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L’économie de l’environnement est un thème incontournable pour tout préparationnaire. C’est la raison pour laquelle nous te proposons cette fiche de lecture de l’ouvrage d’Éloi Laurent et Jacques Le Cacheux. Dans Économie de l’environnement et économie écologique (2012), ces derniers dressent un panorama de la question.

Présentation des auteurs

Éloi Laurent est un économiste français, chercheur à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). Il est passé par Sciences Po, avant d’obtenir un doctorat en économie. Il se spécialise en macroéconomie européenne et en développement soutenable.

Jacques Le Cacheux est un économiste français, a étudié à l’ENS Ulm, puis a obtenu un doctorat européen d’économie. Il a été membre de l’OFCE pendant 20 ans.

Ce livre vise à rapprocher l’analyse économique et le monde naturel, en actualisant les grandes notions développées en matière d’économie des ressources naturelles et de l’environnement et en étudiant les avancées contemporaines de l’économie écologique. Il cherche à montrer comment combiner le maintien d’un environnement vivable, le développement économique et une organisation sociale équitable. Il présentera aussi les méthodes de valorisation économique des écosystèmes et de la biodiversité, ainsi que la question de la justice et des inégalités environnementales.

Introduction

Avant tout, les auteurs rappellent l’importance de l’explosion du développement économique à la fin du XVIIIe siècle et son accélération à partir de 1950. Ceci ayant créé, d’une part, une prospérité inédite et, d’autre part, une véritable crise des écosystèmes.

La Révolution industrielle, ayant permis le « miracle démographique », avec la multiplication par quatre de la population mondiale, mais aussi les progrès de la nutrition, de la médecine, des techniques, des politiques sociales, a néanmoins causé des inégalités fortes selon les régions. Selon l’OMS, « partout dans le monde, plus on est pauvre, moins on est en bonne santé ». Ainsi, seulement 28 % des habitants de la planète bénéficient d’un État-providence complet.

Alors que le débat public oppose régulièrement l’approche écologique et les décisions économiques, en les considérant antinomiques, ces deux disciplines ont une origine commune. En effet, l’économie est née de la nécessité de desserrer les contraintes de la rareté, due à des ressources écologiques limitées.

Le périlleux franchissement des « limites planétaires »

Selon Rockström, plusieurs limites existent pour notre planète. Ces dernières sont mises en péril par les activités humaines et leur franchissement rend dangereuse la vie de l’humanité sur Terre. Les limites sont le changement climatique, la destruction de la biodiversité, la perturbation du cycle de l’azote et du phosphore, la déperdition de la couche d’ozone, l’acidification des océans, la surconsommation d’eau douce, l’altération des sols, la pollution par les agents chimiques et, finalement, les aérosols.

Wilson établit quant à lui une définition de la diversité biologique, comme dépendant de trois niveaux : la diversité des espèces, la diversité génétique et la diversité des écosystèmes.

De l’économie de l’environnement à l’économie écologique

L’économie de l’environnement naît à l’époque de l’école libérale anglaise, comme science de la gestion de la rareté et de l’allocation efficace des ressources naturelles. Cette école est fondée sur l’hypothèse de la domination de l’homme par la nature. L’homme ne détruit pas la nature, mais profite de sa fertilité, en imposant son rythme d’exploitation et sa finitude. La croissance n’est possible que tant que toutes les terres disponibles ne sont pas exploitées. 

L’économie de l’environnement évolue par la suite en une « science de l’externalité », comme l’analyse Pigou en 1920. La question principale devient la soutenabilité, ce qui marque les débuts de l’économie écologique. La soutenabilité est définie comme le fait de déterminer si le niveau actuel de bien-être peut être maintenu pour les périodes futures. L’économie écologique devient une question clé dans les années 1970, notamment par le rapport Meadows au MIT, ou le rapport du Club de Rome. Elle vise ainsi à réintroduire la question du bien-être et « pluralise » l’approche économique des questions de l’environnement.

Biens collectifs, biens rivaux et logique de l’action collective

Les auteurs rappellent que le coût supporté par l’utilisateur des ressources naturelles et environnementales est crucial. En effet, il façonne les incitations auxquelles sont soumis les utilisateurs. Les agents économiques étant considérés comme rationnels, leur usage des ressources naturelles dépendra des coûts privés.

Or, originellement, les ressources naturelles sont d’accès libre pour tous : c’est le cas de l’air ou des océans. Ils sont ainsi des « biens collectifs », selon l’appellation de Samuelson (1954). Les biens collectifs sont « non rivaux », puisque l’utilisation qu’en fait un individu n’entrave pas les autres, et « non exclusifs ». Il est alors impossible de faire payer les individus qui utilisent la ressource. 

L’accès libre aux ressources cause des problèmes pour Hardin en 1968. Des phénomènes de surexploitation, de dégradation ou d’absence de maintien de la ressource surviennent. C’est la « tragédie des communs ».

La seule solution viable est alors de définir des droits de propriété privée, afin de convaincre les agents économiques de l’intérêt d’une gestion durable de la ressource. Cela a par exemple été mis en place pour les eaux territoriales, les zones économiques exclusives dans les océans, ou par des quotas d’émission de dioxyde de soufre et dioxyde de carbone.

Les solutions au « problème du coût social »

Pour Pigou, le marché met en relation deux agents. D’une part, le vendeur qui cherche à vendre au meilleur prix possible (au-dessus du coût de réserve qui dépend des coûts privés pour produire). D’autre part, l’acheteur qui veut acquérir le bien et payer un prix correspondant à son budget.

