ressources

Salut à toi ! Aujourd’hui, nous allons faire un point sur l’intervention des autorités publiques dans l’allocation des ressources. Dans sa Théorie des finances publiques (1959), l’économiste américain Richard Musgrave définit le rôle de l’État à travers trois fonctions :

  • allocation des ressources ;
  • redistribution ;
  • régulation.

La question centrale, toujours posée mais jamais tranchée, est celle de la légitimité de l’État à intervenir afin de limiter ou de supprimer les déséquilibres du marché. Faut-il laisser les marchés librement fonctionner ?

I. Les enjeux de l’intervention dans le système productif

A) Fondements des politiques industrielles

1. La correction des imperfections du marché

Bien qu’il n’existe que peu d’imperfections spécifiques au secteur industriel, certains marchés présentent des barrières à l’entrée, du fait des gigantesques investissements à réaliser.

En effet, développer des capacités de production suppose souvent des investissements qui ne sont pas réversibles, ou du moins pas à court terme. Le risque pour les investisseurs privés étant important, seul l’investisseur public peut présenter les capacités et les garanties suffisantes pour pallier ces défaillances.

De plus, en France, une imperfection de marché est observable. Le tissu industriel est marqué par sa bipolarité entre des entreprises à très forte technologie et d’autres peu technologiques. Une grande partie de l’industrie hexagonale souffrant de son positionnement en milieu de gamme. Il y a donc une dégradation de la compétitivité des entreprises, symptôme de cette imperfection.

2. Les bénéfices stratégiques associés à une industrie forte

Une industrie forte entraîne des effets positifs, ce qui est non négligeable sur l’économie et donc sur la croissance.

  • En termes de recherche et développement. En France, plus de 75 % des dépenses de R&D des entreprises sont réalisées dans l’industrie. Le secteur manufacturier concentre également l’essentiel des dépenses de R&D des entreprises aux États-Unis (plus de 70 %) ou en Allemagne (près de 90 %).
  • Concernant les d’emplois. En France, l’industrie manufacturière représente pas loin de trois millions d’emplois salariés (en 2018), soit plus de 10 % de l’emploi salarié total.
  • En termes de commerce extérieur. Une industrie forte est aussi essentielle à l’insertion réussie d’un pays dans le commerce international et la mondialisation.

Avec un solde de la balance commerciale négatif depuis 2005, la France enregistre un repli continu de sa part de marché dans les exportations mondiales de marchandises.

À noter que les produits industriels représentent plus de 90 % du total des exportations françaises.

On voit donc qu’une industrie forte est un déterminant pour la croissance. D’autant qu’elle exerce un effet d’entraînement puissant sur l’ensemble de l’économie. Donc, finalement, l’industrie est un impératif stratégique, particulièrement dans des secteurs cruciaux pour l’intérêt national au cœur de l’activité industrielle d’un pays.

La légitimité des politiques industrielles dépend donc de l’état de l’industrie.

B) Légitimité de l’intervention dans le système productif français

Nous allons faire ici la différence entre désindustrialisation et décrochage industriel.

Tout d’abord, la désindustrialisation est une étape historique qui correspond au recul de l’emploi industriel et de la part de l’industrie dans le PIB. Du fait notamment de la tertiarisation, des gains de productivité et de la concurrence internationale. La désindustrialisation ne justifie pas l’intervention étatique.

La désindustrialisation concerne l’ensemble des économies développées. Elle s’observe dans tous les pays industrialisés. Cette désindustrialisation semble même inéluctable pour certains économistes, au travers de la théorie du déversement (déclin du secteur agricole vers l’industrie, puis vers les services aujourd’hui). À noter que depuis la pandémie de Covid-19, les pays industrialisés tentent de relancer de grands investissements pour réindustrialiser. Surtout des biens stratégiques, pour des questions de souveraineté.

Ensuite, en ce qui concerne le décrochage industriel, une politique industrielle, donc l’intervention de l’État, est légitime. C’est le cas de la France par exemple.

C) Les causes de la désindustrialisation

1. Le développement des activités au service de l’industrie

Comme nous l’avons vu, la désindustrialisation s’explique, en grande partie, par la tertiarisation qui découle du développement des activités au service de l’industrie. Cette dernière étant alimentée par l’externalisation des activités et le changement qualitatif de la production manufacturière.

