Pour la plupart d’entre nous, l’urgence écologique est une évidence. La Terre souffre de l’activité humaine : c’est en partie cette réalité qui a inspiré Face à Gaïa, ouvrage paru en 2017, qui regroupe huit conférences dispensées par Bruno Latour. Celui-ci y traite la question de l’environnement, et, par là, la nécessité de réinventer notre relation avec le monde.

Bruno Latour : environnement et sciences sociales

Professeur émérite d’anthropologie à Sciences Po, Bruno Latour est considéré comme un pionnier dans le domaine de la sociologie. Il est largement connu pour ses contributions à la compréhension de la manoère dont les sciences sont produites et diffusées dans les sociétés modernes.

Ses travaux ont également eu un impact significatif sur les études sur la mondialisation, l’environnement et la politique. Il a d’ailleurs été lauréat du prix Holberg en 2013, l’équivalent du prix Nobel des sciences sociales, pour sa contribution exceptionnelle à la compréhension de la relation entre sciences, arts, politique et religion.

Face à Gaïa : Huit conférences regroupées en un livre

Face à Gaïa se présente comme un compte rendu de huit conférences, dans lesquelles B. Latour examine la problématique écologique, et donne les solutions qui pourraient permettre d’avoir de meilleurs rapports avec le monde.

Gaïa : au delà de la divinité, une nouvelle forme de monde

Gaïa se présente ainsi comme une certaine conceptualisation du monde : il ne s’agit pas d’une divinité, mais de la nature ; non plus divine, parfaite, mais en plein bouleversement. C’est donc un monde, mais sans sa dimension stable :

Gaïa n’est pas le Globe, n’est pas la Terre-Mère, n’est pas une déesse païenne, mais elle n’est pas non plus la Nature, telle qu’on l’imagine depuis le XVIIe siècle, cette Nature qui sert de pendant à la subjectivité humaine […] Avec le risque d’une guerre de tous contre tous,
l’ancienne Nature disparaît et laisse la place à un être dont il est difficile de prévoir les manifestations. Cet être, loin d’être stable et rassurant, semble constitué d’un ensemble de boucles de rétroactions en perpétuel bouleversement. Gaïa est le nom qui lui convient le mieux.

B. Latour critique ici les approches modernes, qui considèrent la nature comme une simple ressource à exploiter pour le profit humain. Il aborde également la nécessité de redéfinir les notions de progrès et de développement : il s’agit de les orienter dans la direction d’une protection de la planète.

Il appelle ainsi à une collaboration internationale visant à faire face à ces défis globaux, ainsi qu’à la création de nouvelles institutions pour gérer les relations entre l’humanité et la planète. Il soutient également la nécessité d’une éducation environnementale pour sensibiliser les citoyens aux enjeux écologiques.

Enfin, B. Latour conclut que nous avons une responsabilité collective envers la planète, et que nous devons agir rapidement pour la protéger et la préserver pour les générations futures. Son ouvrage remet donc en question la chosification du monde.

Penser le monde autrement

Reconnaître l’instrumentalisation du monde

L’Homme a souvent tendance à penser que son environnement est un simple outil. Ainsi, la doctrine capitaliste ne se préoccupe pas des dégradations de la planète qu’elle peut causer. On a donc cette sombre impression que le bien-être et les objectifs des humains doivent passer avant tout le reste.

Il n’est donc même plus question d’écologie, mais plutôt de pérennité du modèle actuel pour la survie de l’espèce humaine. L’ouvrage de B. Latour pense ainsi le monde comme un être qui n’est ni inférieur, ni non plus divin, mais qui reste une entité digne de respect.

Ce livre nous invite donc à regarder Gaïa droit dans les yeux, et à reconnaître, dans un premier temps, les dégâts de notre système économique. Il sera question, dans un second temps, de penser à réparer ce qui peut l’être; et surtout, de construire un monde qui peut cohabiter avec Gaïa.

Un monde en symbiose avec Gaïa

Est-ce un vœu pieux ? Peut-être, si on est pessimiste. Mais, en réalité, en utilisant plusieurs leviers (dont l’éducation), il est tout à fait possible de prendre en compte Gaïa dans l’activité humaine.

Cela passera avant tout par une éducation écologique approfondie chez les plus petits, mais aussi chez les actifs. Le monde, avec Gaïa, n’est en outre pas nécessairement synonyme de décroissance, ou de retour au Moyen-Âge, ni même de stagnation. C’est plutôt, à lire B. Latour, une invitation à innover, et à trouver des solutions en adéquation avec notre ère.

Utiliser Face à Gaïa en dissertation

L’oeuvre de B. Latour nous permet de défendre une idée, qui fait consensus (du moins en France), avec un concept plutôt fort. Il peut d’ailleurs permettre d’utiliser des concepts économiques ou géopolitiques de manière très philosophique.

Il permet aussi, et c’est une idée singulière dans son livre, de penser le monde comme une entité, et non simplement pour désigner une sorte de moraline qui n’intéresse plus grand monde.

Enfin, Latour opère une distinction entre le monde (le lieu où les hommes vivent) et Gaïa (l’entité liée à la nature, qui n’est désormais plus figée). Cette analyse permettrait donc de dynamiser vos analyses de la notion de monde, tout en utilisant Hésiode de manière originale.

Conclusion

Face à Gaïa nous invite donc à penser le monde différemment. Il n’est plus simplement un outil, un objet dont le seul dessein serait de répondre aux besoins humains, mais une entité presque consciente ; on parle donc, à ce stade, de Gaïa.

L’ouvrage se veut donc être une réflexion sur la manière dont nous pouvons davantage respecter notre planète, tout en préservant notre monde. Il tente ainsi d’aller au-delà des contradictions, pour amener la communauté mondiale à changer de modèle.