“L’exemple” : voici un sujet classique, qui peut donc tomber à l’oral de culture générale de HEC.

Nous te proposons un exemple de correction ; il s’agit bien sûr d’une simple proposition, pour le plan comme pour les références choisie parmi tant d’autres. Libre à toi d’utiliser les références de ton choix. 

Introduction

Accroche

Dans La Ferme des animaux de George Orwell, les animaux cherchent, au début du récit, à s’inspirer de l’exemple donné par Sage l’Ancien, considéré comme un modèle à suivre, poour établir une situation de vie qui leur serait meilleure.

Mais les cochons de la ferme, en dénaturant ces idéaux, deviennent un mauvais exemple pour le reste des animaux. Ainsi, en se soumettant à la volonté de suivre les enseignements transmis par le sage, ils se sont paradoxalement asservis, enfermés dans une marche prédéfinie, un travail dénué de réflexion, en suivant bêtement un exemple devenu creux. 

Définition des termes et enjeux du sujet

L’exemple peut ainsi se définir de deux manières.

Il peut d’abord renvoyer, comme illustré plus haut, à un modèle digne d’être suivi, inspirant, ou à une action que l’on devrait imiter, du fait de son exemplarité.

Mais l’exemple peut également être utilisé pour désigner un cas concret, un fait particulier non reproductible, l’illustration empirique d’un concept. 

Ainsi, ces deux définitions soulèvent un paradoxe : alors que l’exemple incite à être suivi, il est par définition impossible à reproduire et à atteindre, la volonté de le suivre pouvant donc mener à des dérives. En effet, l’exemple peut certes servir de mesure de la valeur d’une personne, poussant alors au dépassement de soi, cet exemple étant considéré comme universellement bon. Mais cela peut entraîner une certaine soumission à cet exemple, c’est-à-dire une forme de contrainte envers l’individu, qui doit suivre un chemin déjà tracé pour lui, le privant donc, de fait, de son libre-arbitre

Problématique

On peut donc se demander si l’exemple est la voie à suivre absolument : l’homme est-il vraiment contraint  à renoncer à son libre arbitre et à l’espoir de le dépasser en se soumettant à un exemple ?  

Proposition de plan

1. L’exemple doit être suivi, car c’est un modèle qui permet à l’homme de tirer des enseignements, et qui lui permet donc de progresser en vue d’atteindre l’excellence

A) Si l’on définit l’exemple comme l’illustration d’un concept, alors sa réalisation dans le monde réel est la concrétisation ou la preuve d’une pensée, d’une théorie

Si l’on s’appuie sur la ligne de pensée des empiristes, la preuve par l’exemple validerait une thèse, et constituerait donc le symbole même de la validité d’une thèse issue d’une pensée humaine. Les empiristes, en faisant de l’expérience sensible l’origine même de toute connaissance sensible, c’est-à-dire le prérequis de toute connaissance, s’opposent ainsi au rationalisme. Ils soutiennent l’idée que la totalité des connaissances, des croyances et des goûts humains sont dérivés de l’expérience sensible. 

Ainsi, à force de faire des expériences sensibles, et donc d’avoir un grand nombre d’exemples et de modèles concrets, les hommes peuvent tirer des enseignements, voire des connaissances. C’est ce qu’entend le philosophe anglais John Lock (1663-1704) lorsqu’il évoque une conception de l’esprit comme tabula rasa, c’est-à-dire une table rase qui recevrait les impressions comme de la cire :

l n’est rien dans l’intellect qui n’ait auparavant été dans la sensation.

Essai sur l’entendement humain

Pour ce courant de pensée, l’exemple vient donc corroborer une thèse ; il sert de preuve, jusqu’à ce qu’un contre-exemple viennent la réfuter. Dès lors, l’exemple, en apportant une manifestation concrète d’une idée dans la réalité, apporte un appui à l’homme pour tirer des enseignements. 

B) Bien plus, même si l’exemple s’avère être un mauvais exemple, on peut toujours en tirer un enseignement.

L’apport du mauvais exemple n’est cependant pas à négliger, car on peut y trouver, en creux, “le droit chemin”, c’est-à-dire l’exemple à ne pas suivre. On peut donc tirer des enseignements d’un mauvais exemple.

