La dissertation Ecricome de l’épreuve d’Éco-Droit ECT compte pour 60 % de la note d’économie et jusqu’à 30 % de la note globale, en prenant en compte la partie Droit. Voici ma dissertation, retapée à l’ordinateur, qui a grandement participé à ma note totale de 17,5/20. Je l’ai retouchée dans un souci de lisibilité, de fluidité, de compréhension, mais aussi car des légères imprécisions économiques avaient été commises. Note que certains éléments peuvent, comme toujours, être perfectibles.
Tu le constateras, il pourrait manquer des données chiffrées et éventuellement des dates à ma dissert, mais je m’étais plutôt spécialisé dans l’apprentissage d’auteurs et d’actualités économiques en prépa. Ça m’a permis de sublimer mon introduction, qui est le point fort de la dissert, même la définition des termes vient naturellement et ne paraît pas forcée. Sur ce, je ne te spoile pas plus, bonne lecture !
Une politique agissant sur les revenus suffit-elle aujourd’hui à réduire les inégalités ?
À la sortie d’une crise inflationniste d’une France fragilisée, jamais les inégalités n’ont paru aussi exacerbées, aussi omniprésentes et aussi injustifiées. C’est ainsi qu’en avril 2024, Gabriel Attal annonça toute une série de mesures allant d’une augmentation du chèque de rentrée scolaire à des réductions des billets de train SNCF. Ce manque à gagner pour l’État français n’est cependant pas une perte ou un endettement supplémentaire.
Le gouvernement a mis en place ces mesures sociales suivant les principes de relance keynésienne, où 1 € de dépense supplémentaire de l’État sera réinvesti dans la consommation et rapportera plus à l’avenir. C’est là le principe des politiques publiques. Au risque de se faire accuser de populisme car, si le gouvernement ignore quelque chose, ce n’est certainement pas que les inégalités découlent d’un sentiment par rapport aux plus aisés. Elles sont relatives et non quantifiables, contrairement à la pauvreté qui, elle, se mesure par une valeur chiffrée. Une inégalité est d’ailleurs souvent considérée, à tort, comme une injustice.
Agir sur les revenus pour réduire les inégalités, donc sur la rémunération de la force de travail ou du capital, est alors une mesure contestable, mais compréhensible ; car, même si le nombre de personnes riches diminue dans le monde, la richesse du top 0,1 %, elle, suit toujours une forte hausse (cf. courbe de l’éléphant de Milanovic). Ce qui attisera, peut-être inexorablement, les tensions sociales.
Une politique agissant sur les revenus suffit-elle donc, dans notre contexte inflationniste actuel, à réduire les inégalités ?
Si une politique agissant sur les revenus semble suffire à baisser conjoncturellement les inégalités (1), elle n’en reste pas moins structurellement insuffisante, voire contre-productive (2) et c’est pourquoi des solutions alternatives se développent (3).
1) Agir sur le revenu des consommateurs (pouvoir d’achat) comme des compagnies (chiffre d’affaires) pour baisser les inégalités s’avère efficace à court terme
A) Le multiplicateur keynésien, toujours efficient ?
En ce qui concerne la consommation des ménages, les plus précaires ont une propension marginale à consommer plus importante, mais ils ont, cela va sans dire, moins d’argent à dépenser. C’est le signal selon John Maynard Keynes pour que l’État s’endette dans l’investissement public afin de redistribuer les richesses et ainsi rehausser la consommation par la demande des ménages précaires. Ce qui conduira à une augmentation de la production des entreprises, qui, à son tour, favorisera la demande dans un cercle vertueux.
Cette politique de relance conjoncturelle pourrait donc réduire les inégalités en augmentant le pouvoir d’achat des ménages, tout en ne détériorant pas celui des firmes qui verraient également une hausse de leurs chiffres d’affaires bruts.
B) Les revenus des entreprises, grands oubliés de la politique française ?
Le droit du travail en France a historiquement été très rigide et les impôts sur les entreprises ont été particulièrement élevés. En 2017, des réformes ont été adoptées, en vertu desquelles le marché du travail s’est flexibilisé et les charges patronales n’ont pas augmenté depuis. Dans la lignée des idées de Ludwig Von Mises, l’objectif est de réduire le rôle de l’État et d’inciter les firmes à embaucher plus pour réduire le chômage et donc, in fine, les inégalités.
La lutte contre les superprofits (à l’instar de la suppression de l’ISF) a également partiellement cessé afin de retrouver une attractivité importante et éviter les délocalisations. Ces mesures libérales semblent contre-intuitives, mais peuvent également être mises en place afin de réduire les inégalités en augmentant les revenus de l’entreprise et ceux du futur salarié.
2) Des politiques publiques agissant sur les revenus semblent insuffisantes, inefficaces et contre-productives pour lutter contre les inégalités
A) Supprimer les inégalités n’est qu’un rêve méritocratique
Il existe, en simplifiant, deux grandes voies pour répondre aux inégalités. D’abord, la méritocratie, qui stipule que le fonctionnement sociétal doit donner des chances égales à chacun dans la réalisation de son objectif financier par son effort fourni. Ensuite vient la justice sociale ou « affirmative action », qui considère de favoriser des personnes supposément discriminées par la société en raison de leur sexe, de leur origine, de leur religion, etc., pour contrebalancer ce que la société leur fait subir.
