Le sujet tombé cet après-midi pour l’épreuve de Culture Générale ESSEC/EDHEC sur “L’image”.

Nous te livrons ici l’analyse de ce sujet, qui devrait te permettre de comprendre également notre corrigé. La voici !

L’analyse du sujet de Culture générale EDHEC/ESSEC 2025

Le sujet : le double aspect du génitif

Le mystère des images” se présente comme un génitif (“des“), dont il fallait donc interroger aussi bien l’aspect objectif (les images comme mystère) que son aspect subjectif (les images comme productrices de mystère). Derrière cet aspect classique du sujet se cachait donc un double enjeu, puisqu’il concerne à la fois la nature de l’image et ses pouvoirs.

Penser l’image comme un mystère et comme ce qui est vecteur de mystère devait ainsi vous mener non seulement à illustrer le caractère mystérieux de l’image, mais également à interroger son origine, ainsi que son ineluctabilité  : qu’est-ce qui, dans et par l’image, produit du mystère, et l’image est-elle nécessairement (c’est-à-dire par définition) mystérieuse ? Comme pour tout sujet, cette interrogation découlait d’un travail de définition approfondi des termes du sujet, à commencer par ce mystérieux terme de mystère. 

L’analyse des termes : l’ambigüité du “mystère”

Le “mystère”, entre voilement et dévoilement

Par définition, un mystère est un objet dont la nature ne peut être saisie, décrite, ou comprise : le mystère (musterion) est ce qui voile d’emblée sa réponse. L’image était donc comprise, ici, comme puissance de voilement, et non de dévoilement.

Or, tout mystère appelle à sa résolution : si le mystère cache, ce n’est que dans un premier temps. L’ambigüité du mystère réside ainsi dans son caractère énigmatique qui, pourtant, appelle à sa propre résolution. Un mystère peut en effet être élucidé : il est ainsi source de questionnement, cette quête de compréhension aboutissant (ou non) à la révélation de sa nature. 

Penser l’image comme mystère, c’est donc la considérer d’emblée comme ce qui cache quelque chose : l’image recèlerait ainsi un sens caché, que seul l’oeil entraîné peut déceler. Or, c’est dire que l’image serait toujours une idole (eidolon), sa nature n’étant donc pas détachée de ses pouvoirs.

Le présupposé du sujet : l’image comme eidolon

Qualifier l’image de productrice de “mystère” revient ainsi à la considérer uniquement comme ce qui renvoie à autre chose qu’à elle-même, cet objet étant difficilement saisissable : or, l’image n’est-elle pas d’abord ce qui se sait image (l’icône, ou eikon) ? Ne perd-on pas la nature de l’image à la considérer uniquement comme un objet de mystère, c’est-à-dire d’énigme, voire de devinette ? 

S’instaurerait alors un jeu immanent à l’image : provocatrice, elle se déroberait au regard, et ne laisserait pas le spectateur la contempler autrement que comme une ombre d’elle-même. Quelle serait alors la règle pour comprendre l’image, c’est-à-dire pour transformer l’idole en icône ? Et surtout, est-ce à dire que l’icône ne serait en réalité pas une image ?

Déclinaisons de l’image : l’importance du “des

Pour analyser complètement le sujet, c’est-à-dire vous permettre de problématiser, vous deviez donc remarquer la présence du plurieur : il s’agit, ici, de parler du mystère non pas de l’image en général, mais des images. Si le sujet subsumait donc d’emblée tout type d’image sous un seul rôle immanent à sa nature-même, il fallait donc justement vous demander si toute image pouvait réellement être qualifiée ou porteuse de mystère, alors-même que certains types d’images, justement, ne laissent aucun mystère quant au modèle qu’elles prennent pour cible

La photographie, par définition, donne à voir immédiatement son objet : il peut bien sûr être flou, donc ambigu, mais le moyen même de donation du modèle est direct, et son “mystère” n’est donc pas immanent. Une distinction devait donc être établie entre les différents modes de donation de l’image, le travail de l’artiste, et donc sa volition (c’est-à-dire le caractère volontaire, ou non, de son geste de figuration) étant donc au centre du sujet.

