Lorsqu’on aborde le concept de monde, on a tendance à le mettre trop vite au singulier. Pourtant, le livre d’Erri De Luca, L’histoire d’Irène, nous montre que le monde est lui-même constitué de plusieurs autres mondes, qui interagissent entre eux pour donner naissance à de tous nouveaux mondes. Cet article aura donc pour objectif d’analyser cette très belle œuvre, à la lumière du thème de Lettres et Philosophie de cette année, “Le monde”.

Qui est Erri De Luca ?

Erri De Luca est un écrivain et poète italien, né à Naples en 1950. En 2002, il obtient le prix Femina étranger pour son livre Montedidio. Son œuvre abondante et sa jolie plume font de lui l’un des écrivains italiens les plus lus dans le monde : il a d’ailleurs obtenu le Prix européen de littérature en 2013, ainsi que le Prix Ulysse pour l’ensemble de son œuvre.

Bref résumé du livre

Dans une langue épurée, Erri De Luca nous offre dans son livre l’histoire d’une jeune femme vivant sur une île grecque, qui passe ses nuits à nager avec les dauphins. Celle-ci tombe enceinte ; mais étant donné ses 14 ans, sa grossesse lui vaut le mépris des autres habitants de l’île, à tel point que ces derniers décident de ne plus s’approcher d’elle.

Pour autant, Irène ne semble pas souffrir de cette situation ; car depuis toujours, elle fuit la compagnie des Hommes. Elle accepte cependant de livrer ses secrets au narrateur, qui a réussi, lui, à gagner sa confiance.

D’un monde clos à des mondes imbriqués

L’histoire d’Irène se déroule sur terre, mais se centre sur une petite île, qu’on peut parcourir, d’après l’auteur, en une journée. Le monde s’entrevoit donc comme quelque chose de limité, comme un lieu clos qui ne saurait s’étendre au-delà de ses propres frontières.

Le roman montre également qu’il existe de nombreux mondes à l’intérieur d’un monde, pourtant clos et très restreint : Il y a le monde des hommes (celui des habitants humains de l’île), le monde des animaux terrestres (le monde des animaux marins), le monde céleste, et enfin, le monde d’Irène, qui fait la jonction entre plusieurs de ces mondes.

L’aspect vertigineux de L’histoire d’Irène est qu’elle nous échappe complètement : en effet, elle vit dans un monde sans pour autant y appartenir, à la manière d’Emma Bovary. Le narrateur suppose même, à un moment, qu’elle a appartient au monde des divinités :

Irène irradie lorsqu’elle regarde en face. Je dois me baisser, je m’allonge à nouveau. En face d’elle, je me trouve dans une ancienne infériorité, quelqu’un de démuni à qui se révèle une divinité.

Une histoire à la croisée des mondes

Erri De Luca met en place des frontières très nettes entre les différents mondes, et ce au début de son livre. Pourtant, il décide tout de même de créer des jonctions entre ces derniers. Irène est bien entendu celle qui se trouve à la croisée du plus grand nombre de mondes.

La présence du narrateur, en soi, est une anomalie, puisqu’Irène n’aime pas la présence des humains ; en plus, les habitants de cette île s’éloignent d’elle. On remarque ici cette frontière entre le monde marin et le monde terrestre :

Elle dit qu’elle ne rit qu’en mer, au milieu des dauphins. Sur terre, je suis le premier à la faire rire.

Pour appuyer cette image de la jonction entre les mondes, Irène est décrite comme une divinité tout au long du livre: elle parle très peu, et arrive à communiquer avec le narrateur par des vibrations. Elle nage, rit et cohabite avec les dauphins. Elle est donc à la croisée du monde animal et du monde humain, n’en déplaise à Heidegger ! Elle demeure ainsi une réelle énigme pour le narrateur :

C’est une histoire de terre, dit-elle, en mer elles n’existent pas. Irène parle de terre comme d’un endroit laissé derrière elle.

On découvre à la fin du livre qu’en réalité, le père de l’enfant que porte Irène est un dauphin. Cela mène donc à réfléchir à l’union de deux mondes très différents. Ici, celle-ci peut produire quelque chose de remarquable, car très beau : la vie.

Voir aussi : Le monde du vivant chez Von Uexküll

Le mot de la fin

L’histoire d’Irène est d’une richesse presque infinie. Ce récit éclaire notre analyse du monde, et permet de la complexifier. Erri De Luca nous permet de ne plus voir le monde comme un tout difforme, dont on ignore les différentes parties, mais bien comme des touts complexes, qui interagissent les uns avec les autres.

Nous espérons donc que cette oeuvre inspirera tes prochaines dissertations ! Nous t’invitons à découvrir, si ce n’est pas déjà fait, nos autres articles sur “Le monde”, ainsi que notre podcast. Tu peux également t’entraîner sur des sujets sur le thème de l’année, ou encore consulter les meilleures copies de CG du concours pour parfaire ta méthodologie !