C’est notamment ce que cherchaient à faire les chrétiens occidentaux au Moyen-Âge, dans les chansons de gestes. En effet, leur visée était d’éduquer le peuple, souvent illettré, afin de les convaincre de suivre l’exemple, les rites et les pensées de la religion chrétienne. Pour ce faire, un moyen souvent employé était de dépeindre l’anti-chrétien, c’est-à-dire l’inverse de ce que le peuple devrait suivre, en dessinant en creux ce qu’ils considéraient comme “le mauvais exemple” ; ainsi, un exemple peut être trouvé notamment dans la célèbre Chanson de Roland du XIe siècle :

Les païens ont toujours tort, le chrétien est toujours dans le droit.

Le but était donc de trouver son identité dans l’altérité, par contraste, en tirant un enseignement de ce qu’ils pensaient être le contre-exemple, c’est-à-dire l’exemple à ne pas suivre : le monde “sarrasin” sert ainsi de symétrique négatif au monde chrétien, qui lui permettait d’affirmer qui il était, et donc de montrer le chemin que le peuple occidental devait suivre. 

C) Si l’on définit l’exemple comme un modèle à suivre, alors l’exemple est un idéal vers lequel tendre, et il prouverait à l’homme que sa fin est atteignable

Par exemple, dans Nana, Emile Zola évoque l’exemple d’Irma d’Anglars, une ancienne prostituée, courtisane sous l’Empire qui s’est détourné de ce chemin pour suivre une vie de religieuse. On voit ici un espoir, qui aurait pu changer l’histoire de l’héroïne éponyme en la sortant d’une situation de débauche : en effet, Irma, devenue châtelaine, est aperçue par Nana et ses amies, à la sortie des vêpres, saluée et respectée par tous les villageois. Elle impressionne beaucoup Nana. Ainsi, Irma représente un exemple qui aurait pu être suivi par l’héroïne, la preuve vivante qu’il est possible de sortir de la prostitution. 

Mais cet exemple n’est en réalité qu’une vision éphémère, un espoir illusoire de sortir de la débauche, puisque le personnage d’Irma d’Anglars n’est qu’un spectre muet, aperçu de loin, seulement, par Nana. Si l’exemple peut être perçu comme un modèle à suivre, il est donc quasiment inatteignable, et par là, difficilement reproductible, puisque chaque individu dispose de son propre libre-arbitre.

2. Suivre ce qu’une certaine communauté ou une société particulière considère comme un exemple revient à forcer l’homme à renoncer à son libre arbitre 

A) L’exemple n’est pas toujours légitime, car il est décidé par une société particulière 

Ainsi, par exemple, lors des Grandes Découvertes, les Occidentaux ont voulu imposer leur exemple de civilisation et leur système de croyances aux indigènes, en les privant de fait de leur libre-arbitre, comme l’écrit Hernan Cortés dans sa Lettre à Charles Quint :

Il suffirait que quelques interprètes (…) leur fissent comprendre la vérité de notre foi et l’absurdité de la leur, et que nombre d’entre eux, et peut-être tous renoncent à bref délai à leur hérésie pour adopter nos croyances.

On voit donc bien ici que l’exemple peut être illégitime, car fondé sur les croyances d’une société particulière qui juge sa pensée universellement juste et bonne. Mais il s’agit en réalité d’un rejet de la singularité d’un monde inconnu, ayant pour objectif de faire disparaître l’insoutenable altérité de ces peuples. 

Les Occidentaux veulent ainsi montrer l’exemple de deux manières. D’abord, comme évoqué plus haut, ils souhaitent que les Indigènes suivent leur exemple en adoptant leurs coutumes et leurs croyances occidentales. Ensuite, ils veulent aussi leur donner une leçon, une correction, en les châtiant, en leur montrant ce qu’ils risquent s’ils ne se soumettent pas au bon vouloir des occidentaux, comme l’écrit également Cortés :

Ces châtiments serviraient d’exemple aux Indiens, les engageraient à reconnaître la vérité de notre foi et à éviter les grands dommages qu’ils encourent au service de leurs idoles.

B) Bien plus, il existe aussi de mauvais exemples, qui poussent vers le mal.