Pour Pierre Bourdieu, la France a choisi, à tort, la première option. Il en veut pour preuve que la surreprésentation des classes peu favorisées dans les lycées professionnels reflète le déterminisme social (avenir de classe et causalité du probable). Les plus pauvres ajustent leurs espérances aux chances de réussites futures qu’ils présupposent comme étant déterminées par leurs milieux, ce qui est autoréalisateur et perpétue les inégalités de classes. La méritocratie est donc illusoire et les inégalités resteront réelles.
B) Les inégalités n’ont en réalité même pas à être supprimées
Laurence Boone a œuvré en ce sens au gouvernement. Le problème de la France, pour elle, n’étant pas les inégalités, qui sont déjà assez corrigées par les aides, mais la faible mobilité sociale (cf. courbe de Gatsby le magnifique sur le coefficient de Gini). Entraver les inégalités est réalisable, certes, mais ce n’est pas toujours synonyme de souhaitable.
La théorie du ruissellement par Arthur Okun stipule en effet que l’innovation se créant en haut de la pyramide sociale sera de toute façon mise en vente un jour ou l’autre à plus bas coût. C’est le cas du téléviseur ou de l’ordinateur, réservés aux plus aisés à une époque, puis généralisés à tous aujourd’hui. L’État ne doit donc pas redistribuer les revenus en prenant aux industriels, au risque d’entraver leurs développements technologiques, car les inégalités se corrigeront d’elles-mêmes, à plus long terme, pour les générations à venir.
3) Dès lors, il s’agit de repenser la politique redistributive par une approche structurelle
A) Agir non pas sur les revenus actifs, mais sur ceux du patrimoine
Les inégalités sont un problème pour les néokeynésiens, car si les inégalités augmentent, la consommation baisse, donc l’investissement baisse et la croissance baisse. C’est aussi un embarras pour les néolibéraux, car si les inégalités croissent, alors la redistribution doit croître également par souci méritocratique (où tout le monde doit pouvoir réaliser son plan de carrière), donc les impôts augmentent et la croissance, là encore, baissera. Dans cet état de fait, une baisse du PIB n’est souhaitable pour aucun camp économique.
Mais peut-être vaudrait-il mieux ne pas toucher aux revenus des actifs, mais plutôt lutter contre la formation des inégalités de naissance ? Par exemple, en taxant l’héritage ou les actions. Pour Thomas Piketty, le taux de rentabilité des entreprises est supérieur au taux de croissance du pays, donc le capitaliste (celui qui possède des actifs mobiliers et financiers) s’enrichit plus que le prolétaire (qui ne possède que sa force de travail), admettons. Mais les inégalités résultantes pourront être limitées d’une génération à l’autre en transformant la fiscalité sur le patrimoine.
B) La notion de capabilité
L’héritage financier n’est effectivement pas « justifié » dans le sens où il enlève toute notion de mérite individuel. Déjà, que les classes favorisées offrent un accès favorisé à la culture et à l’éduction à leurs enfants. Si la solution marxiste, qui consisterait à sortir du capitalisme en France pour supprimer toute inégalité entre capitaliste et prolétaire, semble non envisageable et désuète au regard du tournant de la politique européenne, la solution du Nobel Amartya Sen pourrait s’avérer plus porteuse.
En effet, si les « biens premiers » théorisés par Rawls – pouvoir, revenu, richesse, opportunités et bases sociales du respect de soi, considérés comme essentiels à une société juste, car permettant à chacun de poursuivre son plan de vie – ne suffisent plus dans un cadre social où l’Homme refuse d’être perçu comme pauvre, il revient à l’État de les transformer en libertés réelles.
Ces libertés, appelées « capabilités » (santé, éducation, etc.), représentent la capacité des individus à convertir leurs ressources en véritables moyens d’épanouissement et de bien-être. La richesse matérielle n’est qu’accessoire, mais celle qu’apporte l’État par des accès aussi importants et de manière gratuite pourra se mesurer par un tout autre indicateur que le PIB : l’IDH.
Conclusion : le besoin d’égalité, une éternelle chasse aux sorcières ?
En définitive, force est de constater qu’agir sur les revenus pour conjurer la progression des inégalités semble a priori souhaitable. Cependant, les moyens alloués à cette lutte semblent tantôt incomplets, tantôt antiproductifs. Il s’agit alors peut-être de renouveler cette politique par une approche moins idéaliste et moins égalitariste, mais plus équitable et plus soutenable pour les générations futures.
Reste alors le problème de définition posé en introduction, les inégalités sont relatives et pourraient toujours exister. Notre mode de vie occidental est supérieur à celui d’un empereur romain. Pourtant, dans une société où tout le monde est millionnaire, ces derniers se sentiront toujours moins riches que le milliardaire. Ainsi, peut-être que le sentiment d’inégalité que l’on éprouve ne doit pas nous détourner de notre véritable lutte : celle contre la pauvreté.
Note de l’auteur
Voilà, garde à l’esprit que ce n’était pas le seul moyen de traiter le sujet, je l’ai fait en trois parties pour me démarquer des autres candidats, et je la poste à titre d’exemple pour te montrer que c’est possible de prendre le temps de faire cette troisième partie tant redoutée, et avoir une très bonne note. Évidemment, il ne faut surtout pas négliger le Droit, où j’ai tout de même pris 1 h 45 sur les 4 heures. Toutefois, sache que certains professeurs ne recommanderaient pas cette troisième partie, en particulier pour l’épreuve BCE où la stratégie est à adapter, car c’est la synthèse qui rapporte le plus de points concernant la partie Économie.