Comprendre l’équilibre des marchés est essentiel en économie. Plusieurs auteurs et économistes ont par ailleurs travaillé sur le sujet et sont facilement mobilisables dans ta QRA !
L’équilibre sur le marché : le modèle walrasien et ses limites
Un équilibre souhaitable
Léon Walras développe la théorie de l’équilibre général (1874), selon laquelle l’ensemble des marchés atteignent simultanément un état d’équilibre où l’offre égale la demande pour chaque bien et service.
Les principes fondamentaux sont les suivants :
- prix unique et transparence : chaque bien est associé à un prix connu de tous les agents économiques ;
- rendements décroissants : plus la production augmente, plus le gain marginal diminue (n + 1 rapporte moins que n) ;
- agents preneurs de prix : aucun agent ne peut influencer les prix, qui sont fixés par le marché ;
- principe du commissaire-priseur : un acteur central annonce les prix et les échanges ne se réalisent qu’une fois l’équilibre atteint.
Kenneth Arrow et Gérard Debreu démontrent mathématiquement en 1954 l’existence d’un équilibre walrasien unique sous certaines hypothèses strictes (marchés parfaits, information complète, rationalité des agents). Autrement dit, un modèle qui, en théorie, existe, mais bien moins présent en pratique. Debreu défend que rien ne garantit la stabilité de l’équilibre général en cas de choc économique. L’existence de l’équilibre n’implique pas sa permanence ni son caractère optimal.
Différence avec le marginalisme (1870)
Le marginalisme postule une proportionnalité entre le prix d’un bien et son utilité marginale pour le consommateur, contrairement à Walras qui envisage un équilibre général sur l’ensemble des marchés.
Les limites du modèle et l’ajustement par les prix
L’ajustement par les quantités (Marshall)
Alfred Marshall propose une alternative où l’ajustement se fait non pas par les prix, mais par les quantités produites. Ainsi, une entreprise peut ajuster son offre sans modifier le prix de vente.
La vision de Galbraith : l’irréalisme du modèle
Galbraith considère que les théories économiques traditionnelles sont irréalistes et ne reflètent pas la structure réelle de l’économie. Selon lui, il existe deux grands secteurs :
- Le secteur concurrentiel, composé de nombreuses petites entreprises qui fonctionnent selon les principes classiques du marché (ajustement par l’offre et la demande, flexibilité des prix, absence de pouvoir de marché).
- Le secteur des grandes firmes, qui est en réalité le plus important en matière de revenus, d’emplois, de productions et d’effets d’entraînement sur l’économie. Contrairement aux hypothèses néoclassiques, ces grandes entreprises fixent leurs prix (prix administrés), plutôt que de les laisser s’ajuster naturellement par le marché.
Galbraith remet également en question le mythe du consommateur rationnel, c’est-à-dire l’idée que les consommateurs ont des préférences innées et qu’ils orientent les marchés par leurs choix. Les individus ne choisissent pas librement en fonction de besoins préexistants, car ce sont les grandes firmes qui créent les désirs des consommateurs à travers la publicité. Contrairement à la théorie classique où l’offre répond à la demande, le keynésien affirme que c’est l’offre qui crée artificiellement la demande. La production n’a pas pour but de satisfaire des besoins, mais plutôt d’en inventer de nouveaux pour stimuler la consommation !
La théorie du consommateur
Lien entre demande et revenu
Ernst Engel établit que la structure des dépenses varie avec le revenu, d’où les lois d’Engel :
- La part du revenu affectée à l’alimentation diminue lorsque le revenu augmente.
- Les dépenses en vêtements, chauffage et énergie restent stables proportionnellement au revenu.
- Les dépenses pour les biens supérieurs (loisirs, santé, éducation) augmentent plus rapidement que le revenu.
On distingue trois classes de biens selon l’élasticité revenu :
- biens inférieurs : élasticité négative (ex. : aliments de base) ;
- biens normaux : élasticité proche de 1 (ex. : habillement, chauffage) ;
- biens supérieurs : forte élasticité (ex. : loisirs, luxe).
Lien entre demande et prix
L’effet revenu et substitution (Hicks)
- Effet revenu : une hausse des prix réduit le pouvoir d’achat des consommateurs, impactant leur demande.
- Effet substitution : si le prix d’un bien augmente, les consommateurs se reportent sur un bien substitut moins cher.
Cas particuliers
Biens de Giffen : pour certains biens de première nécessité dit « inférieurs » (ex. : riz, pain), une hausse du prix peut accroître la demande, car le consommateur ne peut se reporter sur un autre bien. Imaginons une population pauvre qui consomme principalement du riz et de la viande. Si le prix du riz augmente, ces consommateurs ont moins de pouvoir d’achat. Ils réduisent donc leur consommation de viande (un bien normal, plus cher) et achètent plus de riz pour compenser, car c’est leur source principale de calories. Ainsi, malgré l’augmentation du prix, la demande de riz augmente !
Biens Veblen : biens de luxe dont la demande augmente avec le prix, car ils signalent un statut social (à l’opposé de la loi de la demande classique). Veblen souligne que le critère du convenable dépend de celui des classes supérieures. Elles « gaspillent » pour impressionner les inférieures. En 2023, les groupes Hermès, LVMH et Kering représentaient 29 % de la capitalisation boursière du CAC 40, illustrant la résilience du marché du luxe (valeur refuge), même en temps de crise.