violence

Comment utiliser la pensée de Jankélévitch sur la violence pour la dissertation de Culture Générale 2024 ? Du latin vis signifiant « force et vigueur », la violence se comprend spontanément comme une action physique ou verbale, visant à blesser, voire détruire. Elle semble donc s’opposer d’emblée à une action fertile et créatrice. Néanmoins, grâce à l’analyse du philosophe et musicologue Vladimir Jankélévitch, la violence se révèle plus ambivalente que prévu. Effectivement, son caractère stérile ou fertile semble résulter avant tout du contexte d’usage. Penseur de la morale, Jankélévitch semble renier toute forme de violence dans le milieu social et politique, mais il invite toutefois à reconsidérer sa nature dans le cadre artistique.

La violence, une force naturelle ?

Que ce soit dans la nature ou au sein des rapports humains, la violence semble omniprésente. Mais elle également essentielle au fonctionnement du monde. Toutes les interactions entre les choses matérielles et immatérielles sont en effet régies par des rapports de force tels que l’illustre la gravité. La nature et les lois physiques qui la régulent apparaissent donc comme un lieu de confrontation et de résistance. Elles peuvent donner lieu à des interactions qualifiées de violentes par l’homme.

Cette violence, souvent incompréhensible et menaçante pour l’homme, a longtemps été l’objet de crainte et d’admiration pour l’espèce humaine, qui a tenté de la représenter pour la démystifier. De nombreuses œuvres d’art ont puisé leur inspiration dans la nature, et notamment dans la violence qu’elle témoigne. C’est le cas, par exemple, des catastrophes naturelles.

En effet, la violence telle que présente dans la nature a souvent été un modèle artistique, comme l’illustre Vivaldi dans ses Quatre Saisons, ou encore la Symphonie n° 6 de Beethoven. En outre, la violence est présente au sein des comportements et des rapports humains de façon presque naturelle et innée, comme le prouvent par exemple les mécanismes naturels de défense.

La violence, une force faible ?

Définie comme une force de destruction spontanée, la violence dans un contexte social ne peut que bafouer les règles morales et le respect d’autrui. En cela, elle semble être le fruit d’un échec du dialogue ou d’une force pacifique fondée sur la communication.

Dans Le Pur et l’Impur, la violence comprise comme force témoigne donc de l’incapacité d’un sujet à passer outre son agressivité naturelle. Avoir recours à la violence, c’est ignorer les règles morales qui animent les individus et faillir à l’usage de la raison. En effet, la raison se comprend comme une faculté proprement humaine qui dote les individus d’une capacité de remise en question et de la possibilité de modérer et de réfléchir ses actes avant de les mettre à exécution. Tandis que la violence s’apparente à une force pulsionnelle et incontrôlable, ses alternatives telles que la communication et l’échange renvoient à une force raisonnable et contrôlée.

En cela, seules les actions alternatives à la violence semblent être en adéquation avec les impératifs moraux qui régissent la vie politique et sociale. C’est pourquoi Jankélévitch affirme que « la violence est une force faible ». Elle ne peut que conduire à une réponse violente, enfermant l’échange dans un rapport stérile.

De cette manière, la violence semble inséparable de la faiblesse puisque :

« La violence s’oppose si peu à la faiblesse que la faiblesse n’a souvent pas d’autre symptôme que la violence : faible et brutale, et brutale parce que faible. »

Le lien entre la violence et la faiblesse semble donc inébranlable. Il réduit ainsi la violence à une fausse solution, autrement dit, à un moyen d’aboutir à ses fins éternellement stériles.

La violence, une force créatrice ?

Néanmoins, dans certains cas, la violence peut paradoxalement se métamorphoser en force créatrice, pouvant même devenir source de beauté.

Dans le milieu artistique, selon Jankélévitch, elle est parfois nécessaire afin de transmettre un message ou une émotion. Les variations de l’intensité des sons qui violentent l’ouïe du public, les dissonances qui agressent l’oreille du spectateur, ou même les paroles employées qui choquent parfois l’audience sont des traductions de la violence dans le langage musical, tel que l’illustre la Danse macabre de Saint-Saëns.

Une telle violence est fondatrice dans le milieu artistique. En effet, elle demeure l’unique moyen de dénoncer ou d’extérioriser la violence expérimentée dans le monde. C’est ce que soutient Jankélévitch dans La Musique et l’ineffable :

« Il faut distinguer entre violence destructrice et violence géniale. La première, en l’absence de toute inspiration spontanée comme de toute conviction passionnée, trépigne désespérément pour dissimuler son incurable sécheresse. Mais chez Stravinski, Prokofiev et Milhaud, la violence, tout au contraire, est fondatrice. »

Ainsi, une telle violence musicale peut s’avérer créatrice, dans la mesure où elle semble nécessaire à la représentation de l’idée même de violence. Cette nouvelle forme de violence se comprend donc comme symbolique et universelle. Elle vise à interpeller l’auditoire, sans pour autant influencer son comportement.

En effet, la musique peut également être violente lorsqu’elle tente de représenter les sentiments humains, pulsionnels et démesurés. À l’image de la catharsis grecque dans les tragédies théâtrales, la musique violente et agressive a également une vocation de libération des pulsions au travers de la sonorité. C’est pourquoi l’usage d’une telle violence restreinte au milieu artistique semble même être en mesure de contenir la violence sociale, voire de la supprimer.

Conclusion

La philosophie de Jankélévitch semble distinguer deux types de violence, qui s’opposent non seulement sur leur forme, mais également sur leur usage. Tandis que la violence sociale et politique est condamnée à rester brutale et stérile, la violence dans l’art peut devenir créatrice et esthétique.