Salut à toi, jeune étudiant de CPGE. Aujourd’hui, nous allons travailler sur un chapitre d’économie sur l’organisation des échanges internationaux.
Tout d’abord, le développement des échanges internationaux se caractérise par la coexistence de deux phénomènes :
- La multiplication des accords d’intégration au niveau bilatéral ou régional, par nature discriminatoires.
- La poursuite des négociations multilatérales, dans le cadre de l’OMC, entre tous les pays membres.
Actuellement, et depuis la fin des années 90, les négociations dans le cadre de l’OMC connaissent de plus en plus d’échecs. Les accords d’intégration régionale tendent donc à se développer et à se généraliser. En effet, fin 2019, on dénombrait pas loin de 302 accords commerciaux régionaux en vigueur. Tous les pays membres de l’OMC sont soumis au moins à un accord (précision : il y a 164 pays membres de l’OMC).
Avec la montée en puissance des accords régionaux, nous allons nous poser deux questions :
Cette multiplication des accords d’intégration régionale, ne serait-elle qu’une étape vers une généralisation du libre-échange ? Or, n’irait-elle pas à l’encontre d’une organisation multilatérale des échanges ?
I) Les négociations commerciales multilatérales dans le cadre de l’OMC
L’OMC n’est pas une organisation très ancienne. En effet, sa création remonte au 1er janvier 1995.
Cependant, elle a succédé au GATT (accord général sur les tarifs douaniers) crée en 1947. Nous allons commencer par évoquer le GATT.
A. Le GATT
Afin de favoriser et de réguler le commerce après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont proposé, pour la première fois, un cadre multilatéral. C’est de cette volonté qu’est créé :
- La banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) => aider les économies dévastées par la guerre.
- Le fonds monétaire international (FMI) => générer les problèmes liés au système monétaire international.
Le GATT a pour objectif principal de supprimer les obstacles aux échanges ou les réduire tout en harmonisant les règles du commerce.
B. L’OMC
Créée en 1995, l’OMC est une organisation internationale à part entière, contrairement au GATT qui était un accord.
1. Les principes de l’OMC
L’OMC fonctionne sur la base de plusieurs principes :
- Le principe du traitement national : égalité de traitement entre les produits importés et les produits locaux.
- Le principe de non-discrimination appelé aussi clause de la nation la plus favorisée : les pays ne peuvent pas établir de discriminations entre les partenaires commerciaux. Par exemple, si un pays accorde une faveur commerciale ou spécifique à un autre pays, il doit le faire à tous les autres pays membres.
- Le principe de concurrence loyale : interdiction du dumping (via l’exportation à des prix inférieurs au prix de vente domestique, afin de gagner des parts de marché) et des subventions.
- Le principe de transparence : seuls les droits de douane sont considérés comme plus transparents, et sont généralement autorisés comme moyen de protection, à condition qu’ils ne dépassent pas les niveaux consolidés et qu’ils ne dérogent pas à la clause de la nation la plus favorisée. Les quotas sont eux généralement interdits, car considérés comme moins transparents.
2. Des exceptions subsistent
De nombreux exemples illustrent le fait que l’OMC accorde des exceptions aux principes cités ci-dessus.
L’OMC autorise les accords de libre-échange et les unions douanières, qui pourtant ne respectent pas la clause de la nation la plus favorisée (forme de discrimination). Les pays membres peuvent également accorder spécifiquement aux pays en développement un accès préférentiel à leur marché. Enfin, les pays en développement bénéficient de certaines exceptions. Ils sont, entre autres, autorisés à pratiquer certaines restrictions quantitatives en cas de déséquilibres grave de leur balance des paiements.
3. La structure générale de l’OMC
La finalité de l’OMC est de libéraliser les échanges commerciaux, donc de supprimer tous les obstacles tarifaires et non-tarifaires aux échanges de biens et de services entre les pays pour contribuer à la croissance économique et au développement.
- L’autorité suprême de l’OMC est la conférence ministérielle, qui se réunit au moins une fois tous les deux ans.
- Toutes les décisions sont prises par consensus ou, à défaut, à la majorité des voix.
