Après t’avoir fourni le sujet en exclusivité dès les premières minutes suivant la fin de l’épreuve ce matin, Major Prépa te propose son analyse du premier sujet pour te permettre d’en saisir l’esprit général et les attendues majeures ! Le sujet sera par ailleurs plus précisément analysé ce soir au cours de notre live de debrief des concours !
Cette année, Major Prépa t’accompagne tous les jours pendant les concours ! Retrouve le Live Inside Concours à 18h tout au long des concours ECRICOME.
L’analyse du sujet sur l’image
Premier piège : l’importance de la problématisation
L’erreur du plan thématique
Le sujet d’ECRICOME de cette année, “Qu’est-ce qui apparaît dans l’image ?”, ressemble faussement à ce qu’on peut nommer un sujet-tiroir, qui appellerait à élaborer une sorte de liste thématique et descriptive permettant de répondre directement à la question.
Ce qui apparaît dans l’image serait alors 1) l’image elle-même, 2) le modèle, ou encore 3) une déformation de ce dernier au profit d’une présence-absence étrange, qui renverrait donc à un troisième terme, et qui ne serait donc ni le support, ni le signifié de l’image, mais une création originale de l’image qui, pourtant, ne lui correspond pas tout à fait. Cette dernière piste est non seulement intéressante, mais essentielle : elle devait ainsi, comme nous le verrons, être au centre de la problématisation.
Mais pour qu’il y ait problématisation, il faut qu’il y ait un problème : or, répondre derechef à cette question par une réponse arrêtée, c’est oublier de poser ce problème. Autrement dit, votre sujet n’appelait absolument pas une réponse descriptive : au contraire, comme toute dissertation, vous deviez proposer un raisonnement dialectique, et non pas thématique (“I) X apparaît, II) mais aussi Y, III) et finalement aussi Z”), ou faussement dialectique (“I) X apparaît dans l’image, II) mais pas Y, III) mais alors qu’en est-il de Z ?”).
Problématiser un sujet en “qu’est-ce qui” : interroger le “présupposé” du sujet
Plutôt que de répondre directement à ce “qu’est-ce qui” par des exemples plus ou moins bien organisés, c’est donc ce “qu’est-ce qui” lui-même qu’il fallait interroger. C’est là le centre de la méthodologie de la dissertation ; si bien qu’encore plus que d’habitude, seront départagés très rapidement celles et ceux qui ne la maîtrisent pas.
Comment donc interroger ce “qu’est-ce qui”, et qu’est-ce que cela signifie ? Ce que vous deviez faire, ce n’est pas vous demander, d’abord, ce qu’on peut répondre à ce “qu’est-ce qui”, mais ce que le fait même de se demander “qu’est-ce qui” implique. Pour le dire autrement, l’enjeu du sujet était de se demander si le fait même de se demander ce qui apparaît dans l’image a du sens. Ainsi, le problème – du moins dans un premier temps – est moins de savoir ce qui apparaît dans l’image que d’élucider les conditions de possibilité d’un apparaître dans l’image : qu’est-ce qui, dans la nature de l’image, fait d’elle le substrat d’une réalité particulière, qui ne se révèle qu’avec elle ?
Ensuite, mais ensuite seulement, devait venir le moment où vous interrogiez la nature de ce que manifeste l’image : mais il faut bien d’abord interroger le présupposé selon lequel l’image manifeste quelque chose. Ce n’est qu’en interrogeant ce présupposé, qui porte sur la nature même de l’image, que l’on pouvait ensuite travailler à trouver la tension permettant de poser un problème – à condition de ne pas glisser d’une réflexion sur la nature de l’image et de la réalité qu’elle manifeste à un exposé sur sa valeur.
