prêt-à-porter

Depuis la Covid-19 essentiellement, c’est-à-dire 2020, les entreprises de prêt-à-porter font chaque semaine la une de l’actualité concernant des redressements et des liquidations judiciaires. Et alors que le commerce en ligne continue de se développer, au point de devenir presque la « norme », et que l’inflation galopante grignote un peu plus chaque jour le pouvoir d’achat des ménages, tout le secteur du prêt-à-porter doit s’adapter à ces changements technologiques et sociologiques, au risque de disparaître.

Le prêt-à-porter en difficulté

De nombreuses enseignes de prêt-à-porter ont dû être mises ces derniers mois en redressement ou en liquidation judiciaire, à l’image de Camaïeu, Go Sport, Gap, Pimkie, Naf Naf… Ce qui se traduit généralement par des fermetures de magasin, des pertes d’emploi et des rachats d’enseignes ou de magasins, réduisant ainsi progressivement la concurrence. Les enseignes les plus fragiles baissent le rideau, alors que les plus résistants continuent de se renforcer.

Commençons par distinguer liquidation judiciaire et redressement judiciaire, termes que l’on rencontre fréquemment ces derniers temps.

Le redressement judiciaire peut être prononcé quand l’entreprise dépose le bilan. Il consiste à rembourser les dettes tout en préservant les emplois. Dans le cadre du redressement judiciaire, nous pouvons estimer que l’entreprise pourrait survivre au-delà, une fois les créanciers remboursés.

La liquidation judiciaire peut également être prononcée une fois que l’entreprise a déposé le bilan. Celle-ci met progressivement fin à l’activité de l’entreprise. Les dettes sont alors remboursées auprès des différents créanciers.

Selon L’ISEE, le secteur du prêt-à-porter aurait perdu presque 40 000 emplois entre 2010 et 2020.

Le numérique et l’inflation, les deux grandes causes de ces difficultés

Le prêt-à-porter doit s’adapter aux nouveaux comportements des consommateurs

Plusieurs facteurs permettent d’affirmer que les enseignes du prêt-à-porter n’ont pas réellement su s’adapter aux évolutions du marché, notamment sociologiques.

Tout d’abord, les consommateurs se tournent aujourd’hui de plus en plus vers le numérique avec la possibilité de se faire directement livrer sa commande à domicile, comme le fait Zalando (depuis 2008) ou eBay (depuis 1995). Or, de nombreuses enseignes possédant des magasins physiques n’ont pas réellement su d’adapter à ces évolutions, pouvant permettre de faire la différence. Il en est de même avec la communication par les réseaux sociaux, pas toujours suffisamment présente dans un monde ultra-connecté.

Une autre évolution qui n’a pas toujours été prise suffisamment au sérieux est la volonté pour les consommateurs d’être écoresponsables dans leur consommation, alors que le secteur textile est réputé pour être l’un des plus polluants. Ce qui s’exprime par différentes manières : privilégier la qualité à la quantité, quitte à payer un peu plus cher, ou opter pour la seconde main (économie circulaire), via par exemple les applications de reventes entre particuliers.

L’inflation met à mal l’ensemble du secteur

L’inflation force les ménages à réduire leur consommation et à privilégier les produits les moins chers. Et alors que ce secteur est très concurrentiel, certains concurrents, à l’instar de Primark, Shein et H&M, arrivent à proposer une offre textile abordable pour tout le monde avec des prix relativement faibles, au détriment souvent de la qualité, des normes environnementales ou encore des conditions de travail.

De plus, la part du budget des ménages consacré à l’habillement diminue et alors que le mois de décembre est important pour de nombreux commerçants, la fréquentation des magasins d’habillement aurait chuté de 3,5 % en décembre 2023 par rapport à 2022.

Des difficultés accentuées par des crises successives

En 2018-2019, la France entière connaissait la crise des Gilets jaunes, obligeant des commerçants à fermer les boutiques dans certaines villes plusieurs samedis consécutifs. Un jour où pourtant la clientèle peut potentiellement être la plus présente. Avec également de nombreuses dégradations sur certaines devantures, demandant ainsi des réparations coûteuses.

Autre crise, en 2020 avec la Covid-19. Alors que la France était confinée et que les magasins de vêtements devaient également fermer, ils avaient dû payer leurs charges, leurs loyers, certains compléments de salaire pour les salariés en chômage technique… et ce, avec peu de recettes. Des difficultés qui se sont ajoutées à des problèmes déjà structurels. Les entreprises qui avaient les trésoreries les plus faibles et les enseignes les plus fragiles n’avaient parfois pas d’autre choix que de déposer le bilan.

En 2023, il y avait les manifestations contre la réforme des retraites, puis les émeutes de juillet qui ont causé de nombreux dégâts matériels et financiers pour de nombreux commerçants, dont des vendeurs du secteur du prêt-à-porter.

Le prêt-à-porter, un secteur arrivé à bout de souffle

Gildas Minvielle explique en partie la difficulté du secteur par le fait qu’à la fin des années 2000, les enseignes auraient ouvert trop de magasins physiques, représentant ainsi une charge importante alors que la concurrence devenait de plus en plus rude et qu’Internet se développait. Il y avait une opportunité de développer le commerce en ligne progressivement qui n’a pas été saisie par les marques.

Une autre difficulté pour le secteur est la demande qui varie selon les effets de mode, mais qui n’est pas très dynamique et peut vite être restreinte face à la concurrence relativement rude dans le secteur. Bien que l’offre ait augmenté après les années 2010, la demande n’a, quant à elle, cessé de baisser.

Selon l’Insee, la part du budget d’un ménage consacré à l’habillement était de 10 % dans les années 1960, contre 4 % aux débuts des années 2000. Il serait aujourd’hui de 2,5 %. Parallèlement, depuis quinze ans, le chiffre d’affaires de ces enseignes aurait tendance à diminuer également.

Le marché de la mode et du prêt-à-porter est aujourd’hui mature, et donc pour pouvoir vivre, les enseignes doivent pouvoir se distinguer, prendre des parts de marché aux concurrents, racheter des concurrents en redressement judiciaire…

Conclusion

Le marché du prêt-à-porter est aujourd’hui en transformation et doit innover et mieux répondre aux attentes des consommateurs sur les aspects notamment numériques et environnementaux. Mais cette transition peut nécessiter un processus de « destruction-créatrice », comme l’évoquait Schumpeter. D’où les liquidations judiciaires et l’apparition de nouvelles marques par la suite.