Cet article fait suite à notre article sur la méthode pour définir les termes d’un sujet. En effet, l’étape d’après dans le travail au brouillon en Culture Générale consiste à pouvoir construire un plan à partir de ces définitions.
Or, pour faire un plan, quelque soit le sujet, il faut des idées ! Qui ne s’est jamais retrouvé en panne d’inspiration devant un brouillon ? L’objet de cet article est donc de te donner une méthode pour systématiser la génération d’idées à partir de définitions, et d’être aussi exhaustif que possible pour ne pas manquer un aspect crucial du sujet. Ainsi, tu ne seras jamais à court d’idées devant un sujet. C’est parti !
Les grands axes pour n’importe quel sujet
Pour générer des idées avec lesquelles construire ton plan, il faut combiner tes définitions entre elles et t’interroger sur la manière dont elles interagissent autour de certains axes. Nous allons t’en proposer quelques-uns, qui ne sont évidemment pas exhaustifs : n’hésite pas à y ajouter les tiens !
Les axes sont les suivants : le fait, la nature, l’existence, la fonction, la valeur, la possibilité, l’origine, l’unité, la nécessité, la cause. Détaillons-les afin de mieux les comprendre.
Les axes d’analyse
- Le fait désigne la manière dont les concepts que tu as définis s’incarnent, ainsi que la manière dont ils interagissent entre eux.
- La nature désigne la substance des termes définis.
- L’existence indique si les termes que tu as définis existent.
- La fonction désigne la finalité des termes définis.
- La possibilité désigne si les termes définis peuvent exister conjointement.
- L’origine désigne la provenance des termes définis.
- La valeur désigne les conséquences morales des termes définis, et les impératifs qui en découlent.
- L’unité indique si les termes définis sont uniques ou multiples.
- La nécessité indique si les termes définis sont nécessaires ou contingents.
- La cause désigne… la cause des termes définis (on s’en doutait !).
Prenons un exemple de sujet pour mieux comprendre.
Exemple : plan pour le sujet “Désir et réalité”
Définitions des termes du sujet
Dans le sujet « Désir et réalité » (dont tu peux retrouver une bonne copie ici) on peut, en suivant la méthode de l’article précédent, arriver aux définitions suivantes :
Définitions de “désir” :
- « Espoir que l’on porte quant à la réalité de nos représentations » .
- « Force par laquelle on passe de la puissance à l’acte, du possible au réalisé » .
Définitions de “réalité” :
- « L’ensemble de ce qui est » .
- « L’ensemble de ce qui est perceptible » .
- « Représentation que ce fait un individu de l’existant qui l’entoure » .
En combinant nos définitions de toutes les manières possibles, on peut alors en extraire un grand nombre de thèses.
Génération des thèses
On a ici 6 combinaisons possibles selon 10 axes : ce sont donc 60 thèses possibles !
De plus, il est possible de passer toutes ces thèses à la négative, pour au moins doubler le nombre d’idées que l’on a. C’est alors un minimum de 120 idées différentes qui émergent ! Bien évidemment, il suffit, après tout, que de 12 idées pour faire une copie complète : aussi n’est-il pas conseillé de remplir toutes ces cases.
Garde un œil sur les termes annexes que tu utilises. Ils forment autant d’outils d’analyses pertinents dans ta copie. Par exemple, si une de mes thèses pour le sujet “Désir et réalité” est que “le désir se représente un réel fantasmé grâce à l’imagination” (axe du fait), c’est signe que l’imagination est un objet d’analyse à ne pas manquer ! Passons aux exemples.
Désir comme espoir, réalité comme réel
Voici 10 thèses générées par cette méthode pour 2 combinaisons de définitions possibles. Tu peux t’entrainer avec les autres combinaisons possibles, pour observer les nuances entre les définitions.
Prenons la première définition de désir et la première définition de réalité : « Si le désir est l’espoir que l’on porte quant à la réalité de nos représentations, et que la réalité est l’ensemble de ce qui est, alors… »
- Le fait : « Le désir aspire à nous faire changer la réalité » .
- La nature : « Le désir est une ré-imagination de la réalité » , « en tant que mes représentations existent, mon désir fait partie de la réalité » .
- L’existence : « C’est parce que la réalité existe que j’ai des désirs ; comme la réalité existe, mes désirs existent donc aussi nécessairement » .
- La fonction : « Le désir me permet de ré-imaginer la réalité » .
- La possibilité : « Il est possible de désirer une réalité autre que celle qui est » .
- L’origine : « Mes désirs proviennent d’une réalité qui me frustre » .
- La valeur : « Le désir n’est qu’un fantasme qui m’éloigne de la réalité : il est à bannir » .
