Chef d’œuvre de Léonard de Vinci, L’homme de Vitruve cache de nombreux secrets, qui permettent de mieux comprendre notre monde. Analysons ensemble ce dessin, qui est un excellent exemple illustratif pour une dissertation sur le thème de Culture Générale / Lettres et Philosophie 2023, et plus particulièrement sur la place de l’Homme dans le monde.

Présentation de Léonard de Vinci

Léonard de Vinci (1452 – 1519) est un artiste toscan. Considéré comme un génie, il est aujourd’hui reconnu comme étant une grande figure de la Renaissance. Il est à la fois peintre, architecte, sculpteur, ingénieur, inventeur, philosophe et musicien. Sa pluridisciplinarité se retranscrit dans ses chefs-d’œuvre, ses inventions mais aussi ses carnetsn dans lesquels on retrouve le célèbre dessin de l’Homme de Vitruve.

Le travail de l’artiste s’inscrit dans le contexte de son époque : la Renaissance. C’est pourquoi De Vinci est obsédé par la compréhension du monde, et ce par tous les moyens. Il  cherche à cerner son fonctionnement. Il se sert de l’homme comme d’un référentiel servant à appréhender les mécanismes qui régissent notre monde. Ainsi, il va jusqu’à braver les interdits de l’Église, en disséquant des cadavres afin de mieux concevoir les organes, les muscles, les nerfs, ou encore les veines :

« J’ai imaginé toutes ces machines parce que j’étais possédé, comme tous les hommes de mon temps, par une volonté de puissance. J’ai voulu dompter le monde »

À travers cette volonté de dompter le monde, les inventeurs et les ingénieurs tentent de repousser les limites de leur discipline. De Vinci, qui n’a pourtant aucune formation universitaire, parvient à se différencier des autres grâce à une vision nouvelle, qui le pousse à voir au-delà des préceptes de son époque. Vous pouvez en apprendre davantage sur De Vinci dans dans cette courte vidéo.

L’Homme de Vitruve, ou l’homme au centre du monde

Vitruve a existé bien avant ce fameux dessin : c’est un architecte romain, redécouvert pendant la Renaissance. Ce dernier ne se cantonne pas seulement aux aspects techniques et esthétiques de l’architecture ; il offre des éléments de philosophie et d’histoire de l’art à ses créations. Il n’est pas seulement technicien, mais également penseur de son travail et de la matière. Ses descriptions détaillées du corps humain sont reprises par De Vinci afin de réaliser le célèbre dessin.

Si des artistes antérieurs à Léonard de Vinci se sont déjà attelé à la tâche, il est le premier à obtenir, en 1490, un résultat aussi concret. Il ajoute la notion de mouvement, symbole de la Renaissance. Cette notion harmonise l’œuvre et fait concorder l’homme au sein des formes géométriques. L’apport est également philosophique, puisque l’homme est la solution d’un grand problème – à condition d’accepter le changement.

Maitriser la géométrie, ou comment dompter le monde

Ce problème datant de plusieurs siècles est celui de la quadrature du cercle, qui cherche à concevoir un cercle et un carré de même aire, avec une règle et un compas pour seuls outils. De Vinci comprend qu’en prenant un homme allongé sur le dos comme étalon de référence, il est possible de trouver la solution. Le nombril permet de placer la pointe du compas, tandis que les organes reproducteurs sont au centre du quadrilatère, quand l’amplitude des bras est égale à la longueur du côté.

Ces deux formes sont une représentation du monde. On retrouve toutes les dimensions spirituelles dans le cercle, ainsi que les dimensions terrestres dans le carré. Cette dualité rappelle la Scala Naturæ, qui place l’homme en dessous du monde divin (Dieu, les anges), mais au-dessus du monde animal et du monde minéral.

À nouveau, l’Homme est donc au centre ; il est la clef de compréhension. La domination de la géométrie ne peut se faire qu’à travers la perfection du corps humain. La connaissance et la maitrise de son fonctionnement permettent de dompter le monde. Le corps sert donc de référentiel pour comprendre le monde qui l’entoure.

Rappel du contexte : la Renaissance

Née à Florence au XVè siècle, la Renaissance est une transformation de la vision du monde à travers un vaste renouvellement de la civilisation européenne. En moins de deux siècles, ce courant voit exceller des grands maitres, tels que Raphaël, Donatello, Mic­hel-Ange, ou encore Botticelli.

La fin du Moyen Âge est marquée par cette période. S’il est souvent jugé comme une ère obscure durant laquelle l’homme est perçu comme une créature faible et soumise à Dieu, à l’inverse, les humanistes s’émancipent – légèrement – des interprétations de l’Église. Les artistes cherchent à développer leurs connaissances et à cultiver leur esprit critique. C’est pourquoi ils commencent par se réapproprier les sources de la connaissance au travers les textes de l’antiquité grecque et romaine. Ainsi, l’appréhension du monde passe d’une vision purement religieuse et régie par l’Eglise à un prisme anthropocentré.

En effet, jusqu’à cette époque, l’essentiel des représentations artistiques était d’ordre religieux, le corps humain n’étant pas jugé digne d’intérêt. Avec la maitrise des proportions et de la perspective, l’Homme se place au cœur des préoccupations : il est exalté.

L’homme au centre du monde

L’homme apparaît ainsi telle la perfection divine : sa beauté est au centre de l’art, de la réflexion et du monde. Sa suréminence se traduit dans tous les domaines : la peinture, la sculpture, l’architecture ou encore la gravure. Marsile Ficin écrivez d’ailleurs ceci au sujet de l’homme renaissant :

« Le ciel ne lui semble pas trop haut, ni le centre de la terre trop profond. Le temps et l’espace ne l’empêchent pas de courir partout à tout instant… Partout il s’efforce de commander, d’être loué, d’être éternel comme Dieu »

Grâce à l’exploration de son passé, l’homme cultive sa curiosité, sa créativité, qui le mèneront vers de grandes innovations. Cette soif de découvertes s’explique par la volonté de mieux comprendre le corps afin de mieux comprendre le monde. Les artistes veulent être au plus proche de la réalité pour ne pas faillir à la représentation de cette perfection divine qui régit le monde.

Pour résumer

  • L’homme sert d’étalon à l’explication du monde. Il est central.
  • Le cercle (aspects spirituels) et le carré (aspects terrestres) du dessin peuvent être interprétés comme une représentation du monde.
  • Sans renier la religion, la volonté d’appréhender le corps humain pour comprendre et maitriser le monde apparait chez de nombreux artistes de la Renaissance, et particulièrement chez Léonard de Vinci, .
  • La Renaissance marque un tournant dans notre compréhension et notre appréhension du monde.