L’un des principaux sujets d’actualité des mois passés est la dette publique. Plus précisément, c’est son augmentation qui inquiète et fait parler d’elle. La dette publique correspond à l’ensemble des emprunts publics contractés par l’État, d’où l’entrée en jeu des collectivités locales. Une collectivité locale (ou territoriale) est une personne morale distincte de l’État qui dispose de certaines compétences spécifiques qui lui sont attribuées par la législation. Les départements, les communes, les régions sont toutes des collectivités locales. Les établissements publics locaux sont, quant à eux, généralement sous la tutelle d’une collectivité territoriale.
Introduction sur la dette publique
Récemment, la France a connu plusieurs situations qui ont eu pour conséquence la hausse de la dette publique. La crise sanitaire et économique liée à la Covid-19, ou encore la guerre entre l’Ukraine et la Russie qui a causé de nombreuses tensions et une inflation galopante sont des causes de l’augmentation des dépenses de l’État français.
Or, quand un État a une dette (et/ou un déficit) trop élevée, il a deux options pour régulariser la situation : augmenter ses recettes ou diminuer ses charges. Par conséquent, un dilemme se présente quant à la stratégie à suivre : faut-il aller vers une phase d’austérité ou préférer une hausse des impôts ?
L’austérité
L’austérité correspond à une gestion stricte de l’économie du pays. Elle intègre des mesures visant à restreindre la consommation.
Les avantages d’une politique d’austérité
Une telle politique pourrait avoir plusieurs avantages. Le premier étant la stabilité budgétaire. En effet, une politique d’austérité permettrait de réduire le déficit pour revenir à un équilibre budgétaire. De plus, la réduction du déficit permettrait d’améliorer la confiance que les investisseurs portent à la France. Quand on sait que le pays est l’un des plus attractifs, un regain de confiance aurait très probablement un effet très positif sur l’économie et pourrait relancer la croissance qui est tant attendue par tous. D’autre part, cette politique pourrait aussi diminuer l’inflation en agissant sur une baisse de la demande globale. Cet effet n’est pas négligeable au vu de tous les efforts mis en place pour revenir à une inflation à 2 %.
L’austérité pourrait aussi permettre l’avènement des réformes structurelles qui sont nécessaires. Parmi elles, la suppression des dépenses inefficaces ou l’amélioration de l’efficacité des services publics. Est-ce la fin de la montagne de paperasse que nous apercevons ?
Autre potentiel avantageux : la réduction à la dépendance des aides publiques. Selon certains, cela serait un encouragement à innover et à entreprendre. Un aspect intéressant quand on sait que la France avait été qualifiée « d’État-nounou » par le Times en 2020. Enfin, le dernier avantage, et pas des moindres, serait de respecter à nouveau les critères européens. Cela serait d’autant plus important que la Commission européenne s’est réunie le 26 août 2024 pour discuter de la poursuite de la France pour déficit public excessif.
Cependant, il faut rester prudent, car la fin de certaines aides sociales pourrait également signifier la précarité extrême pour plusieurs groupes de personnes. Il faut donc trouver des mesures qui poussent à l’activité, l’innovation et l’entrepreneuriat, sans pour autant projeter une ombre sur ceux qui ne peuvent suivre ce changement.
Ses inconvénients
Bien qu’elle présente des aspects intéressants, une politique d’austérité revêt aussi de nombreux inconvénients.
La contraction économique est l’un d’eux. Ici, la réduction des dépenses publiques entraînerait une baisse de la demande. Comme dit précédemment, cette politique comporte des coûts sociaux, car elle expose les plus vulnérables. La réduction, ou la dégradation, des services publics serait, à terme, coûteuse. Elle augmente donc les inégalités sociales.
D’autre part, elle peut créer des troubles politiques dans le pays, car lorsqu’un gouvernement diminue les dépenses publiques, son action peut se heurter à des groupes d’intérêts ou à d’autres partis politiques (d’opposition souvent). Cela peut mener à des protestations et à des mouvements sociaux. Les manifestations contre la réforme des retraites de l’hiver 2023 illustrent cela. Une politique d’austérité peut également augmenter le taux de chômage du pays, réduire les investissements publics dans des domaines clés en raison des coupes budgétaires.
Elle peut aussi impacter négativement la confiance des investisseurs et des entreprises et créer un ralentissement économique. L’impact sur la confiance est donc très variable dans le cas d’une politique d’austérité. Enfin, conséquence la plus funeste pour les économistes, elle peut conduire à la récession.
Les conséquences pour les entreprises
Concernant les conséquences pour les entreprises, elles sont nombreuses et négatives. Comme évoqué, l’austérité réduit la demande et a donc un impact négatif sur le résultat des entreprises. Sans oublier la réduction des aides qui peut également aggraver le bilan. L’incertitude économique peut même inciter les entreprises à remettre à plus tard, voire annuler leurs investissements et ainsi freiner la croissance à long terme.