- Chaque État membre dispose du même poids puisqu’il possède une voix, quelle que soit sa taille économique.
4. L’Organe de Règlement des Différends (ORD)
L’ORD est un lieu d’arbitrage des conflits, mais aussi un producteur de droit à travers sa jurisprudence.
Tout d’abord, un différend survient lorsqu’un ou plusieurs pays estiment qu’un ou plusieurs autres pays membres violent un accord de l’OMC ou un engagement contracté dans le cadre de l’OMC.
- La première étape (peut durer plus de 60 jours) : discussions pour trouver une solution au conflit
- Seconde étape, si aucune solution n’a été trouvée : le ou les plaignants demandent la constitution d’un groupe spécial qui doit apprécier la plainte et apporter des recommandations dans les 6 mois qui suivent.
- Troisième étape : l’ORD étudie le rapport apporté par le groupe spécialement crée puis l’adopte ou le rejette.
- Quatrième étape : chaque partie peut faire appel du rapport devant l’organe d’appel. S’il n’y a pas d’appel, le rapport devient une décision de l’ORD.
- Cinquième étape : si le rapport n’est pas respecté, le plaignant peut demander à l’ORD l’autorisation de mettre en place des mesures de rétorsion.
II) Les accords commerciaux régionaux (ACR)
A. Un tour d’horizon des ACR
Dans un premier temps, il est important de rappeler que les ACR sont des exceptions autorisées par le cadre réglementaire de l’OMC. En effet, un ACR établit entre plusieurs pays qui le signent un régime commercial dérogatoire et préférentiel par rapport à la clause de la nation la plus favorisée qui est la norme de l’OMC.
Depuis la signature de l’accord commercial entre le Japon et la Mongolie en 2016, l’ensemble des pays membres de l’OMC fait partie d’un accord commercial régional. Fin 2020, 306 ACR étaient en vigueur. Cette régionalisation des échanges devient une tendance de plus en plus forte.
Enfin, la majorité des ACR sont bilatéraux. Cela renforce l’idée que les pas se tournent davantage vers les accords régionaux pour progresser dans la libéralisation de leur commerce au détriment des négociations multilatérales.
B. Les différents types d’accords commerciaux régionaux
En 1961, l’économiste hongrois Béla Balassa a proposé un schéma d’intégration économique en plusieurs étapes :
Étape 1- La création d’une zone de libre-échange
Étape 2- La création de l’union douanière
Étape 3- La mise en place du marché commun (libre circulation des capitaux et des personnes)
Étape 4- L’union économique (marché commun avec l’adoption d’objectifs et de politiques économiques communs)
Étape 5- L’union économique et monétaire
Ce processus d’intégration se fait graduellement pour atteindre le stade ultime d’union politique. À ce jour, l’Union européenne constitue la zone d’intégration la plus aboutie.
C. Les déterminants des accords commerciaux régionaux
En 2004, Baier et Bertrand ont développé un modèle théorique pour prédire la signature d’un accord commercial entre deux pays.
En effet, ils ont mis en évidence trois sortes de déterminants à des accords commerciaux régionaux :
- Les déterminants géographiques : les gains à signer un accord commercial pour deux pays dépendent de la distance entre les partenaires, mais aussi de la localisation des pays par rapport au reste du monde. Nous pouvons dire avec certitude que la proximité géographique conduit à des coûts de transports plus faibles. Le gain généré par un ACR sera autant plus grand que les pays sont proches géographiquement, mais aussi éloignés vis-à-vis du reste du monde.
- Les déterminants économiques : la taille économique d’un pays est très importante pour déterminer les gains. Ce gain généré par un ACR entre deux pays sera d’autant plus grand que les partenaires sont similaires en terme de taille économique et l’ampleur des pays non signataires donc le reste du monde est faible pour limiter le détournement du commerce (faire du commerce au détriment des autres pays).
- Les déterminants basés sur les dotations factorielles : nous revenons ici sur la théorie Ohlin, Samuelson et Heckscher selon laquelle les dotations factorielles différentes entre les partenaires vont leur permettre de se spécialiser dans des secteurs distincts. Le gain généré par un ACR entre deux pays sera d’autant plus grand que la différence entre les dotations factorielles des pays est grande et que ces dotations factorielles des pays non signataires donc du reste du monde sont similaires à celles des pays signataires de sorte à limiter le détournement du commerce.
