humiliée.

Ainsi, tu peux parler des mains des personnages, en particulier ceux du jeune homme, pour évoquer l’image comme représentation visuelle des rapports entre Mrs. C. et ce dernier. En effet, dès leur première rencontre, Mrs. C. est hypnotisée par les mains du jeune joueur, c’est même d’abord celles-ci qui l’attirent chez lui. Elle décrit parfaitement leurs mouvements frénétiques lorsqu’il mise au casino, puis leur fragilité lorsqu’il sombre dans le désespoir. Pour elle, les mains deviennent une sorte de reflet de l’âme du joueur, incarnant à la fois sa dépendance et sa nervosité. Elle dira même :

Je n’ai jamais vu de ma vie des mains plus expressives que les siennes : elles semblaient vivre une existence propre.

Ainsi, les mains du joueur incarnent physiquement sa perte de contrôle sur le jeu, mais également sur sa vie. À travers leurs mouvements nerveux et répétitifs, elles symbolisent l’addiction du jeune homme aux jeux et son incapacité à se maîtriser. Ces mains, qui pourraient être un outil de création ou de travail, deviennent donc ici l’instrument de sa destruction. 

L’image des mains a un fort pouvoir : pour Mrs. C., cette perte de contrôle contraste avec sa propre vie, où elle a toujours cherché à rester digne et conforme aux attentes sociales. Les mains du joueur symbolisent donc une rupture avec l’ordre et la rationalité qui régissent son existence.

Lorsque Mrs. C. aborde le joueur qui vient à peine de tout perdre, elle lui tend la main. Là encore, Zweig utilise les mains comme une métaphore. Cette fois-ci, elles matérialisent l’engagement de Mrs. C. Ce geste incarne ainsi son acte de compassion, mais aussi son impulsion irrationnelle, dans laquelle elle s’implique émotionnellement et physiquement. Quand elle saisit les mains du joueur pour le réconforter, ce geste marque donc aussi bien une connexion humaine profonde qu’une transgression des normes sociales.

Finalement, les mains des personnages dans ce récit apparaissent comme des éléments physiques qui trahissent les façades que les personnages tentent de maintenir.

Amok

L’oeuvre

Cette nouvelle se déroule sur un paquebot. Le narrateur y fait la rencontre d’un mystérieux médecin expatrié qui lui confie son histoire : dans une région rurale de Malaisie, une femme Anglaise lui avait demandé son aide pour mettre fin à sa grossesse ; or, ce dernier a refusé. Rongé par la culpabilité et obsédé par cette femme, il change d’avis, mais cette dernière refuse lorsqu’elle comprend l’obsession du médecin envers elle. Elle perdra la vie suite à l’intervention mal réalisée d’une guérisseuse. 

Utilisation de la référence 

Tu peux utiliser cette nouvelle de Zweig pour parler de l’image de soi et explorer le thème de la culpabilité. 

La place de l’image dans Amok

Lorsque la femme distinguée et presque hautaine voulant l’aide du médecin pour mettre fin à sa grossesse découvre que celui-ci est instable émotionnellement, elle refuse de faire appel à lui. 

Le médecin s’en veut amèrement et malgré plusieurs refus de sa part, il lui fait parvenir une longue lettre dans laquelle il présente ses excuses et lui propose à nouveau de réaliser son souhait d’avorter discrètement. La femme Anglaise est fière et obstinée, sa réponse est catégorique : « Trop tard ! »

Alors qu’elle agonise des suites de la procédure d’une guérisseuse indigène, elle demande à ce que le médecin veille sur elle durant ses dernières heures et qu’il s’occupe de dissimuler à son mari les réelles raisons de son décès. À partir de ce moment-là, le médecin devient obsédé par la réalisation de la dernière volonté de la femme.

Tu l’auras donc compris : la culpabilité et l’impossibilité de vivre en acceptant ses propres actions du passé sont des thèmes qui traversent le récit. Cette référence est utile pour aborder le sujet de l’image de soi et sa puissance, qui peut s’avérer destructrice. En effet, hanté par son refus et par sa culpabilité, le médecin sombre dans une sorte de folie qu’il compare à l’amok, un état de rage frénétique dans lequel une personne agit de manière irrationnelle et destructrice. 

L’impossible volonté de revenir en arrière sur un sort déjà scellé l’empêche d’avancer et le fait sombrer dans la folie. Lorsque la femme meurt des complications de son avortement clandestin, il devient obsédé par la promesse de récupérer et de protéger son honneur en veillant à ce que son corps soit rapatrié dignement. Sa quête culmine alors dans un acte de sacrifice désespéré.

L’image de soi est un concept central dans la psychologie et la sociologie. Elle représente la perception que nous avons de nous-mêmes, incluant nos forces, faiblesses, et la valeur que nous pensons avoir. C’est à cause de la détérioration de l’image qu’il à de lui que médecin est confronté à une crise identitaire. Son obsession pour la femme et son échec à la sauver ternissent l’image qu’il a de lui-même en tant que professionnel et être humain, choses étroitement liées en tant que médecin. Il lutte avec une culpabilité dévorante, incapable de se pardonner d’avoir laissé son désir et sa frustration influencer son comportement.