En parallèle, les coûts de financement augmentent, car les investisseurs jouent la prudence. Enfin, les entreprises auront une pression sur leurs marges. Elles n’auront pas d’autre choix pour rester compétitives. Cet aspect défavorise grandement les TPE et PME qui, bien souvent, ne peuvent pas survivre longtemps dans de telles conditions.
Les conséquences pour les ménages
Pour les ménages non plus, la situation ne serait pas rose en cas de politique d’austérité.
Ils devraient faire face à la réduction de leur pouvoir d’achat et nombre d’entre eux contribueraient à augmenter les chiffres du chômage. La dégradation des services publics irait de pair avec l’augmentation des inégalités subies par les ménages. Les ménages seraient également contraints de réduire leur épargne et leurs investissements. Ce qui impacterait leur bien-être futur et jouerait grandement dans le ressenti de stress et d’insécurité.
Exemple d’une politique d’austérité : la Grèce
Un exemple concret de politique d’austérité est celui de la Grèce en 2010. Frappé par une situation économique dure en raison de son fort déficit, le pays a choisi d’adopter cette politique pour se relever et a augmenté ses impôts, réduit ses dépenses publiques (coupes dans les salaires et les retraites des fonctionnaires, réduction des dépenses dans les secteurs publics…).
Dans le même temps, des réformes structurelles, telles que la réforme des retraites ou celle de la flexibilité du marché du travail, ont été mises en place. À la suite de ces mesures, le pays a connu une récession, a vu son chômage augmenter, ses services publics se dégrader et, forcément, les inégalités sociales exploser.
Une politique d’austérité a donc des avantages certains, mais comporte aussi de nombreux inconvénients pour les acteurs économiques. Il faut se méfier de son utilisation, car les conséquences sur le long terme peuvent être rudes.
La hausse des impôts
Le second levier pour réduire la dette publique est l’augmentation des impôts.
Les avantages de ce choix
Cette mesure comporte plusieurs avantages. Le premier étant évidemment la réduction du déficit et donc la baisse de la dette publique. Des recettes supplémentaires permettent également de financer les services publics essentiels tels que la santé, l’éducation ou la R&D. Mais ce n’est pas tout ! De nouveaux investissements tels que des infrastructures peuvent être réalisés. Avec la hausse des impôts, la redistribution des richesses serait plus efficace. Elle permettrait de soutenir les ménages qui en ont le plus besoin.
Les inconvénients d’une hausse des impôts
Toutefois, la hausse des impôts comporte aussi des inconvénients qui ne sont pas négligeables. Parmi les ménages, certains seraient tout de même en difficulté, car ils ne pourraient pas bénéficier d’aide et devraient supporter cette hausse d’impôts. Donc, la consommation et l’investissement peuvent être largement réduits. Cela justement en raison de la baisse du revenu disponible des ménages. Les inégalités sociales sont donc accrues dans ce cas de figure.
D’autre part, un taux d’imposition élevé peut freiner l’innovation et l’entrepreneuriat. Cet effet n’est pas souhaitable quand on veut relancer l’économie. Une telle situation peut également pousser les acteurs à pratiquer l’évasion fiscale. Cela créerait alors un écart entre les recettes réelles et attendues.
Concernant l’emploi, les entreprises auraient des difficultés à embaucher. De plus, la compétitivité du pays serait impactée. Un problème qui ne peut pas être écarté car, bien que la France soit un pays extrêmement attractif, il est loin d’être suffisamment compétitif. Enfin, la hausse des impôts peut provoquer, comme l’austérité, des réactions psychologiques négatives telles qu’une sensation de stress et d’insécurité. Sans oublier les potentielles réactions sociales.
Tout cela en gardant à l’esprit que la France est déjà l’un des pays avec les impôts les plus élevés. Un seuil trop important de prélèvements obligatoires deviendrait dissuasif pour les acteurs économiques. Celui de la France étant déjà critiqué pour son niveau et au vu du montant de l’évasion fiscale annuelle se situant entre 80 et 100 milliards d’euros.
Les conséquences pour les entreprises
En situation de hausse des impôts, les conséquences sont nombreuses pour les entreprises. La possibilité d’investir diminuerait au même titre que la compétitivité. La tentative de délocaliser, pour profiter de taux d’imposition plus favorables, serait forte et représenterait une perte d’emplois et de revenus fiscaux pour la France (double peine !). Les prix risqueraient d’augmenter et les marges de baisser pour que les entreprises puissent rester compétitives les unes par rapport aux autres.
