Dans cet article, nous allons te présenter les grands traits d’une œuvre de Thomas More qui te sera utile et constituera une référence pour ta dissertation de philosophie, et éventuellement, pour dépasser un sujet. Tu retrouveras une présentation générale de ce livre ainsi qu’une analyse centrée autour du monde.
Cette œuvre est d’autant plus importante qu’elle a permis l’émergence du mot « utopie ». Après la parution de ce livre viendront de nombreux œuvres en lien avec cette notion ou avec celle de « dystopie » comme Le meilleur des mondes (1932) d’Aldous Huxley, Fahrenheit 451 (1953) de Ray Bradbury, ou encore 1984 de George Orwell (1949). Thomas More a ainsi ouvert une nouvelle perspective, un nouveau genre qui permet d’imaginer un monde pour mettre en lumière certains aspects du nôtre.
Le genre utopique : présentation
Contexte
L’Utopie de Thomas More est un livre fondateur de la pensée utopiste, paru en 1516.
Ce mot émerge de ce livre, et provient des racines grecques « ou-» (préfixe incluant une restriction) et « topos » (lieu). Ainsi, le mot utopie signifie « un lieu qui n’existe pas » ou encore « lieu de bonheur » (eu- qui signifie bonheur et topos, le lieu).
C’est un genre littéraire qui mêle récit de voyage et description d’une société parfaite. Cette expérience immersive dans un monde fictif permet de prendre du recul sur le monde actuel en le critiquant.
Ce livre apparait en effet tout d’abord comme une critique adressée aux imperfections de la société anglaise du temps de l’auteur, qui écrit ceci : « Il y a lâcheté à taire les vérités qui condamnent la perversité humaine, sous prétexte qu’elles seront bafouées comme des nouveautés absurdes, ou des chimères impraticables ».
Ainsi, dans le livre Premier, le narrateur reproche aux jurisconsultes et au cardinal d’Angleterre l’injustice de certaines lois ou actions ; par exemple, le commerce de laine a privé les paysans de leurs terres au profit de quelques-uns, qui se partagent la richesse et peuvent laisser paître les troupeaux.
Intérêt
Thomas More nous propose donc la vision d’un nouveau monde en rupture avec la société anglaise du 16ème siècle. Les vertus de cette utopie, comme par exemple l’égalité de tous les citoyens, qui s’oppose à la misère de la société de son temps, permettent de dresser une véritable critique du monde anglais de cette époque.
Pour autant, More ne décrit pas une fatalité irrésoluble. En effet, l’auteur fait avant tout part d’optimisme quant à l’avancée des citoyens anglais, car les Utopiens ont réussi à résoudre leurs problèmes. Ainsi, l’Homme peut changer son destin, tout comme les Anglais peuvent réparer leurs dérives.
Cette œuvre est intéressante puisque l’auteur se refuse à recourir au merveilleux, au genre fantastique, comme en atteste l’absence de climat paradisiaque : pas de providence divine ni d’une quelconque volonté de Dieu qui pourraient tout résoudre. More met donc en avant la possible réalisation de cette société parfaite, qui, en réalité, provient de la volonté des hommes.
Description de l’oeuvre
Dans le Premier livre, il est question d’un dialogue entre 3 personnages : Thomas More, Pierre Gilles (son éditeur et ami) puis Raphaël Hythlodée (personnage fictif), un marin philosophe qui nous décrit l’Ile d’Utopie et dénonce les injustices de la société anglaise.
Dans le Second livre, nous trouvons un monologue d’Hythlodée, une description de l’île, qui est une île fictive situé dans l’Hémisphère Sud, et apparaît comme l’image de l’Angleterre si celle-ci était mieux dirigée.
Concernant l’organisation interne de l’île, celle-ci est divisée en 54 villes, construites de manières identiques et possédant les mêmes institutions, langues et mœurs. Il y règne une véritable autarcie économique, pour permettre une sorte de rationalisation.
Ainsi, les champs sont, par exemple, répartis en fonction du travail agricole et des besoins des habitants. La société entière est fondée sur l’agriculture ; et en effet, l’Utopien doit avoir travaillé deux ans au minimum à la campagne. Toutes les personnes travaillent 6h par jour au lieu des plus de 12h de l’époque, et consacrent le reste de leur temps à l’amélioration de la société. La paresse est condamnée, ce qui permet à tout le monde de s’adonner pleinement à ses activités.