- L’unité : « Une réalité unique suffit à provoquer des désirs multiples et parfois contradictoires » .
- La nécessité : « Aussi parfaite que soit la réalité, j’aurais toujours de nouveaux désirs, plus exigeants que les précédents » .
- La cause : « C’est la réalité qui cause mes désirs » .
Il est même possible de combiner plusieurs définitions d’un même terme !
Désir comme force, réalité comme représentations et réel
Par exemple, on peut prendre les définitions suivantes : désir 2 (force), réalité 3 (représentations, désigné comme réalité) + réalité 1 (le réel).
On obtient alors : « Si le désir est une force par laquelle on passe de la puissance à l’acte, que la réalité est la représentation que se fait un individu de l’existant qui l’entoure, et que le réel est l’ensemble de ce qui est, alors » … :
- Le fait : « La réalité comme représentation se réalise comme être grâce à nos désirs » ;
- La nature : « Le désir est une force, la réalité est une représentation. Le désir, en faisant passer de la puissance à l’acte, est tout contenu dans réalité ; le réel est alors un produit du désir formé à partir de la réalité » ;
- L’existence : « La réalité existe dès lors qu’un observateur observe le réel ; et le désir existe dès lors que cet observateur est poussé à agir » ;
- La fonction : « Le désir est ce par quoi le réel agit avec lui-même, par le biais de la réalité. »
- La possibilité : « C’est le désir qui rend possible l’évolution du réel » ;
- L’origine : « Il n’y a pas de premier désir, car le réel existe de toute éternité » ;
- La valeur : « annihiler le désir, c’est se priver de toute capacité d’agir : c’est renoncer à la vie même » ;
- L’unité : « Il n’y a qu’un seul réel. Par conséquent, tous les désirs ne sont que des facettes d’un unique désir : celui du réel qui s’accomplit » ;
- La cause : « Le désir cause le réel ; le réel cause la réalité ; la réalité cause le désir » .
Cela dit, encore une fois, il il est inutile d’épuiser toutes les possibilités ! Mais alors que faire une fois un nombre suffisant de thèses est déterminé ?
Construire un plan à partir des thèses
Une fois un grand nombre de thèses écrites, il te suffit d’en sélectionner 12 qui sont particulièrement prometteuses. Pour choisir, privilégie les thèses sur lesquelles tu as des références de ton cours.
Tu dois essayer de trouver 3 grandes idées qui te permettent de couvrir un maximum du sujet, et pour lesquelles tu peux trouver 3 sous-idées qui les démontrent. Ton objectif doit-être de faire intervenir au moins une fois chaque définition, et un maximum d’axes d’analyse différents.
Note que si tu as fait émerger des termes explicatifs dans tes thèses, tu as tout intérêt à les faire apparaitre dans ta copie, car ils te permettront de faire une analyse bien plus fine !
Ainsi, tu construis un plan qui parcourt au maximum l’ensemble des définitions que tu as trouvées, et qui te permet de placer un maximum de concepts et de références tout en restant cohérent.
Voici un plan possible pour “Désir et réalité” . Tu peux trouver la copie complète ici, et son commentaire là !
Application de la méthode : plan détaillé avec thèses explicitées sur le sujet “Désir et réalité”
I. Le désir (Désir 1, représentation) ne peut qu’être fantasme de la réalité (Réalité 1, le réel).
- Le désir (Désir 1, représentation) isole la conscience de la réalité (Réalité 1, le réel).
C’est l’axe du fait.- Kant, Critique de la faculté de juger : « le désir est une faculté d’être, par ses représentations, cause de la réalité des objets de nos représentations » .
- Proust, À la recherche du temps perdu : « Ce n’est donc que cela, Madame de Guermantes !”
- Mais cette autre réalité (Réalité 3, représentation) n’est pas condamnée à être une sous-réalité (Réalité 1, le réel)
C’est l’axe de la possibilité.- Kant, Conjectures sur les commencements de l’histoire humaine : « une faculté de la raison consiste, avec l’appui de l’imagination, à créer artificiellement des désirs » .
- La Rochefoucault, Maximes : « Il y a des gens qui n’auraient jamais été amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler de l’amour » .
- Proust, Du côté de chez Swann, “Nom de pays, le nom” : « Les pays que nous désirons tiennent à chaques moments beaucoup plus de place dans notre vie véritable que les pays où nous nous trouvons effectivement » .
- Schitzler, La nouvelle rêvée.
- Ces réalités autres (Réalité 3, représentation) sont même supérieures au réel (Réalité 1, le réel)
C’est l’axe de la valeur.- Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation : « La vie oscille, comme un pendule, de la souffrance à l’ennui » .