Mais il existe également des impacts positifs. À savoir, une possible amélioration des infrastructures et des services publics au service des entreprises, la stabilité économique qui entraîne un regain de confiance du côté des investisseurs. Enfin, les investissements dans les domaines clés pourraient être envisagés et les inégalités sociales drastiquement réduites.
Les conséquences pour les ménages
Concernant les ménages, leur pouvoir d’achat pourrait se réduire pour certains d’entre eux, leur consommation et leur épargne aussi. De ce fait, le stress financier de la population augmenterait. Cependant, cette conséquence est à nuancer selon les catégories de ménages. Le marché immobilier est généralement également affecté. Dans certains cas de figure, il est possible que les effets soient vertueux avec par exemple la diminution des inégalités grâce à la redistribution accrue, ou l’amélioration des services publics.
La hausse des impôts en 2012 : un exemple concret
En 2012, la France a déjà connu une hausse des impôts mise en place par François Hollande. Avec pour objectif de réduire le déficit budgétaire, le gouvernement de l’époque a augmenté la TVA et l’impôt sur le revenu. L’impôt sur les entreprises et la taxe sur les hauts revenus ont eux aussi été revus à la hausse. À la suite de cela, les recettes fiscales ont certes augmenté, mais les réactions sociales et politiques ont été fortes et ne se sont pas fait attendre. Cela a conduit à une certaine instabilité politique. La consommation et les investissements ont chuté, pour les ménages comme pour les entreprises. Ces dernières ont d’ailleurs connu des difficultés à embaucher des salariés supplémentaires, ce qui a renfloué les chiffres du chômage.
Y a-t-il d’autres potentielles solutions ?
L’austérité et la hausse des impôts sont les deux principales mesures envisagées, mais elles ne sont pas les seules solutions potentielles qui existent.
La baisse des impôts comme solution ?
Une baisse des impôts est-elle possible à l’heure actuelle en France ? Il s’agirait d’un coup de poker de la part des institutions. Pour baisser les impôts, le gouvernement serait contraint de faire des coupes record dans son budget. Malgré le fait que le gouvernement Barnier ne semble pas vouloir diminuer drastiquement les impôts, il a tout de même prévu une coupe de 30 milliards d’euros pour 2025 en raison d’un déficit plus important que prévu.
D’autres coupes dans le budget des services publics ne semblent pas être souhaitables, car ces derniers ne sont pas au meilleur de leur forme. Des coupes supplémentaires pourraient aller jusqu’à les rendre défaillants et dissuader les gens de les utiliser lorsqu’une alternative existe (le secteur privé).
L’utilisation de l’épargne des Français
Cette solution est très impopulaire : qui souhaite donner de son épargne pour rembourser la dette publique ? C’est peut-être pour ça qu’elle n’a pas été sérieusement proposée par nos élus. Cependant, c’est ce qui est fait quotidiennement avec les fonds placés sur nos livrets A. Ces fonds sont gérés par la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), qui les utilise pour financer des projets d’intérêt général.
Ainsi, permettre aux Français d’épargner plus serait bénéfique à la situation, bien que jugé non souhaitable par une grande partie de la population. En effet, la CDC contribue à réduire la dette publique en diminuant le besoin de l’État de recourir à l’emprunt : elle contribue indirectement. Le livret de développement social et solidaire remplit les mêmes fonctions que le livret A en la matière.
D’autres types d’épargne peuvent être utilisés avec le même procédé tels que le PEA, les emprunts obligataires ou le fonds de réserve pour les retraites créé en 1999.
Pourquoi ne pas envisager la révision des normes européennes ?
Une solution qui n’est jamais citée, parce que très compliquée à envisager, est celle qui consiste à modifier les normes européennes. En effet, les différentes crises responsables de l’augmentation de la dette française n’ont pas impacté qu’un seul pays. Oui, tous les pays européens sont dans la même situation, à différents degrés. Le traité de Maastricht, signé en 1992, comporte plusieurs normes. La première à nous intéresser est l’interdiction d’avoir un déficit annuel supérieur à 3 % du PIB. La seconde est celle qui interdit une dette publique supérieure à 60 % du PIB. Mais serait-il vraiment bénéfique d’augmenter ces plafonds ? Lors de la crise de la Covid-19, ces normes avaient été assouplies pour permettre aux États de faire face à une situation exceptionnelle.
Peut-être aurait-il fallu les réinstaurer par paliers pour que ces mêmes pays soient aptes à appliquer ces normes ? Cependant, il ne semble pas judicieux de revoir le traité de Maastricht, car sa révision créerait de l’instabilité, ce qui est l’inverse des besoins actuels.
En conclusion
En résumé, aucune solution n’est idéale, comme bien souvent en économie. Il est donc important d’analyser la situation en profondeur avant d’en choisir une, car les choix d’aujourd’hui sont les problèmes de demain et d’après-demain.