Il est également intéressant de dissocier le bon du mauvais exemple, bien que cela soit difficile, car subjectif. En effet, l’exemple n’est pas toujours exemplaire. Par exemple, dans Crime et Châtiment, de Dostoïevski, le héros, Raskolnikov, justifie le double meurtre qu’il a commis d’une usurière et de sa soeur, car :  

Je voulais être un Napoléon, voilà pourquoi j’ai tué.

On voit donc ici que l’exemple peut pousser au vice et au crime. Napoléon est donc ici un “mauvais exemple” pour Raskolnikov. Ainsi, le bon ou le mauvais exemple est subjectif et dépend de l’interprétation qu’en fait le récepteur. Napoléon peut être un bon exemple inspirant pour certain, mais aussi pousser d’autres individus au crime. Il existe donc également de mauvais exemples, qui poussent les individus vers le mal. 

C) Ainsi, suivre l’exemple des autres, trait caractéristique de l’instinct grégaire humain, se révèle être une voie de facilité, qui mène à une perte de l’individualité.

C’est notamment ce qu’on a vu précédemment dans notre exemple de La Ferme des animaux : les cochons, qui se donnent comme exemples, ne sont en réalité que des tyrans qui mystifient le reste des animaux. Ces derniers se soumettent sans résistance ni réflexion, et cherchent à suivre cet exemple qui leur est donné, en renonçant de fait à leur libre-arbitre, et en suspendant leur jugement. 

Hannah Arendt va même plus loin dans Eichmann à Jérusalem, ouvrage qui reprend le procès d’Adolf Eichmann en 1961, ancien chef de la Gestapo chargé des affaires juives. Pour elle, Eichmann n’est en effet pas un monstre “diabolique ou démoniaque” , malgré le fait qu’il soit responsable de la mort de millions d’individus, mais un personnage ordinaire, insignifiant et sans profondeur, qui est incapable de s’exprimer, car il est incapable de penser. Il a simplement suivi l’exemple qui lui avait été donné de suivre par le régime nazi, et y a consenti :

C’était la pure absence de pensée qui lui a permis de devenir un des plus grands criminels de son époque.

C’est donc là un homme incapable de penser par lui-même, Arendt bâtissant, sur cet exemple, sa célèbre théorie de la banalité du mal. Ainsi, à force d’utiliser des euphémismes pour désigner l’extermination des Juifs et les horreurs nazies, le régime a réussi à dresser un exemple de l’homme aryen parfait, au sens où il était complètement soumis aux idées du régime totalitaire hitlérien. Tous les membres du régime ont ainsi pu choisir le chemin de la facilité, en suivant cet exemple, ce chemin tout tracé et prédéfini, abandonnant de fait leur libre-arbitre par pur instinct grégaire.  

3. Dès lors, l’homme doit s’affranchir de l’exemple qui lui est imposé pour réinventer cette notion et justement devenir celui qui sait se rendre exemplaire pour les autres

A) L’homme doit surpasser l’exemple qui lui est imposé 

L’esprit des hommes peut en effet être borné par un exemple qui leur a été donné. Dès lors, il est de la responsabilité de l’homme de ne pas se limiter à l’exemple : pour amener le progrès, il faut creuser encore plus en profondeur, pousser plus loin encore que la limite où l’exemple s’est arrêté. C’est notamment l’idée que véhicule la fameuse expression “l’élève dépasse le maître” : cela permet à l’homme de retrouver une part de son libre-arbitre, dans la mesure où il devient capable de s’éloigner des sentiers battus. 

C’est par exemple ce que des créateurs japonais, dont l’architecte Tadao Ando et le couturier Issey Miyake, ont cherché à transmettre en créant le musée 21_21 Design Sight à Tokyo. Ce musée organise des expositions conceptuelles, dont le but est d’explorer ce que le design pourrait être dans le futur. Bien plus, au-delà des expositions en elles-mêmes, le nom du musée est également symbolique : en effet, il fait référence à la “20/20 vision”, c’est-à-dire “l’eye sight” , soit l’acuité visuelle dont le maximum ne peut atteindre que 20/20. Ici, il est donc demandé de dépasser cette vision et de l’orienter au-delà de ses habitudes, de voir au-delà de l’objet, plus loin, en vue de réfléchir au renouveau du design du XXIe siècle. 