Pour conclure, tu peux dire, en t’appuyant sur cette nouvelle, que l’image de soi joue un rôle essentiel dans notre identité, nos relations, et notre manière d’interagir avec le monde. Cultiver une perception saine et bienveillante de soi est donc très important pour renforcer sa résilience et son bien-être.

Le Monde d’hier : Souvenirs d’un Européen 

L’oeuvre

Le Monde d’hier est une œuvre autobiographique majeure de Stefan Zweig, écrite en exil au Brésil entre 1939 et 1941. Ce témoignage puissant et nostalgique retrace l’histoire culturelle, sociale et politique de l’Europe et tout particulièrement de l’Autriche, à travers le regard de Zweig, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à la montée du nazisme. Juste après la rédaction de cette oeuvre, il mettra fin à ses jours avec sa femme, ne supportant plus le destin tragique de l’Europe. 

Utilisation de la référence

Le thème de l’image dans Le Monde d’hier de Stefan Zweig est central. L’oeuvre est entièrement traversée par l’image d’une Europe idéalisée qui joue un rôle majeur dans la construction du souvenir. Ainsi, cette référence peut te servir à parler de l’image idéale d’un lieu ou d’une époque dans la mémoire d’un personnage. 

La place de l’image dans Le monde d’Hier : 

Tout d’abord, Zweig décrit son enfance dans l’Empire austro-hongrois. Il évoque ce souvenir comme une époque de stabilité et de prospérité, où l’art et la culture occupaient une place centrale. Vient ensuite la Belle Époque, qu’il qualifie d’”âge de sécurité”, avant que la Première Guerre mondiale ne vienne bouleverser cet équilibre. Il témoigne de l’effondrement des grandes monarchies européennes et de la montée des nationalismes qui marquent l’entre-deux-guerres.

Puis, il revient sur son adolescence et partage une réflexion personnelle sur sa carrière littéraire et ses rencontres avec des figures majeures de son époque, telles que Freud, Rilke ou Rodin. Zweig y exprime son engagement pour les idéaux humanistes et son amour pour une Europe unie par la culture, mais aussi son désespoir face à la montée du nazisme et à la barbarie qu’il a dû fuir en s’exilant.

Ainsi, la place de l’image d’un monde disparu et idéalisé est omniprésente. L’œuvre est empreinte de nostalgie, tout en dénonçant les dérives politiques et sociales qui ont conduit à la destruction d’une Europe unie. L’image qu’a Zweig de l’Europe d’avant guerre est celle d’un monde où les valeurs humanistes et artistiques dominaient, et où la paix semblait acquise. Le Monde d’hier est donc à la fois un témoignage personnel et un adieu à une civilisation qu’il considérait comme un modèle de progrès et de paix.

Cette image, cependant, est volontairement idéalisée. Zweig appartient à la bourgeoisie viennoise, un milieu qui jouissait d’un confort matériel et culturel, mais qui restait largement insensible aux inégalités sociales et aux tensions politiques sous-jacentes. Il n’a donc pas su donner suffisamment de crédit aux premiers signes de la fin de cet ordre qu’il pensait immuable. Il s’en voudra d’ailleurs pour cela. Cette idéalisation reflète ainsi à la fois un attachement sincère à ce monde et une forme de regret de ne pas avoir perçu les failles qui allaient conduire à sa destruction. L’image d’une Europe idéalisée sert donc à contraster avec le chaos qui suivra, renforçant l’idée d’une perte irrémédiable. Cette référence te permet donc d’engager une reflexion sur la fragilité des idéaux sociaux et culturels face aux bouleversements historiques. Pour illustrer cette l’image idéale de cette stabilité trompeuse, nous te proposons la citation suivante : 

Nous étions au bord d’un volcan sans le savoir. Les montagnes d’Europe, dans leur quiétude majestueuse, semblaient immuables, mais au-dessous d’elles fermaient les forces terribles qui allaient bouleverser notre monde.

Néanmoins, dans Le Monde d’hier, le thème de l’image ne se limite pas à une nostalgie générale ; il joue également un rôle dans la construction du souvenir et du récit historique. Zweig, en tant que témoin et acteur de son époque, utilise des descriptions précises et évocatrices pour immortaliser un monde disparu. Les portraits de figures culturelles comme Freud ou Rilke participent à cette mise en scène. L’auteur met en avant le rôle du récit comme un acte de résistance à l’oubli, où les images du passé deviennent un moyen de préserver une époque révolue. Il écrit par exemple :

Évoquer ce que l’on a vécu, c’est sauver de l’oubli ce que le temps menace de détruire (…). Ce que j’ai vu et connu, je veux le transmettre non pas comme une suite de faits, mais comme un tableau où chaque détail compte.

Enfin, comme nous l’avons vu, l’image dans la mémoire et le récit permet à Zweig d’immortaliser les personnalités et les lieux qui ont marqué sa vie et celle de son époque. 

Conclusion 

Voici donc trois oeuvres de Zweig dont tu peux te servir pour appuyer un de tes arguments en dissertation de culture générale. Tu peux même utiliser plusieurs de ces références dans une même copie afin de montrer une appétence particulière pour les oeuvres de Zweig, un auteur qui mettra tout le monde d’accord. 

Mais si tu souhaites utiliser une de ces références à l’oral HEC, je te conseille très vivement d’avoir lu l’oeuvre intégrale en amont !