Gunnar Myrdal est une figure incontournable en économie et ses travaux ont pesé sur la pensée économique. Voici un article qui lui est consacré !
Biographie de Gunnar Myrdal
Gunnar Myrdal est né le 6 décembre 1898 en Suède et est décédé le 17 mai 1987. Issu d’une famille modeste, il grandit dans un environnement où l’éducation et la rigueur intellectuelle sont valorisées. Il intègre l’Université de Stockholm, où il obtient un doctorat en économie en 1927 avec une thèse intitulée « Le problème monétaire dans la politique économique ». Très tôt, il développe un intérêt pour la politique économique et la justice sociale, qui deviendront des thèmes centraux de son œuvre.
Au cours des années 1930, il devient professeur d’économie politique à l’Université de Stockholm et mène des recherches sur la politique monétaire et le cycle économique. Il est également un acteur clé de la réforme sociale en Suède, plaidant pour un État-providence moderne. En 1938, la Fondation Carnegie lui confie une étude sur la ségrégation raciale aux États-Unis, travail qui aboutira à son ouvrage majeur, An American Dilemma (1944).
Son engagement académique et politique lui permet d’occuper des postes prestigieux, notamment à la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (1947-1957). En 1974, il reçoit le prix Nobel d’économie conjointement avec Friedrich Hayek, bien que leurs visions économiques soient radicalement opposées.
Myrdal, l’économiste et ses contributions
La théorie de la causalité cumulative
Gunnar Myrdal développe la théorie de la causalité cumulative, qui conteste la vision traditionnelle selon laquelle les marchés tendent naturellement vers l’équilibre. Selon lui, les inégalités économiques et sociales se renforcent mutuellement dans un processus autoentretenu.
Un pays (ou une région) en retard de développement verra son manque d’infrastructures, d’éducation et d’investissements créer un cercle vicieux qui accentue son retard économique. À l’inverse, une région prospère attirera des capitaux et des talents, accélérant encore son développement. Ce mécanisme explique pourquoi les inégalités économiques entre pays et régions ne se réduisent pas spontanément.
Cette approche influence les politiques économiques, en particulier dans les pays en développement où des interventions publiques sont nécessaires pour briser ces cercles vicieux et favoriser une croissance équilibrée. Par exemple, Myrdal recommande des investissements massifs en éducation et infrastructures pour favoriser le rattrapage des économies moins développées. Il s’oppose ainsi aux économistes néoclassiques qui estiment que les forces du marché suffisent à assurer une répartition efficace des richesses.
L’application de cette théorie est particulièrement visible dans le cas des économies émergentes. L’industrialisation de certains pays asiatiques, comme la Corée du Sud, a été favorisée par des politiques volontaristes inspirées de ces principes, combinant protectionnisme temporaire, investissements publics et développement d’infrastructures éducatives.
An American Dilemma et l’économie de la discrimination
Dans An American Dilemma, Myrdal analyse la question raciale aux États-Unis sous un prisme économique et sociologique. Il montre comment la discrimination systémique empêche les Afro-Américains d’accéder aux mêmes opportunités économiques que les Blancs, créant ainsi un « cercle vicieux de la pauvreté raciale ».
Son étude repose sur plus de 1 500 pages de données empiriques, recueillies auprès de chercheurs, sociologues et économistes. Il démontre que les Afro-Américains ne sont pas pauvres en raison d’un manque d’effort personnel, mais parce que les institutions économiques et sociales maintiennent leur marginalisation. Il met en lumière l’impact du racisme sur le marché du travail, l’éducation et le logement.
Ce travail joue un rôle majeur dans la prise de conscience des inégalités raciales aux États-Unis et influence la décision de la Cour suprême dans l’affaire Brown v. Board of Education (1954), qui déclare la ségrégation scolaire inconstitutionnelle. Les statistiques de l’époque montrent que le revenu moyen des Afro-Américains ne représentait que 45 % de celui des Blancs dans les années 1940. Ce chiffre n’a cessé d’évoluer au fil des décennies, mais les inégalités persistent, soulignant la pertinence des analyses de Myrdal.
Développement économique et politiques publiques
Contrairement aux économistes classiques qui considèrent la croissance du PIB comme le principal indicateur du développement, Myrdal défend une approche plus large intégrant des facteurs sociaux et institutionnels.
Il critique le modèle selon lequel la libéralisation économique suffit à stimuler le développement. Pour lui, l’État doit jouer un rôle actif en investissant dans l’éducation, la santé et les infrastructures. Il propose des politiques de redistribution des richesses pour réduire les inégalités et favoriser une croissance durable.
Ses travaux influencent les stratégies de développement adoptées par plusieurs pays, notamment en Asie et en Amérique latine, dans les années 1950-1970. Il inspire également les politiques de la Banque mondiale et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
L’économie du bien-être et l’État-providence
Myrdal est un ardent défenseur de l’État-providence et contribue activement aux réformes sociales en Suède. Il considère que l’État doit garantir un niveau de vie décent à tous les citoyens pour assurer la stabilité économique et sociale.
Dans les années 1930, il participe à la conception du modèle suédois de protection sociale, qui repose sur des principes de redistribution, d’éducation universelle et de couverture santé pour tous. Il soutient que les inégalités excessives freinent la consommation et nuisent à la croissance économique.
Ses idées influencent les politiques de plusieurs pays européens, qui adoptent des systèmes similaires après la Seconde Guerre mondiale. En France, la mise en place de la Sécurité sociale en 1945 reprend certains principes qu’il défendait.
Myrdal et les politiques internationales
L’influence de Myrdal dépasse le cadre national et s’étend aux politiques internationales. En tant que secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies de 1947 à 1957, il promeut une coopération économique entre les pays européens et insiste sur l’importance des investissements d’infrastructures pour relancer la croissance après la Seconde Guerre mondiale.
Il milite pour un rôle plus actif des institutions internationales dans la réduction des inégalités entre nations riches et pauvres. Il est notamment à l’origine de nombreux débats sur la nécessité d’une aide au développement efficace pour les pays du Sud, plaidant pour un engagement financier conséquent des économies avancées.
Conclusion : un penseur visionnaire
Gunnar Myrdal est une figure majeure de l’économie du XXe siècle, à la croisée de l’analyse théorique et de l’engagement social. Il a révolutionné notre compréhension des inégalités économiques, du développement et de la discrimination raciale. Ses travaux ont laissé une empreinte durable sur la pensée économique et continuent d’inspirer les chercheurs et les décideurs politiques aujourd’hui.
En combinant économie et sciences sociales, il a contribué à une vision plus globale et plus humaine du développement économique. Son héritage demeure vivant à travers les politiques publiques modernes axées sur la réduction des inégalités et la promotion d’une croissance inclusive.