Définir les termes du sujet est la première étape de toute dissertation réussie. Pourtant, elle est trop souvent négligée, et nombreux sont les professeurs qui n’en donnent même pas une méthode systématique ! Certains préparationnaires se résignent même à apprendre de longues listes de définitions par coeur… La méthode que nous te présentons aujourd’hui te permettra de définir de façon rigoureuse absolument tous les termes de tous les sujets, le tout sans faire de par cœur. C’est parti !
Cette méthode est une version simplifiée de celle enseignée dans les meilleures prépas littéraires. Merci à mes professeurs, qui se reconnaitront !
La définition des termes
Partir du sens commun
La première étape est de mobiliser le terme choisi dans une phrase de la vie de tous les jours. Par exemple, pour définir le terme de « monde » , une phrase comme « Il est connu dans le monde entier » fait bien l’affaire.
En partant de cette phrase, il faut alors se poser la question : « En un mot, de quoi s’agit-il ? De quelle « grande catégorie » s’agit-il ? » . Dans notre cas, pour le monde, on peut dire que le monde est un espace : ce sera le premier terme de notre définition. Dans ta copie, une fois cette définition introduite, tu pourras y faire référence en parlant du « monde comme espace ».
Tu remarqueras qu’il arrive souvent que plusieurs grandes catégories soient possibles. C’est est une excellente nouvelle : chaque grande catégorie possible te donnera une définition différente, ce qui te permettra de nuancer tes analyses dans ta dissertation. Nous détaillons cela dans la dernière partie de cet article.
Utiliser les tiers exclus
Une fois cette grande catégorie identifiée, il faut trouver d’autres éléments qui y appartiennent, afin de pouvoir identifier ce qui différencie notre terme à définir de ces autres éléments.
Dans notre exemple, « un kilomètre carré » est aussi un espace. Or, qu’est-ce qui différencie le monde d’un kilomètre carré, ou d’un jardin, ou de la planète Terre ? C’est que le monde englobe tout ce qui est. Ainsi, notre définition avance : « Le monde, c’est un espace qui englobe tout ce qui est ».
Maintenant que notre définition a avancé, on recommence cette manipulation autant de fois que nécessaire. Y a-t-il un autre terme qui corresponde à la définition « un espace qui englobe tout ce qui est » ?
Oui : l’univers, par exemple (les grecs parlent de kosmos). Or, qu’est ce qui différencie le monde de l’univers ? C’est que le monde semble exister uniquement s’il est observé ; ou en tous cas, « le monde entier » se réfère à quelque chose d’ordonné, de compréhensible, là où l’univers existe même sans humains pour en faire l’expérience, et peut être insondable ou incompréhensible.
Le monde est donc « un espace qui englobe tout ce qui est de façon ordonnée ». Voilà une belle définition du monde ! On ne trouve pas d’autre termes qui peut entrer dans cette définition : on s’arrête donc là.
L’analyse des termes
Maintenant, il faut interroger chaque partie de la définition pour voir si elle est vraiment indispensable, et ce qu’elle implique pour notre terme.
Est-il indispensable de dire qu’il s’agit d’un espace ?
Pas forcément : « L’ensemble ordonné de tous ce qui est » peut aussi constituer une définition du monde.
Il y a donc une tension intéressante entre le monde comme espace d’une part, et le monde comme structure émergente de la façon dont les choses sont ordonnées d’autre part. C’est la question du monde comme espace, ou comme représentation.
Or, qui dit représentation, dit personne qui se le représente : il faut donc se poser la question du qui, et du pourquoi.
Est-il indispensable de dire qu’un tel espace englobe absolument tout ce qui est ?
Pas forcément : ne parle-t-on pas de monde de fiction, qui par définition n’englobe pas l’ensemble de notre réalité ? Et ne parle-t-on pas sans problème « du monde entier » pour parler de la Terre, ou même du monde connu ?
Il est donc question de la frontière du monde, ou plutôt de ce qu’il contient. Quel est le plus petit monde possible ? Que faut-il pour faire un monde ?