Deuxième piège : l’importance de la rigueur et des définitions
L’erreur du prisme moralisant
La difficulté de ce sujet – assez exigeant relativement aux années précédentes pour ECRICOME – résidait en effet également dans un deuxième piège, qui est cependant moins propre au sujet lui-même qu’à votre notion de l’année en général. Comme l’écrit L. Lavaud dans l’introduction du corpus GF sur “L’image”, que vous avez peut-être consulté en préparant votre épreuve, la réflexion sur l’image, dans l’histoire de la pensée, a moins pris pour objet sa nature-même que sa valeur, s’empêchant du même geste de la penser réellement : une dissertation sur cette notion doit éviter de tomber dans ce piège, et toujours se demander, avant de donner une valeur négative (ou positive d’ailleurs) à ce que l’image est, représente ou connote, ce qui fait que l’image est quelque chose, représente quelque chose ou connote quelque chose. Il n’est en effet pas du tout évident que l’image fasse apparaître quelque chose, et encore moins que cette apparition ait lieu “dans” l’image.
Vers l’analyse du sujet : qu’est-ce qui fait qu’il apparaît quelque chose dans l’image ?
Ne faut-il pas toujours déchiffrer ce que dit l’image pour qu’elle manifeste son objet ? Autrement dit, rien n’apparaîtrait dans l’image qui ne soit dans l’oeil du spectateur (ou à la rigueur, de l’artiste créateur) : il n’y aurait rien “dans” celle-ci, parce que ce que l’image manifeste serait toujours à l’extérieur d’elle-même. C’est là qu’une définition de l’image, que l’on peut d’abord décrire simplement comme la représentation d’un objet d’après un modèle (conscient ou non), vient en aide.
Si l’image est d’abord une représentation, c’est-à-dire un mécanisme de renvoi vers une absence qu’elle rend présente, alors ce qui apparaît “dans” l’image est toujours autre qu’elle-même : on retrouve donc ici la tripartition initiale entre l’image (le substrat, le matériel : par exemple la toile), le modèle (la nuit étoilée représentée) et le tiers, cette nuit étoilée représentée par Van Gogh, qui n’existe nul part ailleurs, et n’existe donc qu’en tant qu’image – mais pas dans elle.
“Dans” l’image, il n’y a en effet rien d’autre qu’elle-même ; mais du même geste, cette image est toujours autre qu’elle même, puisqu’elle renvoie toujours, par son apparition même, à ce qui l’a fait apparaître, c’est-à-dire son modèle. Vous voyez donc que c’est en convoquant les définitions précises des termes que l’on commence à trouver une tension : il faut alors se pencher de plus près sur le terme crucial qu’est l’”apparition”.
Analyse de l'”apparition” : l’image comme structure de manifestation
Première acception de l’image : l’image, comme simple représentation, ne fait pas apparaître, mais manifeste
Vous n’étiez pas obligés de le savoir, mais si c’était le cas, il était utile de préciser que le terme d’apparition, en grec, ou phainomenon, tire sa racine de la lumière, phos, d’où sont également issue la notion de… phantasma (l’image, mais en tant qu’elle est illusion). Par définition donc, l’image est ce qui apparaît, ce qui se révèle à la lumière ; ou du moins ce qui fait apparaître. Or, nous l’avons vu, ce qu’elle fait apparaître est ce renvoi spécifique au modèle.
Le problème qui se dessine alors est donc de savoir si l’on peut parler d’un véritable contenu pour l’image, c’est-à-dire d’une apparition toute nouvelle, originale, qui n’existe qu’avec elle, ou si l’image, au contraire, n’est pas toujours la ré-apparition de quelque chose qui lui pré-existe. Autrement dit, l’image manifesterait certes quelque chose, mais cette manifestation ne serait pas, à proprement parler, une apparition, au sens d’une révélation de quelque chose d’inexistant : l’image n’engendrerait aucune réalité à part entière, mais simplement une reproduction de phénomènes qui ne dépendent pas d’elle pour apparaître, puisque si l’image représente, il faut bien que ce qu’elle présente existe déjà. En ce sens, rien n’apparaît dans l’image : plus précisément, l’image ne fait rien apparaître d‘elle-même. Mais votre problématique ne pouvait s’arrêter là : il faut en effet considérer l’ensemble des définitions possibles de l’image, tout en nuançant, du même geste, l’analyse du sujet.
