L’épreuve de culture générale HEC est une épreuve phare et redoutée du concours BCE. Cette année, le thème général portait sur l’image. Dans cet article, retrouve l’analyse de Major Prépa du sujet de culture générale HEC emlyon pour la BCE 2025.

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Tu peux retrouver le sujet de culture générale HEC/emlyon ici. Le corrigé, quant à lui, est disponible, juste ici.

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L’analyse du sujet de culture générale HEC/emlyon 2025

Le sujet de Culture Générale d’HEC/emlyon de cette année n’était pas composé d’une question, mais d’une expression intriguante : « Sauver les images » . Deux éléments devaient alors vous interpeller : la forme plurielle du nom, et la forme indicative du verbe.

Si « sauver les images » peut en effet s’entendre comme un impératif, le sujet nous propose d’abord un point de vue descriptif, auquel il fallait donc donner du sens – sans pour autant verser dans un développement lui-même descriptif. « Sauver les images », c’est dire que l’on peut ne serait-ce que concevoir un sauvetage des images : votre sujet prenait donc le contre-pied de la conception classique de l’image, considérée comme menaçante, et donc condamnable.

Dans un sillage platonicien, sauver les images serait en effet non seulement déconseillé, mais inconcevable ; or, ici, les images ne menacent pas, mais sont au contraire elles-mêmes menacées. Il faut donc commencer par se demander par qui les images sont menacées, et pourquoi.

Le présupposé du sujet : pourquoi devrait-on « sauver les images » ?

« Sauver les images » présuppose en effet que les images pourraient être en danger : or, qui peut bien leur vouloir du mal, et en vertu de quel principe ? Il fallait ainsi interroger l’origine d’une telle opération de sauvetage des images : si « sauver » les images est possible (voire souhaitable), c’est bien que quelque chose, ou quelqu’un, les met en danger.

Trois éléments essentiels peuvent ainsi représenter une menace envers les images, que vous pouviez dégager en analysant les termes du sujet : leur rapport au temps, leur pluralité (« les »), et l’interprétation de leur pouvoir par un spectateur effrayé.

L’analyse des termes du sujet

« Les images »

Le sujet présuppose en effet une pluralité des images : or, c’est peut-être cette abondance (et donc la certitude que parmi toutes les images, il y en a nécessairement des mauvaises) qui, du même geste, donne à l’image un aspect général menaçant ; si bien qu’en en condamnant une, on les condamne toutes. Il faudrait alors sauver plusieurs images, voire toutes : « sauver les images » deviendrait donc « sauver l’image ».

Pourtant, le pluriel du nom invite, du même geste, à déterminer, parmi toutes les images, celles qui méritent la rédemption : l’enjeu est alors de comprendre comment juger et justifier d’une sauvegarde de certaines images plutôt que d’autres.

S’il fallait donc interroger l’absence de particularisation du sujet, qui prétend « sauver » plusieurs images, c’est alors la hiérarchie départageant les bonnes des mauvaises images qu’il restait à déterminer : quelles images doivent être préservées, et au nom de quel critère faudrait-il les sauver ? Lesquelles condamner, lesquelles sauver, et pourquoi ?

« Sauver »

L’analyse du « sauver » devait en effet donner lieu à une réflexion sur les modalités possibles d’un plan d’action de sauvetage de l’image. Ici, vous deviez, être très concret : si le terme « sauver » n’est probablement pas un mot que vous avez l’habitude de définir, il fallait, pour ne pas vous laisser déstabiliser, aller à l’essentiel, en considérant tout simplement le sauvetage comme l’opération visant à extraire une personne ou un objet d’une situation menaçante et dangereuse. 

Vous retrouvez ainsi la nécessité préalable de déterminer en quoi une telle situation de danger peut consister. Or, de ce “sauver”, vous pouviez aussi bien extraire la notion de sauvetage que celle de salvation, c’est-à-dire de salut éternel, le sous-texte religieux du sujet pouvant constituer une piste extrêmement intéressante.