Cela vous permettait également, par exemple en introduction, de proposer une réflexion tout à fait ancrée dans le contemporain sur le caractère informatif de l’image, c’est-à-dire sur son pouvoir producteur, qui dépasse, peut-être, sa nature reproductrice. Les images produites par l’intelligence artificielle (si l’exemple était traité finement et en détail) pouvaient alors être un excellent point de départ.

Si l’image est ce qui donne une forme spécifique (et donc, peut-être, altérée) à la représentation de son modèle, et que cette métamorphose est vectrice de mystère, alors la nature de l’image et son pouvoir se confondent, si bien que l’image ne peut être qu’un mystère, et parler d’un “mystère de l’image” confine donc au pléonasme. C’est sur cette équivalence entre la nature de l’image et son pouvoir que vous pouviez alors chercher à problématiser.

Problématisation et proposition de plan : si l’image voile, son propre mystère dévoile

L’ensemble des éléments mis en avant dans votre analyse du sujet devait en effet vous mener à l’élaboration d’une tension qui prenne en compte l’ambigüité du génitif, la confusion possible qu’entraîne la formulation du sujet entre nature et pouvoir de l’image, et, enfin, la pluralité des images, de leurs types, et donc, peut-être, des différents degrés de mystère que l’image peut contenir.

  • D’une part, penser “le mystère des images” au sens du génitif objectif, c’est toujours penser ce mystère au sens du génitif subjectif : si toute image est un mystère, alors l’image est naturellement productrice de mystère, et ce qu’elle révèle n’est autre que sa propre ambigüité ; bref, son pouvoir et sa nature se confondent, si bien que l’on ne saurait jamais accéder à autre chose dans les image qu’à l’incompréhension qu’elles véhiculent, et ce d’autant plus qu’elles sont plurielles.
  • D’autre part, si l’on peut aisément comprendre que l’image est vectrice de mystère lorsqu’elle se fait idole, ce n’est pas le cas de l’icône (ex : la photographie), si bien que penser “le mystère des image”, c’est toujours manquer, du même geste, certaines images qui se cachent sous une dénomation générale, c’est-à-dire le caractère figuratif de l’image, à savoir son pouvoir de dévoilement de l’image.

Le problème que l’on peut tirer du sujet est alors le suivant : peut-on réellement penser les images comme un lieu de “mystère”, qui désignerait à la fois la nature de l’image et ce qu’elle produit, sans perdre, du même geste, le caractère créateur de l’image et la singularité des formes qu’elle peut prendre ?

Pour répondre à cette problématique, il fallait alors donner du sens, dans une première partie, à ce “mystère des images”, votre I pouvant alors faire droit à une illustration de la nature mystérieuse de l’image (génitif objectif), ainsi qu’aux mystères dont ses pouvoirs de reconfiguration du modèle, voire du réel, sont capables (génitif subjectif), sans oublier d’insister sur ce que le caractère pluriel du sujet (“les images”) ajoute au mystère dont peuvent faire preuve les images.

Une deuxième partie devait alors se demander si ce “mystère des images” peut réellement se conjuguer au pluriel : l’aspect énigmatique de l’image n’est-il pas second vis-à-vis du dévoilement dont elle est au contraire capable, l’image étant d’abord, comme icône et non comme idole, une puissance de révélation ?

Forte des acquis des deux premières parties, votre III pouvait alors considérer l’image non pas comme mystérieuse par essence (idole), ni comme seulement reproductrice (icône), mais comme énigme à percer pour révéler les mystères du réel, qu’elle seule peut produire : si l’image est mystère et productrice de mystère, alors elle est également capable de révéler les mystères du réel lui-même, qu’elle conjure tout en les dévoilant d’autant plus qu’elle peut le transfigurer. “Les images” cachent alors toujours une image spécifique : celle d’un monde reconfiguré au gré du génie artistique, ou tout simplement de la structure immanente à l’image, transformatrice par nature.

Il fallait donc s’intéresser aussi bien au geste créateur de l’artiste, qui reproduit le réel en créant de nouvelles images pour mieux le figurer, qu’au geste du spectateur, qui, pourvu que son regard soit suffisamment avisé, peut déceler dans l’image le “mystère” d’une nature qui ne se donne pas au simple regard prosaïque d’une représentation habituelle. 

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