  • Changement qualitatif de la production manufacturière. La part des services, nécessaire ou complémentaire à la production manufacturière, a augmenté. Le contenu en services de la production manufacturière a augmenté en parallèle avec la montée en gamme des produits.
  • Développement de l’externalisation. Entraîne un transfert statistique d’emplois vers les services (tertiarisation).

Pour conclure, les industries régressent, mais les services progressent. Les services sont également un moteur de la croissance et un secteur qui innove (environ un quart des dépenses en R&D). Or, ce transfert de valeur ajoutée vers les services n’est pas neutre. Les activités manufacturières centrées sur la fabrication sont plus facilement délocalisables. En effet, la production est associée à une seule compétence et le coût de fabrication dépend plus directement du coût du travail.

2. Les gains de productivité

Le changement technique permet, aujourd’hui, de produire plus avec moins de travailleurs. La croissance de la productivité du travail explique ainsi que la valeur ajoutée manufacturière à prix constants ait continué à progresser depuis 1975, alors que l’emploi baissait.

De plus, la production se fait avec de moins en moins d’emplois.

Les gains de productivité résultent donc des innovations au sens large.

  • D’un point de vue quantitatif. Même si les gains de productivité expliquent en partie les pertes d’emploi, plusieurs études ont aussi montré que les gains de productivité avaient des effets positifs sur les exportations, sur la rentabilité et in fine sur l’emploi.
  • D’un point de vue qualitatif. Ce changement n’est pas neutre sur la nature des emplois et les qualifications dites « employables ». Les emplois de fabrication disparaissent au profit d’emplois de gestion de la fabrication, de la conception à la distribution. En théorie, cela s’accompagne d’une baisse de la pénibilité des tâches et de ressources nouvelles en emplois. Or, le redéploiement de ces ressources se heurte à des barrières à la mobilité du travail (en raison de la spécificité des compétences et des qualifications).

3. La mondialisation et la concurrence internationale

L’ouverture internationale obligerait les États à se spécialiser dans des secteurs où ils possèdent des avantages comparatifs. C’est-à-dire des secteurs intensifs en travail qualifié au détriment des secteurs intensifs en main-d’œuvre peu qualifiée, d’où la perte d’emploi.

  • Premier constat : les importations ne sont pas nécessairement la cause de la désindustrialisation. Certes, la croissance des importations manufacturières des pays à bas coût coïncide avec la disparition des emplois du secteur. Or, l’un n’est pas nécessairement la cause de l’autre.

En effet, les importations sont avant tout une opportunité en termes de baisse de coûts ou de qualité des inputs pour les entreprises et en termes de pouvoir d’achat et de variétés de produits pour les consommateurs. Par ailleurs, les importations entraînent des effets positifs de la concurrence sur la productivité et donc, la compétitivité. En conclusion, les importations peuvent avoir un rôle favorable sur la croissance. Au niveau d’une industrie, la concurrence étrangère peut détruire des emplois. Mais au niveau global, elle est créatrice de richesses.

  • Deuxième constat : il s’agirait surtout des délocalisations (externalisation à l’étranger ou création d’une filiale à l’étranger) qui affecteraient négativement le tissu industriel et l’emploi industriel.

La théorie économique explique la délocalisation essentiellement par un abaissement des coûts (de production, de transaction…). Par ailleurs, la délocalisation s’explique en partie par la fragmentation des chaînes de valeurs.

D) Les causes du déclin industriel français

Nous sommes ici dans une situation qui nécessite l’intervention de l’État.

1. Un effort d’innovation insuffisant

Dans leur ensemble, les industries françaises investissent trop peu dans l’innovation technologique. En effet, la spécialisation sectorielle en France est défavorable à l’innovation. Le tissu industriel y est bipolaire. D’un côté, les entreprises en haute technologie qui fournissent un effort en R&D conséquent. Et d’un autre côté, les secteurs de basses technologies qui sont surreprésentés et qui ne fournissent qu’un très faible effort de R&D. Une des solutions peut résider dans le crédit d’impôt.