Enfin, le bâtiment en lui-même est profondément novateur, puisqu’il est pour la majeure partie immergé, et son architecture sort donc des sentiers battus. Le message est très clair : il invite les hommes à rester perméables à la nouveauté, pour dépasser l’exemple dont nous avons hérité. 

B) L’homme doit aussi savoir se défaire totalement de l’exemple 

L’exemple relève en effet de l’ordinaire, c’est-à-dire de ce qui a déjà été réalisé. Ainsi, si l’on pousse la réflexion plus loin, il n’est pas seulement nécessaire d’approfondir simplement un exemple déjà réalisé, mais pour créer de la nouveauté, l’homme doit aussi s’affranchir totalement de cet exemple, pour instaurer quelque chose de révolutionnaire

C’est notamment ce que parvient à faire le génie selon Kant, qui écrit dans sa Critique de la faculté de juger que le génie est “le talent qui donne ses règles à l’art”. Pour Kant, le génie est ainsi le talent naturel qui donne ses règles à l’art. Autrement dit, chaque œuvre d’art définit ses règles et ce qui fait le chef d’œuvre, c’est sa capacité à inventer ses propres règles. Le génie fait ainsi école : il invente des règles nouvelles pour l’art.

L’académisme vient donc ensuite : l’école, qui enseigne la conformité aux règles nouvelles, se charge de faire rayonner la nouvelle forme d’art inventée par le génie. Ainsi, le génie n’est pas académique, mais il fonde l’académique : 

Puisque apprendre n’est pas autre chose qu’imiter, la plus grande facilité à apprendre ne peut comme telle passer pour du génie.

L’artiste génial ne pourra donc qu’être original : son génie n’existe ni par imitation, ni par apprentissage, et ne peut donc être que sans précédent, c’est-à-dire sans exemple. Le génie ne peut donc avoir de maître ; il crée lui-même la nouveauté et l’inattendu. 

Cette thèse peut se vérifier si l’on se penche sur plusieurs figures géniales, au sens où elles ont su faire émerger une nouveauté artistique dans l’histoire : que ce soit Beethoven ou Erik Satie en musique, ou Manet avec le mouvement des impressionnistes, Picasso pour le cubisme…

C) Ainsi, l’homme doit lui même chercher à s’ériger en exemple pour guider les autres vers la transcendance 

L’homme peut donc chercher à s’ériger en exemple, c’est-à-dire à devenir exemplaire et inspirant, pour acquérir la légitimité d’être considéré comme un exemple : il peut alors permettre de montrer aux hommes quelque chose qui les dépasse, une beauté ou une vérité supérieures, et leur faire apercevoir la transcendance. 

Ainsi, selon Kandinsky dans Du Spirituel dans l’Art et dans la peinture en particulier, l’artiste est un avant-gardiste qui doit mener le reste de la société vers la transcendance. En effet, celui-ci a un accès à la transcendance, que les autres n’ont pas : il voit mieux le monde que les autres, de manière plus juste, sans filtre ni influence, et a un contact direct avec la nature. Le but de l’artiste, dès lors, est de guider le reste de la société vers la transcendance et l’innovation.

L’artiste est donc, selon Kandinsky, un visionnaire, un individu qui “nous prête ses yeux pour voir le monde”, si l’on veut reprendre une formulation propre à Schopenhauer. Kandinsky écrit ainsi, dans Du spirituel dans l’art et de la peinture en particulier, que

L’artiste (…) est la main qui à l’aide de telle ou telle touche, obtient de l’âme, la vibration juste.

L’artiste est donc un médiateur entre le sensible et le spectateur, en ce qu’il fait apparaître des relations moins évidentes, moins accessibles, et donc cachées. Il permet donc de guider les hommes vers la transcendance, ou du moins les aider à s’y en approcher. Mais il faut parfois attendre des années avant que cet artiste ne soit perçu comme un exemple :

Des siècles sont parfois nécessaires pour que ce son pur parvienne enfin jusqu’à l’âme humaine.

Conclusion

L’homme peut suivre l’exemple qui lui est donné en vue d’en tirer des enseignements ou bien de s’améliorer, mais il doit le faire en exerçant son esprit critique pour ne pas perdre son libre-arbitre. L’exemple, finalement est également et peut-être surtout fait pour être dépassé, et c’est aux individus de réussir à le réinventer pour pouvoir s’élever.