Certains parleront même de planification d’une société communiste, puisque la propriété privée est abolie, et les Utopiens établissent la possession commune et doivent changer de domicile tous les 10 ans.
D’un point de vue économique, les ressources sont données selon les besoins, et aucune monnaie n’existe. Ainsi, il n’y a pas d’échanges économiques, sauf pour les métaux, que les Utopiens considèrent peu. Le pouvoir ne se situe pas dans la main d’une seule personne, mais tous les ans, « 3 vieillards » sont élus députés par chaque ville puis se déplacent à Amaurote, la capitale de l’île, afin de débattre sur les affaires nationales.
Le bonheur chez un Utopien pourrait se rapprocher de l’épicurisme : « Le bonheur, pour eux, ne réside pas dans n’importe quel plaisir, mais dans le plaisir droit et honnête vers lequel notre nature est entraînée. Il leur faut fuir tout acte qui pourrait être source extérieure de souffrance pour soi ou pour autrui » .
De plus, aucune religion n’est interdite : elles coexistent et sont diverses. Cependant, la religion prédominante est le monothéisme, avec la reconnaissance d’un Dieu tout-puissant, qui est inexplicable, et appelé « Père » .
Perspectives d’analyse
Le meilleur des mondes
More, par la description du personnage fictif Raphaël, établit un lieu parfait, une véritable utopie, un lieu de bonheur où tout est identique, équilibré. Puisque toutes les villes possèdent les mêmes atouts et caractéristiques, il suffit d’en avoir vu une pour les connaitre toutes. L’égalité, la vertu, l’intégrité et le dévouement règnent dans cette société, qui semble être la meilleure possible.
En effet, le livre de Thomas More est initialement intitulé La meilleure forme de communauté politique et la nouvelle île d’Utopie. Cela se manifeste également par le fait que les Utopiens détestent la guerre et l’évitent autant que possible, même s’ils réalisent des exercices au cas où ils auraient à se défendre. Les habitants essayent en réalité de ne pas tomber dans l’excès, adoptant ainsi la perspective de cette sagesse épicurienne.
Le personnage Raphaël termine sur ces mots : « Je vous ai décrit le plus exactement possible la structure de cette république où je vois non seulement la meilleure, mais la seule qui mérite ce nom. Toutes les autres parlent de l’intérêt public et ne veillent qu’aux intérêts privés. Rien ici n’est privé, et ce qui compte est le bien public » . Bien loin de La fable des abeilles de Mandeville qui prime en Europe, le marin souhaite donc que la participation collective présente sur cette île s’applique dans toutes les sociétés.
Changer le monde
Finalement, Thomas More dresse un nouveau monde et la possible réalisation de ce nouveau monde, qui rompt avec les injustices sociales et économiques régnant dans l’Angleterre de l’époque. Si cette conception a donné naissance à un véritable genre utopique et nourri de profondes réflexions, certains ont dénoncé l’uniformisation que cette forme de société représentait.
Ils redoutent en effet une société où il n’y a plus de place pour la réussite individuelle, l’enracinement à une culture propre et une vie certaine. La diversité se meurt au profit d’un égalitarisme presque totalitaire. La société dicte, par avance, le Bien que doivent vouloir les habitants.
Ainsi, certains dénoncent une utopie qui tournerait en dystopie : dans une telle société, serions-nous réellement dans le meilleur des mondes possibles ?
Conclusion
- L’utopie (lieu qui n’existe pas ou lieu de bonheur), mise en avant par Thomas More, permet de décrire un nouveau monde qui rompt avec les imperfections de la société anglaise de l’époque.
- L’ile repose sur l’égalité, l’engagement, le respect et la sagesse épicurienne, qui permettent à tous les habitants de vivre harmonieusement. On retrouve ici l’idée de totalité ordonnée qui correspond au monde, et s’exprime cette fois-ci par l’unité de la société-même.
- La proposition de ce nouveau monde, réalisable selon l’auteur, donne des pistes de réflexion sur le nôtre.
Retrouve un autre exemple d’utopie dans notre fiche sur le monde chez M. Abensour. Toutes nos autres fiches sur “Le monde” sont ici ! Bon courage pour tes révisions !