- Rousseau, La Nouvelle Héloïse : « On jouit moins de ce que l’on possède que de ce que l’on espère et on est heureux qu’avant d’être heureux » ; « L’ardeur de mes désirs prête à leur objet une possibilité qui lui manque. » ; « Tant qu’on désire, on peut se passer d’être heureux, on s’attend à la devenir » .
Transition : Axe de la valeur. Le choix du fantasme condamne à l’inaction et ce n’est pas souhaitable.
II. Le désir (Désir 2, force) entretient un rapport privilégié avec la réalité (Réalité 1, le réel).
- Le désir (Désir 2, force) pousse à agir sur le réel (Réalité 1, le réel).
Axes de la fonction et de la cause.- Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation : concept de vouloir vivre.
- Aristote, De l’âme : « la faculté désirante est l’unique principe moteur ».
- La réalité (Réalité 2, perception) forge à son tour le désir (Désir 1, représentation).
Axes de la fonction et de la cause.- H. Goulot, Vocabulaire philosophique : « Le désir est un attrait que l’on subit, la volonté est un pouvoir que l’on exerce. »
- Platon, La République : « Voilà, mes yeux, ce que vous voulez voir, maudits ! Régalez-vous ! », histoire de Léonthin.
- Marx, Travail salarié et capital : « Nos besoins et nos plaisirs sont issus de la société. Nous les mesurons par conséquent à la société. Nous ne les mesurons pas aux objets de nos satisfactions » .
- Il apparait que désir (Désir 2) et réalité (Réalité 1, le réel, ET réalité 3, la représentation) ne forment qu’un.
Axe de l’unité et du fait.- Deleuze et Gatari, L’antioedipe, Capitalisme et schizophrénie : Exposé du désir comme mouvement de transformation entre les agencements de multiplicités.
Transition : Égalité n’est pas identité. Objection sur la conclusion au-delà des prémices.
III. Le désir est une porte ouverte sur la réalité, une porte ouverte entre notre esprit et la réalité.
- L’étude du désir (toutes définitions) permet d’expliquer le réel (Réalité 1, le réel).
C’est l’axe du fait.- Freud : concept du Ça.
- Gide, Les nourritures terrestres : « Mes désirs m’ont toujours plus apporté que la possession toujours fausse de l’objet même de mon désir » .
- N. Grimaldi, Le désir et le temps : « La négativité de l’être n’est donc en fait que la négativité de la conscience et la négativité de la conscience l’expression du désir » .
- De plus, le réel (Réalité 1, le réel) permet d’expliquer le désir (toutes définitions).
C’est l’axe du fait.- Girard, Mensonges romantiques et vérité romanesque : concept de désir mimétique.
- Sartre, L’être et le néant : « Ce que le pour soi manque, c’est soi-même comme en soi » .
- Spinoza, Éthique : « Toute chose en tant qu’il est en elle tend à persévérer dans son être » .
- Ainsi, le désir (toutes définitions) est une porte ouverte sur le monde (Réalité 3, représentations), dont il fait lui-même parti.
C’est l’axe de la nature.- Maupassant, préface de Pierre et Jean : Le réel ne se laisse pas décrire sans efforts. Introduction de la notion de vraisemblable comme une réalité intermédiaire entre Réalité 1 et Réalité 3.
- R. Barbaras, Le désir et le monde : « L’excès du désiré sur la vie est excès du monde sur tout ce qui y parait (…) le monde ne se donne qu’en tant qu’il est désiré » .
- Proust, Le temps retrouvé : « La vraie vie, la seule vie véritablement vécue, c’est la littérature » .
Conclusion de la copie
Si les représentations du désir (Désir 1, représentations) peuvent d’abord le faire apparaitre comme éloigné de la réalité (Réalité 1, le réel), le désir (Désir 2, force) est en réalité (jeu de mot) intrinsèquement lié à la réalité (Réalité 1 le réel) : si cette dernière ne se réduit pas au désir (Désir 3, introduit dans le II.3. ), le désir (Désir 1, représentation) est nécessaire pour en faire l’expérience véritable (Réalité 2, représentations), ses représentations rendant intelligible la complexité infinie du réel (Réalité 1, le réel).
La clef de la troisième partie est donc l’introduction du concept… de monde !
J’espère que cet exemple sera éclairant ! Vous voilà fin prêt à traiter n’importe quel sujet sur “Le monde”. Retrouvez tous nos autres articles de méthodologie ici, nos fiches d’oeuvre sur “Le monde” là, ainsi que toutes nos excellentes copies de concours dans notre Grange à Copies. Bon courage pour vos révisions !