Deuxième acception de l’image : l’image phantasma n’est pas l’eikon
Revenons sur le “dans” : il faut, comme nous l’avons vu, distinguer ce que fait l’image (c’est-à-dire ce qui s’en manifeste extérieurement) de ce qui se passe dans l’image (c’est-à-dire ce qu’elle est, en elle-même). L’image, bien sûr, est eikon, c’est-à-dire une représentation, a priori fidèle : en ce sens, nous l’avons dit, elle n’est rien d’autre qu’une structure de signifiant à signifié, un renvoi, ou à la limite le substrat de ce renvoi. Elle n’a donc pas de contenu apparaissant, puisqu’elle est elle-même une manifestation de ce qui est déjà apparu : elle n’est que ce qu’elle fait, et non ce qu’elle utilise ; bref, elle ne peut être confondue avec le modèle.
Pourtant, vous pouvez également considérer, au-delà de cette conception classique de l’image qui ne doit jamais se confondre avec le modèle, que c’est justement parce que l’image est une puissance de manifestation qu’un “qu’est-ce qui”, c’est-à-dire un quelque chose, apparaît précisément par l’image ; non pas dans l’image, mais par son existence même : peu importe que le contenu de l’image soit une illusion (phantasma) ou une reproduction fidèle (eikon), l’image a une dimension effective, puisqu’elle se distingue toujours, ne serait-ce que matériellement, du modèle (La Nuit étoilée est composée d’une toile, de peinture, bref, d’une matière qui n’est pas celle du ciel). De là pouvait découler une réflexion tout à fait intéressante sur les différents degrés d’apparaître de l’image selon sa matérialité, un auteur comme Hegel étant alors sinon indispensable, fort utile.
Autrement dit, quelque chose – et c’est la nature de ce quelque chose qu’il faudra alors élucider dans le développement – apparaît bien avec l’image, ne serait-ce que le geste créateur de celle-ci : le réel est donc bien modifié par l’image, par l’ajout non pas d’information (littéralement, d’une nouvelle forme), mais de contenu. Ce n’est par ailleurs qu’à l’aune d’une telle transformation du réel par l’apparition effective de contenu que l’image peut adopter sa troisième acception, celle d’idole (eidolon) : si rien n’apparaissait par l’image, comment pourrait-elle avoir un impact sur le monde ?
Récapitulatif : problématique et suggestion de plan
Somme toute, la tension du sujet résidait d’une part, entre le vide apparent (!) de l’image quant à son incapacité à produire de nouvelles formes, et donc à faire apparaître quelque chose en elle (“dans“), et, d’autre part, sa puissance effective de manifestation, qui fait d’elle une entité non seulement capable, mais nécessairement vectrice de manifestation. Vous pouviez donc formuler votre problématique ainsi : peut-on considérer l’image comme une puissance d’apparition, ou alors cet apparaître n’est-il pas toujours le paraître d’un modèle préalable, l’apparition n’étant donc jamais une révélation ?
La première branche de l’alternative pouvait alors constituer votre I), la deuxième votre II), et votre III, c’est-à-dire la solution de ce problème, pouvait, comme nous l’avons fait, redéfinir l’image non pas comme seul substrat, comme seule matière informée (qui ne fait donc jamais apparaître de nouvelles formes, et ne manifeste donc rien de créateur), mais comme un acte de manifestation elle-même.
L’image se confond alors non plus avec le phénomène (ce qui apparaît), mais avec l’acte-même d’apparaître : elle n’est pas un contenant d’apparitions, qui seraient “dans” l’image, mais l’apparaître lui-même, ce qui lui permet donc de produire non seulement de nouvelles réalités, mais aussi des réalités qu’elle seule peut révéler.
Vous pouvez consulter ici une suggestion de corrigé rédigé pour ce sujet.
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