Du sauvetage à la salvation

Si les images sont menacées, c’est en effet et notamment par leur caractère temporaire  : pensez au cinéma, et à toutes ces fois où l’on se dit qu’un film a « mal vieilli »…

Or, l’image n’est-elle pas également ce qui résiste justement au temps en fixant l’ineffable, devant donc être sauvée pour que ce pouvoir atemporel, du même geste, nous sauve nous-mêmes de notre finitude ? En les sauvant pour leur pouvoir, ne préserve-t-on alors pas les images pour leur nature, c’est-à-dire pour cette réalité alternative dont elles se font vectrices et qui, loin d’être une menace, leur donne leur spécificité ?

Il fallait donc remarquer que derrière et après cette forme indicative, le verbe confine à l’impératif, c’est-à-dire à un appel au sauvetage : après s’être demandé comment l’image peut être menacée, il faut en effet se demander s’il vaut la peine de la tirer d’affaire. Pourquoi devrait-on sauver les images, alors qu’elles peuvent, en vertu de leur pouvoir, nous mentir ? 

Deux présupposés devaient alors être remis en question : 

  • d’abord, que l’image icône soit toujours une idole, c’est-à-dire que l’image nous mente systématiquement, ce qui revient à confondre sa nature et son pouvoir ; 
  • et ensuite, que ce mensonge de l’image soit nécessairement mauvais, ce qui reste à prouver. N’est-ce pas parce que les images transcendent nos propres impressions qu’elles peuvent, du même geste, sauver ce que nous-mêmes ne pouvons préserver ? Et ne peut-on pas alors nous sauver nous-mêmes des images en les reconnaissant comme telles, loin de l’illusion consistant à les confondre avec le réel ? 

Problématisation

Sauver ou condamner ? Pouvoir et nature des images

Au terme de cette analyse se présente alors une alternative, qui vous permettait d’amorcer une problématisation.

  • Soit l’on considère, dans un sillage des plus classiques, qu’il faut éliminer les images, en vertu de leur pouvoir (c’est-à-dire en vertu du danger qu’elles représentent à notre égard) ; mais alors on confond leur pouvoir et leur nature, l’icône et l’idole, et l’on ne laisse pas leur chance aux images, fûssent-elles peu nombreuses, qui non seulement ne menacent rien ni personne, mais sauvent, justement, en tant qu’elles permettent de représenter l’irreprésentable. Autrement dit, ne pas sauver les images, c’est prendre « les images » pour « l’image » ;
  • Soit l’on considère qu’il faut les sauver en vertu de leur nature, c’est-à-dire leur simple fonction de représentation, mais alors on prend le risque que leur pouvoir de tromper puisse s’exprimer – tout en partant du principe, qu’il faudra donc interroger, selon lequel la capacité trompeuse de l’image est nécessairement un danger dont nous devrions nous-mêmes être sauvés.

 

Le problème qui ressort de cette analyse consiste donc à se demander s’il est seulement possible de sauver les images sans que leur caractère trompeur ne subsiste, et s’il est donc nécessaire que ce caractère trompeur des images existe, alors-même que l’icône n’est pas l’idole. Ainsi, peut-on et doit-on sauver les images, alors qu’elles semblent toujours constituer un danger sinon envers nous, envers elles-mêmes, et quels critères faut-il adopter pour décider d’un tel sauvetage ?

Proposition de plan

Pour éviter de tomber dans le piège du plan thématique ou descriptif, qui donnait l’illusion de se prêter au sujet tout en étant strictement rédhibitoire, vous pouviez adopter un plan par problèmes, régis eux-mêmes par votre problématique initiale.

Une première partie pouvait ainsi commencer par se demander ce qui justifie que l’on doive sauver les images, interrogeant à la fois l’origine d’une telle nécessité (qu’est-ce qui menace les images au point de penser leur sauvetage ?), et la norme qui appellerait à les sauver (pourquoi devrait-on sauver les images ?).