En réalité, l’activité économique implique des tiers. Cet « effet externe » cause des « défaillances de marché ». En présence d’externalités, il y a un écart entre le coût privé supporté par le décideur et le coût total supporté par l’ensemble de la population, appelé « coût social ». Lorsque le coût privé est supérieur au coût social, l’externalité est positive. Donc, l’équilibre de marché ne correspond pas à un optimum social et le sort de certains membres de la société pourrait être amélioré sans détériorer celui des autres.

Pour Pigou, il faut alors corriger le prix de marché, en l’égalisant au coût social. Cela passerait par des taxes ou des subventions des autorités publiques (permettant d’égaliser le coût marginal privé au coût social). C’est le principe bien connu du « pollueur-payeur », utilisé pour la fiscalité écologique, par exemple. Cette solution suppose que le gouvernement dispose d’une information précise et parfaite sur la nature des externalités et l’écart qu’elles engendrent entre coût privé et social. Il y a donc l’hypothèse d’un « planificateur bienveillant » et omniscient.

Pour Coase, dans les années 1960, il faudrait avant tout redistribuer ou redéfinir les droits de propriété et laisser le marché libre d’établir le prix, qui devrait refléter mieux le coût social (concurrence et transparence respectées).

La valorisation économique des ressources naturelles

La valorisation économique des ressources naturelles et de la biodiversité devient une nécessité pour les préserver. En effet, de la biodiversité dépend la vitalité et la résilience des écosystèmes (capacité à rendre des « services » aux humains = alimentation). L’illusion de la gratuité de ces services conduit à leur surexploitation et à l’anéantissement de la biodiversité.

Sagoff rappelle cependant les risques d’une valorisation trop fruste. Un rapport utilitaire à la nature qui ne ferait qu’accélérer les crises écologiques. Ce qui n’a pas de prix est sans valeur, il faut alors valoriser ou monétariser les ressources naturelles sans toutefois les marchandiser.

Cette proposition est appliquée lors de la conférence de Nagoya en octobre 2010, qui cherche à révéler la valeur économique de la biodiversité. Plusieurs méthodes de calcul de la valorisation sont évoquées. En termes de « coûts de production » (dépenses d’énergie, flux de matières, etc.), de « disposition à payer » (interroger directement un échantillon de la population concernée, sur la somme qu’ils seraient disposés à débourser pour conserver l’aménité en l’état), ou encore des valeurs d’option, approchées en déterminant le coût de remplacement ou de restauration d’une ressource naturelle.

Une dernière méthode est utilisée : celle de l’actualisation. Le décideur public va comparer son coût social et son bénéfice social, selon le critère Kaldor-Hicks. Cependant, cela couvre plusieurs périodes différentes. Le décideur doit alors actualiser les coûts et les bénéfices pour déterminer la valeur actualisée des bénéfices nets de la politique. 

Le taux social d’actualisation est alors l’agrégation de toutes les préférences individuelles à chaque période considérée

Il s’agit donc d’une comparaison entre le bien-être des différentes générations, dont on déduit des choix pour la génération présente. En 2007, Dasgupta conseille d’ailleurs d’utiliser des taux d’actualisation négatifs pour prendre en compte l’appauvrissement des générations à venir en capital naturel.

Ramsey (1928) pose le calcul du taux d’actualisation totale : r = ρ + e × g, où r est le taux d’actualisation social, ρ est le taux de préférence pour le présent, e est la valeur absolue de l’élasticité de l’utilité marginale de la consommation et g est le taux de croissance par tête du revenu annuel en moyenne pour la période future considérée.

Les instruments de la politique environnementale

En 1992, le Sommet de la Terre à Rio réunit la quasi-totalité des dirigeants de la planète sous l’égide des Nations unies, pour fixer ensemble un certain nombre d’objectifs en matière de politique environnementale.

La politique environnementale passe avant tout par la nécessité d’informer et d’éduquer les citoyens. Par exemple, « l’étiquetage carbone » est l’obligation pour les commerçants d’indiquer sur les étiquettes la quantité de carbone émise pour produire, transporter et commercialiser chacun des produits offerts à la vente. Cela permet d’informer les consommateurs, de leur faire prendre conscience de leur responsabilité individuelle dans les processus globaux aux conséquences négatives pour eux-mêmes et pour autrui.

De plus, l’arme préférée des décideurs publics est la réglementation, afin de s’attaquer à la cause du problème pour en interdire ou en limiter l’utilisation. Cette mesure peut être efficace pour interdire l’usage de certaines substances, bannir certains composants, imposer des limites quantitatives à certains rejets ou certaines émissions polluantes. Néanmoins, il est presque toujours préférable de recourir à des mécanismes décentralisés fondés sur des prix, à chaque fois que cela est possible et que l’information des acheteurs est suffisante.

Un troisième instrument est la taxe ou la subvention environnementale, appelées « solutions pigouviennes ». Les pouvoirs publics peuvent ainsi utiliser des instruments fiscaux, taxes et subventions, pour agir sur les prix relatifs des biens et les coûts relatifs des différents modes de production. Cela permet de modifier les incitations auxquelles sont soumis les agents privés dans leurs choix décentralisés, de consommation ou de production.

Finalement, les solutions coasiennes, de quotas et de marchés d’émission doivent inciter à la diminution des émissions polluantes.

Les auteurs relèvent cependant des difficultés

Des actions de lobbying pour obtenir des pouvoirs publics des exemptions, les fluctuations du prix de marché peuvent être importantes et ne pas refléter les « fondamentaux » du marché des quotas. Finalement, comme le marché des matières premières, le marché des quotas d’émission peut faire l’objet de spéculations.

C’est la fin de la première partie de cette fiche !