La majorité des accords sont prédits grâce aux seuls déterminants économiques selon Baier et Bergstrand.
Enfin, c’est en 2012 que Baldwin et Jaimovich mis en évidence d’autres déterminants :
- Le commerce existant entre deux pays est un motif pour négocier des ACR
- Plus un pays signe d’ACR, plus il sera tenté d’en signer de nouveau
D. Les effets des accords commerciaux régionaux
Les ACR peuvent avoir de nombreux effets :
- Il conduisent à la libéralisation du commerce entre pays signataires
- Si l’ACR se matérialise par une baisse des droits de douane, alors cela implique une baisse des recettes douanières pour l’État et donc une baisse du surplus, une baisse du prix de vente pour le consommateur sur le marché et la libéralisation des échanges va intensifier le commerce entre pays signataires.
- Cette intensification du commerce entre les pays signataires peut se faire au détriment du commerce qui existait avec les pays tiers (non signataires). On appelle alors cela le détournement de commerce.
L’économiste Jacob Viner, en 1950, développa un modèle théorique qui permet d’étudier les potentiels effets d’une union douanière sur le commerce et le bien-être des pays. Il montre qu’une libéralisation des échanges conduit à une intensification du commerce avec les pays partenaires, mais peut également s’accompagner d’un plus grand protectionnisme vis-à-vis des pays tiers. En conclusion, les ACR mèneraient à une diminution des échanges entre les pays signataires et les pays non signataires (on appelle cela le détournement de trafic).
D’après la théorie de Viner, l’intégration aura d’autant plus de chance d’être bénéfique que les conditions suivantes seront respectées :
- Plus le prix régional est proche du prix mondial, et plus le détournement de trafic est faible.
- Plus le tarif extérieur est faible, et plus le détournement est limité, car on se rapproche alors du libre-échange généralisé.
Finalement, la théorie néoclassique, qui montre que si le libre-échange généralisé bénéficie toujours à l’ensemble des nations, en revanche un accord régional de libre-échange ne bénéficie pas à tous car il peut pénaliser le reste du monde. Si les gains issus de la création d’une union douanière sont positifs dans la zone, alors le reste du monde est défavorisé puisqu’il subit des détournements de trafic. Donc, cela justifie la préférence de l’OMC pour le multilatéralisme intégral face au régionalisme.
Enfin, nous allons évoquer la théorie relative aux effets de taille, selon laquelle l’intégration régionale peut provoquer des gains dynamiques qui peuvent provenir :
- De la présence d’économies d’échelles : baisse du coût unitaire de production lié à une hausse du volume de production => mouvement de concentration des firmes.
- De la différenciation des produits : augmentation de la diversité des produits proposés dans une même famille de biens, ce qui augmente la satisfaction du consommateur.
Pour autant, l’intégration économique peut aussi avoir un impact défavorable en raison de l’importance des coûts d’ajustement, c’est-à-dire des coûts engendrés par l’adaptation à un marché de plus grande taille. Ainsi, l’augmentation de la concentration peut entraîner au moins, à court terme, une hausse du chômage.
E. L’intégration économique pour les États, un intérêt stratégique ?
Dans un sens, même si l’intérêt économique du régionalisme est avéré, il représente pour les États une diminution de leur autonomie. En effet, il risque de se heurter à une forte résistance des populations et donc des électeurs, par exemple pour préserver leur identité culturelle ou son modèle social.
En fait, deux logiques expliquent le choix stratégique de l’intégration :
- D’une part, certains agents peuvent avoir suffisamment intérêt à l’intégration pour exercer une forte pression sur les États. C’est l’effet domino (effet d’attraction sur les tiers).
- D’autre part, l’intégration peut être un moyen de restituer une marge de manœuvre à la politique économique grâce à la mise en place de politiques communes dans le cadre de l’union économique ou monétaire.
Voilà, tu disposes désormais de toutes les clés nécessaires afin de comprendre et de mieux réviser ce chapitre.
Bon courage à toi et à très vite !