L'image dans l'interprétation des rêves chez Freud

Dans la théorie psychanalytique de Freud, la notion d’image possède une place centrale dans l’interprétation des rêves. En s’appuyant sur l’Interprétation des rêves (1900), certains chercheurs, dont Jacques Natanson, sont revenus sur la relation qui unit le rêve et les images au sein de la psychanalyse freudienne. 

Le rêve, une pensée en images

Dès l’avertissement de la première édition de L’Interprétation des rêves, Freud place le problème de l’origine des images comme un enjeu central à l’interprétation des rêves. C’est par l’éclaircissement de cette origine des images que l’interprétation atteindrait sa finalité.

En effet, l’interprétation des rêves a pour finalité de rendre compréhensifs des phénomènes pathologiques, grâce à un modèle d’appréhension du phénomène psychique :

Celui qui ne peut expliquer l’origine des images du rêve cherchera vainement à comprendre les phobies, les obsessions, les idées délirantes et à exercer sur elles une influence thérapeutique.

Les images s’imposent doublement chez Freud. D’une part, elles constituent la matière première du rêve du patient. D’autre part, elles représentent le moyen par lequel l’interprétation du psychanalyste est possible. Ces deux dimensions propres aux images s’inscrivent dans le cadre de l’hypothèse freudienne d’un inconscient qui représente une dimension intérieure où sont refoulés les pulsions humaines.

L’inconscient, qui se manifesterait dans le rêve, peut être interprété à partir de ce que Freud nomme l’association d’images. Ainsi, l’accumulation des images conditionne l’exercice de l’interprétation des rêves.

Dans l‘Interprétation des rêves, Freud reprend à son compte une distinction fondamentale proposée par Schleiermacher entre l’activité intellectuelle et la pensée propre au rêve :

L’activité intellectuelle de la veille est faite de concepts et non d’images. La pensée du rêve est presque toute faite d’images. 

Les images se définissent par leur nature perceptive ou visuelle. En effet, l’espace onirique substitue des représentations visuelles aux pensées conceptuelles du sujet. L’interprétation du rêve s’organise dès lors autour d’une pratique d’auto-observation du patient. Il partage oralement au psychanalyste les manifestations imagées inhérentes à ses rêves.

Le travail du rêve

L’image, le revers d’un contenu latent

Dans le septième chapitre de L’interprétation des rêves, Freud signale deux dimensions qui président à l’élaboration du rêve : le processus de transformation de la pensée du rêve en images, puis la figuration symbolique d’une scène.

La transformation de la pensée en images correspond à un phénomène psychique de régression. Nos désirs refoulés sont transformés en un contenu latent. Le contenu manifeste, imagé, du rêve suppose en lui ce contenu latent qui le conditionne. Par exemple, une scène infantile peut se manifester en rêve grâce à cette transformation, figurant ainsi l’irruption du réprimé dans l’espace de l’inconscient. Le rêveur est d’autant plus saisi par cette manifestation oblique et symbolique de ses pensées réprimées :

Le contenu représentatif n’est pas pensé, mais transformé en images sensibles, auxquelles on ajoute foi et que l’on croit vivre.

La fonction du psychanalyste est de dénouer le produit de cette transformation et de révéler ce qui est latent au sein d’un contenu manifeste. L’interprétation consiste dès lors en “un travail du rêve” (Traumarbeit). Ce travail permet alors de décrire les étapes par lesquelles un contenu latent devient un contenu manifeste.

Les étapes de l’interprétation des rêves

Dans la théorie freudienne, il y a trois étapes dans ce processus : la condensation, le déplacement et la figuration.

La première étape désigne la fusion de différentes dimensions latentes du rêve en une image. Par un effet de superposition, qui masque les désirs inconscients, une même image rêvée peut synthétiser en elle plusieurs autres. La portée polysémique de l’image, la conscience de ses sens multiples, devient essentielle à l’interprétation.

[La représentation condensée] devient ainsi une image générique formée par une quantité de traits contradictoires.

La deuxième étape vise à déplacer l’attention du patient de certains contenus émotionnels forts vers d’autres plus neutres. Ce déplacement a pour fonction de révéler au sujet que ce qui se manifeste d’abord n’est pas central. En effet, la signification du rêve échappe à la conscience du patient. En somme, le déplacement rend perceptible l’opacité des images du rêve et rompt l’illusion d’une compréhension immédiate.

C’est la dernière étape, celle de la figuration (Darstellung), qui importe le plus dans l’analyse des images. La représentation du rêve étant conditionnée par des formes symboliques ou métaphoriques, le psychanalyste peut reconstituer l’organisation du rêve, les liens entre les éléments, selon une logique narrative. La reconstruction cohérente de cette logique à partir des représentations visuelles permettrait de saisir la pensée latente du rêveur.

La figuration, qui est le mécanisme de composition des images, s’apparente donc à un déguisement de l’inconscient que le psychanalyste doit s’évertuer à défaire avec le concours de son patient. Mettre à nu le rêve: voilà la finalité de l’interprétation freudienne des images.

Conclusion

Dans la théorie freudienne, l’analyse des images permet à la fois de définir et d’interpréter les rêves. L’espace onirique est décrit comme une pensée latente qui s’exprime par une voie manifeste au rêveur : celle des images.

Grâce à un travail du rêve, le psychanalyste aurait pour tâche de saisir la logique immanente que les images expriment. Ainsi, cela lui permettrait d’identifier le désir refoulé par l’inconscient et d’accompagner le patient vers un dépassement, du moins une pleine conscience, de ses névroses.