Est-il indispensable de dire qu’un tel ensemble de tout ce qui est doit être ordonné ?
Oui. En effet, dans le cas contraire, il s’agirait non pas d’un monde, mais d’un univers, ou du chaos du cosmos.
Cela rend donc perceptible l’importance de la notion d’ordre pour la notion de monde : quand on parle de monde, on parle forcément d’un ordre sous jacent. Il est donc pertinent de s’interroger sur la nature de cet ordre.
Application de cette méthode : exemple de deux sujets
“Le monde de demain”
Ainsi, dans un sujet comme « Le monde de demain » , une bonne définition du monde permet de mettre en évidence plusieurs aspects du sujet qu’il aurait été regrettable de manquer :
- La question de l’espace : parle-t-on du monde comme espace, auquel cas la question n’a que peu de sens, ou bien parle-t-on du monde comme représentation ? Il faudra alors parler d’imaginaires, de valeurs, de territoires des idées…
- La question de la frontière : peut-on parler d’un monde unique pour demain ? Le monde de demain existe-t-il dans l’avenir, ou seulement en puissance, dans les représentations qui peuvent en être faites aujourd’hui ?
- Enfin, la question de l’ordre : qu’est ce qui structure le monde de demain ? Est-ce la même chose que ce qui structure celui d’aujourd’hui ? Comment ordonner ce qui n’existe pas encore ?
Et tout cela, sans aucun travail de par coeur préalable !
Remarque aussi que tu aurais pu faire ce travail en partant d’une autre grande catégorie :
- Par exemple, la phrase “Tout le monde veux devenir un chat” te fait travailler sur le monde comme ensemble d’individus ;
- La phrase “Il y a un monde entre telle et telle chose” te fait travailler sur le monde comme distance allégorique.
Et toutes ces définitions deviendrons autant d’axes d’analyses possibles dans ta dissertation !
“Les mondes possibles”
Voici un autre exercice, pour que tu te rendes bien compte de la démarche à suivre avec un autre terme que celui de “monde”.
| Question | Qu'est-ce que le possible ? | Qu'est-ce que le possible ? |
|---|---|---|
| Phrase commune | Il est possible que les licornes existent. | Il est possible de passer par la rue Lenoir pour aller chez moi. |
| Grande catégorie | Le possible est une mesure de la vérité. | Le possible est une mesure de la faisabilité. |
| Exemple contradictoire | Le probable est aussi une mesure de la vérité. | La facilité est aussi une mesure de la faisabilité. |
| Nouvelle définition | Le possible est une mesure qualitative de la vérité (c’est à dire sans quantification de la vérité. Ce qui est possible peut-être improbable, ou au contraire certain.). | Le possible est une mesure qualitative de la faisabilité (c’est à dire sans quantification de la faisabilité. Ce qui est possible peut-être facile, ou au contraire quasiment impossible.). |
| Application au sujet | Un monde possible est un monde qui peut exister, c’est à dire sans contradictions internes. | Un monde possible est un monde qui est faisable, c’est à dire atteignable par les actes. |
| Enjeux | Vérité, existence, logique | Éthique, action, société |
Bien sûr, tu aurais pu arriver à d’autres définitions ou à d’autres enjeux par la même méthode ; et elles seront tout aussi valables ! Tout l’exercice de la dissertation consiste à t’assister dans ta réflexion, pas à la contraindre. Tant mieux donc, si cette méthode te permet de penser par toi-même !
Avec 3 définitions pour le monde, et 2 définitions pour possible, tu as maintenant au moins 6 définitions pour “monde possible”. Voilà déjà 6 paragraphes sur 9 qui se donnent à toi, rien qu’en définissant les termes du sujet.
Bon courage pour tes concours, pour lesquels tu es maintenant bien armé ! N’hésite pas à consulter nos autres articles de méthodologie, ainsi que nos copies de Culture Générale notées à plus de 17 au concours. Pour retrouver toutes nos analyses d’oeuvre sur le monde, c’est par ici !
