Cet article est le premier d’une série consacrée à la notion de monde chez Nietzsche. Retrouve les deux autres ici.
Dans cet article, je vais te résumer les grands traits de la pensée de Nietzsche. Cela peut-être très intéressant pour traiter le thème du monde, car la pensée de Nietzsche s’oppose à celle de Platon, ce qui pourra grandement te servir pour construire ta dissertation. Nietzsche est connu pour ses points de vue assez provocateurs vis-à-vis de la religion et des autres philosophes ; c’est un auteur clairement atypique, et c’est en quoi il est incontournable.
L’inversion des valeurs
Dans toute son oeuvre, Nietzsche prône un renversement, voire une suppression des valeurs et de la morale occidentales. Dans sa Généalogie de la morale, il s’intéresse ainsi à l’origine et à l’histoire de notre système de valeurs, qu’il juge nocif.
Il y montre que notre vision du monde est conditionnée par les valeurs chrétiennes, qui découlent en réalité de toute l’histoire de la philosophie, et particulièrement du platonisme. Platon et les néo-platoniciens envisagent en effet le monde comme dual : il y aurait le monde sensible, fait de matière, et le monde des Idées. Ce dernier est beau et noble, et Platon défend que l’objectif des philosophes – et des hommes vertueux – est de s’aventurer dans le monde des Idées pour y trouver le Beau, qui coincide avec le Vrai et le Bien.
Mais alors, pourquoi Nietzsche va-t-il à l’encontre de cet amour pour les idées et la vertu ? Il considère que les valeurs platoniciennes ont tendance à affaiblir l’homme, puisqu’elles dépeignent le monde intelligible comme étant intrinsèquement supérieur au monde sensible. Cela induirait, selon lui, une forme de mépris du corps et de la chair, et donc de la force et de la vie, ou bien plutôt de la force de la vie. Or, la vie est par essence liée au monde sensible.
Nietzsche estime qu’il vaut donc mieux se fier à ses sens qu’à des expériences de pensée. En cela, il tente de redonner au corps une place centrale dans la philosophie. Il considère ainsi que le monde tangible est le seul monde réel : le monde intelligible ne serait qu’un artifice, comme nous te l’expliquons dans notre deuxième article sur la question.
Le philosophe regroupe alors sous le nom d’arrière-monde les concepts tels que le Monde des Idées chez Platon ou encore le Paradis des chrétiens, c’est-à-dire les mondes intelligibles. Il s’emploie alors à critiquer ces arrière-mondes, considérant qu’ils détournent les hommes de leur vie.
Les “hallucinés de l’arrière-monde”
Dans Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche fustige ainsi ces croyants dans un aphorisme intitulé “Les hallucinés de l’arrière-monde” . Il met en scène le dieu Zarathoustra, qui jette une illusion sur les hommes pour leur faire croire à l’existence de l’arrière-monde. Il explique que les Hommes qui inventèrent les arrière-mondes étaient les plus faibles : honteux de leur faiblesse, ils décidèrent de mépriser le corps et le monde sensible.
On peut relier cette idée à sa notion de “morale du faible” . Selon Nietzsche, celle-ci naît du ressentiment de l’individu faible : insatisfait de sa condition et envieux des forts, il met en place un système de valeurs dénigrant la puissance et le corps.
C’est également la manière dont Nietzsche analyse le christianisme dans L’Antéchrist. Fervent ennemi de cette religion, il assimile en particulier les prêtres aux faibles. L’opposition entre faibles et forts est un point très important dans l’œuvre de Nietzsche : c’est d’ailleurs pour cela que cette dernière est parfois controversée, car elle fait l’apologie de la force. Nietzsche n’a dans ses écrits aucune pitié pour les faibles, puisque selon lui, l’ordre naturel des choses serait un monde régi par la force.
C’est pour cette raison que Nietzsche veut privilégier le monde sensible à l’arrière-monde, car le monde sensible est celui dans lequel évoluent les hommes d’action – les hommes forts. L’arrière-monde, lui, serait le refuge des faibles idéalistes. Cela nous amène donc à aborder la notion de volonté de puissance.
La volonté de puissance
La volonté de puissance est un des concepts nietzschéens les plus connus, et un des piliers de la pensée de l’auteur, mais il est souvent mal compris : il faut donc y revenir, pour s’assurer de ne pas l’utiliser à tort dans une copie.
Pour résumer, la volonté de puissance désigne une forme d’élan vital, ni bonne ni mauvaise, associée au dépassement de soi. Affirmer cette volonté passe par le rejet de la morale platonicienne, considérée comme négation de la vie. Comme dit précédemment, les règles de la morale auraient pour but, selon Nietzsche, de limiter le développement de la volonté de puissance. Ainsi, le Surhomme (Übermensch en allemand), celui qui affirme sa volonté de puissance, doit passer outre les concepts de vertu, de justice ou encore de pitié.
Nietzsche estime en effet que toutes les notions présentées comme “bonnes” découlent en réalité d’une obéissance à la morale religieuse, ou bien d’un mépris de la force. C’est une question qu’il aborde notamment dans Par-delà le bien et le mal, ouvrage au titre hautement évocateur.
Dans ce livre, présenté comme un recueil d’aphorismes, l’auteur critique la philosophie classique, trop portée selon lui sur la vertu. Il explique la nécessité du dépassement de ce système de valeur, jugé stérile. Ainsi, c’est grâce à la négation de la morale religieuse que pourrait apparaitre, selon Nietzsche, un nouveau monde régi par une morale fondée sur la volonté de puissance.
Pour résumer
- Nietzsche va à l’encontre de la conception platonicienne du monde.
- Il considère que le monde intelligible dont parle la théorie des formes détourne les hommes de la vraie vie.
- Il cherche ainsi à réhabiliter le monde sensible : ce n’est que grâce à lui que la volonté de puissance, et donc la vie dans sa plénitude, peuvent s’exprimer.
Nous espérons que nos articles sur le concept de monde chez Nietzsche te seront utiles. Retrouve tous nos autres articles sur “Le monde” ici !