  • Vous pouviez ainsi commencer par illustrer le danger que posent les images envers le spectateur, par exemple grâce à Platon (A), pour montrer, dans une deuxième sous-partie, que c’est justement en vertu de leur caractère dangereux que les images courent à leur perdition, alors qu’elles ne sont pas toutes dangereuses, certaines devant donc être préservées (B), à condition que ce pouvoir de tromperie ne prime plus, l’idole devant s’assumer comme telle pour redevenir icône (C). Des auteurs comme Bergson ou Sartre pouvaient alors vous être utiles, les exemples issus des illusions d’optique, de l’intelligence artificielle ou encore de la poésie pouvant les illustrer. Il était également possible de revenir sur la condamnation platonicienne des poètes pour rappeler qu’elle est plus nuancée que ce que l’on croit, puisqu’il appelle à sauver les poètes – sous certaines conditions – d’une condamnation hors de la cité, à la fin de sa République.

 

Si sauver les images semble nécessaire, il fallait alors se demander, dans une deuxième partie, s’il est possible pour autant de le faire en connaissance de cause, c’est-à-dire en se débarassant de l’image-illusion (phantasma) : est-il seulement possible de sauver les images, ou ne sont-elles pas toujours enfermées dans leur propre mensonge ? Le poète peut-il rester dans la cité sans danger, et peut-on donc le sauver sans risques ?

  • En convoquant Nietzsche, vous pouviez alors remarquer qu’en vertu de leur nature commune, qui consiste à représenter, la pluralité des espèces d’images sont peut-être toutes regroupables sous un genre commun, « l’image », qui par définition, transfigure toujours le modèle. « Sauver les images », c’est alors toujours prendre le risque d’être berné par « l’image », et donc par son pouvoir (A), si bien que l’on en vient à confondre aussi bien le pouvoir de l’image et sa nature que l’image et la nature, les images nous plongeant donc systématiquement dans une vision voilée du monde, dont Nietzsche appelle, dans le Gai Savoir, à nous « libérer » (B). Ces deux sous-moments nietzschéens vous permettaient alors, dans une troisième sous-partie, d’illustrer la nécessité de se sauver soi-même des images, en utilisant des auteurs comme Flaubert ou Kierkegaard, qui appellent à l’élimination des images de soi, tant elles troublent le rapport du soi au soi en floutant notre représentation de nous-mêmes (C).

 

Ayant donc montré que l’image reste, malgré tout, vectrice d’illusion pour autant qu’elle ne s’assume pas comme telle, votre troisième partie pourra alors proposer l’idée selon laquelle seule l’image peut se sauver d’elle-même, en s’assumant comme représentation. Le poète ne peut rester dans la cité qu’en s’assumant comme tel, sans se faire passer pour un marionettiste qui s’ignore.

  • Le critère pour savoir si l’on doit et si l’on peut sauver les images réside donc dans la conscience que l’image en est une (A), c’est-à-dire qu’il y a toujours, au-delà de l’image, même trompeuse, quelque chose à préserver, comme le montre Husserl par la notion de conscience d’image (B). Il en va alors du geste créateur de l’image elle-même que de la sauver, en lui évitant de tomber dans cette multiplicité d’images qui, se dédoublant, mentent vis-à-vis de leur propre nature (C), la querelle des iconoclastes étant un parfait exemple de cette lutte entre idole et icône, dont vous pouviez renverser l’issue grâce à l’idée arendtienne de l’oeuvre picturale résistant au temps, et sauvant donc, par ce caractère éternel, l’aspect véridique de ce qu’elle ne faisait auparavant qu’éliminer. Entendre le visage divin de Dieu dans l’icône, c’est en effet voir dans celle-ci son pouvoir d’éternité, et ce sans pour autant oublier la nature matérielle de l’image : c’est donc bien sauver l’image, tout en préservant ses limites. En sauvant l’image pour lui (re)donner son immortalité – c’est-à-dire en la grâciant – ne pouvons-nous alors pas, du même geste, nous sauver nous-mêmes ?

 

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