2. Un positionnement en milieu de gamme

Avec un positionnement en milieu de gamme, l’industrie française est plus exposée à la concurrence internationale. En effet, ses produits exportés sont plus sensibles à la compétitivité prix que ceux de l’industrie allemande par exemple qui se situe résolument dans le haut de gamme et qui s’est lancée à l’assaut des marchés émergents.

En conclusion, pour supporter la concurrence internationale, les entreprises françaises doivent pouvoir justifier des prix plus élevés par une montée en gamme. Avec des produits plus innovants et associés à un meilleur service.

3. La dégradation de la compétitivité des entreprises industrielles françaises

Tout d’abord, il faut rappeler ce qu’est la compétitivité. La compétitivité mesure la capacité des entreprises d’un pays à s’insérer dans le commerce international (compétitivité prix, avec la capacité à résister par les prix et la compétitivité hors prix, avec tout ce qui est qualité et innovation).

La dégradation de la compétitivité française (creusement du solde commercial, pertes de parts de marché) a longtemps été liée à un problème de compétitivité hors prix. Or, l’industrie française se situe en milieu de gamme, là où il est difficile de différencier autrement que par les prix. Donc, le faible niveau de gamme affaiblit les prix de vente et donc, réduit les marges bénéficiaires. Ce qui limite la capacité d’investissement et d’innovation des entreprises, affectant leur compétitivité hors prix.

Depuis 2008, la dégradation de la compétitivité française est liée à un problème de compétitivité prix. En effet, la crise économique de 2008 a modifié les stratégies des pays au sein de la zone euro (stratégie de désinflation salariale dans les pays du sud de l’Europe).

E) Facteurs d’évolution de la situation industrielle française

Facteurs favorables Facteurs défavorables
  • Image de marque
  • Attractivité (leadership européen depuis deux ans)
  • Bonne performance (niveau environnemental)
  • Soutien public important
  • Infrastructures de qualité
  • Des grandes entreprises à rayonnement mondial et des savoir-faire reconnus
  • Fort prélèvement public
  • Manque de culture de l’innovation et de la créativité
  • Manque de lisibilité des outils d’aide publique
  • Inadéquation formation/besoin des entreprises
  • Difficultés de recrutement (dénicher les talents)
  • Perte de l’avantage compétitif sur le coût du travail (par rapport à l’Allemagne)

II. Les moyens d’action

1. La politique concurrentielle

Il s’agit de l’ensemble des dispositifs de surveillance et de défense de la concurrence (pour atteindre une concurrence pure et parfaite -> allocation optimale des ressources). Cette politique se fait au niveau de l’Union européenne.

L’objectif est de corriger la concurrence dite « imparfaite ». Exemple : fusion entre Alstom et Siemens en 2019.

2. La politique industrielle

Il s’agit de l’ensemble des mesures plus ou moins sélectives (de type financier ou non) que les autorités publiques mettent en œuvre pour infléchir le comportement des entreprises. Les autorités de l’UE parlent de politique de l’entreprise.

L’idée est la suivante : les processus de marché ne sont pas infaillibles. Ils sont parfois défavorables au développement de l’appareil productif national. Il ne faut donc pas se soumettre naïvement aux mécanismes de marché. La politique industrielle exprime un volontarisme politique qui défend des valeurs nationales (via la fiscalité, les subventions, commandes publiques, sauvetage d’entreprises…).

Il y a deux catégories de politique industrielle :

  • la politique industrielle « horizontale » : qui se concentre sur les conditions générales d’exercice de l’activité productive (fiscalité, normes, formation, infrastructures…). Il s’agit de créer un environnement propice pour l’activité industrielle ;
  • la politique industrielle « verticale » : qui regroupe les politiques interventionnistes, sélectives d’un point de vue sectoriel ou régional.

La politique industrielle « horizontale » est compatible avec la politique concurrentielle ; la seconde non, car elle fausse la concurrence.

La politique industrielle française est plutôt une politique « horizontale ». L’objectif est centré sur l’amélioration du fonctionnement des marchés (crédit d’impôt, recherche, création de pôles de compétitivité, pacte de responsabilité…).

Pour t’aider, voici un article sur quelques théories liées à l’intervention publique et un autre article sur la redistribution des richesses.

N’hésite pas à poser des questions en cas de besoin ! Bon courage à toi et à très vite !