En avril dernier, ArcelorMittal a confirmé un vaste plan social comprenant la suppression de 636 emplois à travers la France. Depuis cette annonce, les syndicats et les responsables politiques se mobilisent et veulent contrer ce plan social, pendant que l’État tempère. Faisons le point sur cette affaire industrielle devenue médiatique.
Le paradoxe : bénéfice, investissements, dividendes et… plan social
Le groupe motive son plan social par un manque de compétitivité de l’Europe. Le sidérurgiste envisage également de délocaliser certaines fonctions support, généralement centralisées au siège, en Inde. ArcelorMittal demande à l’Union européenne de mettre en place des mesures concrètes pour préserver l’acier européen.
Pourtant, dans le même temps, le groupe a perçu plusieurs centaines de millions d’euros de subventions publiques. En 2024, il a même généré un chiffre d’affaires de 62,4 milliards d’euros et un bénéfice de 1,3 milliard d’euros. Enfin, le sidérurgiste prévoit également d’investir 1,2 milliard d’euros dans un premier four électrique pour décarboner son site de Dunkerque.
Des députés de gauche demandent à l’État une mise « sous tutelle » temporaire du site de Dunkerque. Une forme de nationalisation temporaire visant à sauvegarder durablement l’ensemble des emplois. Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a par ailleurs déclaré être favorable à une nationalisation du sidérurgiste ArcelorMittal et dénonce un plan d’investissement de décarbonation qui n’est pas à la hauteur des attentes.
Quand l’Élysée s’en mêle…
Emmanuel Macron a annoncé un plan de sauvetage du groupe, sans pour autant le nationaliser. Le président de la République souhaite rendre la sidérurgie européenne plus compétitive en durcissant notamment le mécanisme de compensation carbone aux frontières.
L’idée est d’éviter que les entreprises étrangères, et notamment asiatiques, contournent certaines règles européennes en matière de carbone. Il a par ailleurs annoncé qu’EDF, dont l’État est actionnaire, devrait reprendre le dialogue avec les industriels et proposer des contrats avantageux pour les grands consommateurs d’électricité.
Pour l’instant, les salariés et les syndicats restent prudents et méfiants quant aux annonces faites par ArcelorMittal et l’État.
La direction d’ArcelorMittal sera prochainement convoquée par une commission parlementaire afin que le groupe s’explique sur les licenciements, alors que le groupe verse environ 400 millions d’euros de dividendes chaque année à ses actionnaires et perçoit plusieurs centaines de millions d’euros de subventions publiques. Le gouvernement pourrait aussi être convoqué par la commission.
Le parallèle avec British Steel
British Steel, entreprise britannique détenue par un actionnaire chinois, a menacé ces derniers mois de fermer les deux derniers hauts fourneaux du Royaume-Uni, menaçant ainsi 2 700 emplois. En conséquence, les deux chambres parlementaires britanniques ont adopté une loi permettant à l’exécutif d’imposer des contraintes à British Steel, qui est forcée de poursuivre son activité sur le site de Scunthorpe. Aucune nationalisation n’a été prévue pour l’heure, mais le gouvernement de Keir Starmer ne l’exclut pas pour autant à l’avenir.
Le secteur de la sidérurgie est en crise en Europe. British Steel affirmait, en mars dernier, perdre plus de 814 000 € par jour avec ses deux hauts fourneaux en Angleterre qui ne sont aujourd’hui plus rentables… bien que nécessaires à la compétitivité industrielle de l’Europe.