La souveraineté économique est un sujet brûlant de l’actualité, ces derniers temps. C’est également une notion clé à comprendre et à utiliser dans les dissertations en économie.
Les définitions essentielles
La souveraineté économique est un système économique qui bénéficie d’un contrôle sur ses approvisionnements principaux. Cette notion est à différencier de l’autarcie qui, elle, correspond à une situation où un pays tend volontairement à se suffire à lui-même.
Lorsque l’on parle de souveraineté, il est également nécessaire de définir la notion de libre-échange. Ces deux concepts sont bien souvent largement entremêlés. Le libre-échange est une doctrine qui défend l’ouverture au commerce mondial et la suppression des barrières. La notion de libre-échange est elle-même grandement liée à celle de mondialisation.
Dans le cadre de la souveraineté économique, les principes de libre-échange et de protectionnisme entrent souvent en conflit, selon les différents points de vue des pays et/ou des économistes.
Le protectionnisme, pour sa part, consiste en la mise en place de droits de douane, de quotas d’importation ou encore de normes spécifiques pour diminuer les importations, dans le but de favoriser l’économie et la production nationale (de les protéger).
Les différents types de souveraineté
Premièrement, la souveraineté libérale, c’est lorsqu’un pays économiquement souverain est riche. On associe à cela :
- une valeur ajoutée au niveau national élevée ;
- une forte spécialisation ;
- une dépendance réciproque entre pays partenaires commerciaux.
Ensuite, la souveraineté de guerre commerciale, qui correspond à un retour fort du protectionnisme. Ce modèle est caractérisé par de fortes taxes ainsi que des restrictions à l’importation.
La souveraineté régulatoire signifie que les pays partenaires établissent des règles entre eux afin de régir leurs échanges. Ce modèle est souvent associé à une certaine lourdeur administrative.
La souveraineté de rattrapage est la diminution volontaire des pays quant à leur dépendance vis-à-vis des produits technologiques stratégiques de leurs partenaires. Ce modèle peut donc amener un risque de retard technologique pour les pays qui l’adoptent.
Vient ensuite la souveraineté de leadership, qui consiste à miser sur des technologies de rupture, des nouveautés sur le marché.
Enfin, la souveraineté technologique, dont l’objectif est d’appeler des investissements massifs afin de maîtriser les chaînes technologiques entières.
Les enjeux contemporains de la souveraineté
La souveraineté étant un sujet d’actualité majeur, elle relève également plusieurs défis.
Les potentielles vulnérabilités révélées
La pandémie liée à la Covid-19, d’une part, et la guerre en Ukraine, d’autre part, ont mis en lumière les importantes dépendances des nations les unes envers les autres, notamment en matière de fournitures médicales et énergétiques (comme l’ont souligné les différentes pénuries alimentaires au début du conflit et la hausse des coûts d’énergie).
Ces événements ont permis de prendre conscience de la nécessité pour les pays de renforcer leur autonomie dans des secteurs stratégiques, notamment alimentaires et énergétiques.
Les tensions géopolitiques et la redéfinition des chaînes de valeur
Les tensions entre grandes puissances, comme la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine (ou plus récemment entre les États-Unis et l’Europe), ont conduit les entreprises à repenser leurs chaînes d’approvisionnement pour réduire les risques liés aux dépendances excessives.
D’autres enjeux de souveraineté peuvent également être pointés du doigt, à savoir la souveraineté énergétique, alimentaire, technologique, financière, culturelle, ou des chaînes d’approvisionnement.
Ces multiples enjeux montrent la large portée du sujet de la souveraineté, plus actuel que jamais.
Les débats autour de la souveraineté économique
Cependant, plusieurs débats quant à la souveraineté existent. Ces théories et ces exemples peuvent être utilisés pour nuancer des propos dans une dissertation.
Le triangle d’incompatibilité de Rodrik
Ce concept souligne l’impossibilité de concilier simultanément démocratie, souveraineté nationale et intégration économique profonde. Dans ce cas, les nations doivent faire des choix stratégiques en fonction de leurs priorités.
La théorie de la souveraineté nationale de Charles de Gaulle
Il affirme que la souveraineté d’un pays passe nécessairement par sa capacité à contrôler ses politiques économiques, monétaires et diplomatiques. Il a insisté sur la nécessité de maintenir une politique économique indépendante pour assurer la stabilité nationale, en particulier par rapport aux pressions extérieures (comme l’influence des États-Unis ou de l’URSS).
Parmi ces prises de position fortes, on notera l’acquisition de la bombe atomique pour la France, lui permettant ainsi de ne pas dépendre du protectorat des États-Unis et de s’élever au rang de puissance mondiale. Aujourd’hui encore, ce choix stratégique profite à la France.
La théorie de l’intégration régionale de Jeffry A. Frieden
Il y explique que l’intégration régionale peut renforcer la souveraineté économique de ses membres, notamment en leur permettant de mieux résister aux pressions économiques externes, tout en prenant des décisions communes dans des domaines stratégiques, comme le commerce, la finance ou les normes environnementales.
Autre axe de débat, le rôle des multinationales. La puissance croissante des multinationales peut parfois (souvent ?) rivaliser avec celle des États, posant ainsi des questions sur la capacité des nations à maintenir leur souveraineté économique face à des entreprises globales. Parmi les entreprises tentaculaires, on peut citer les GAFAM, avec Google et Meta en tête, ou encore certains fonds d’investissement bien connus.
Des exemples de souveraineté
États-Unis
En février 2025, le président Donald Trump a annoncé l’instauration de droits de douane de 25 % sur les importations en provenance du Canada et du Mexique, et de 10 % supplémentaires sur celles venant de Chine. Ces mesures visent à protéger les industries américaines et à réduire la dépendance économique envers ces nations. Depuis, l’Europe est également concernée par ces potentielles augmentations des droits de douane (à hauteur de 20 %, soit le montant de la TVA). La Chine a d’ailleurs répliqué début mars 2025 en élevant également les droits de douane pour les produits américains.
Suite aux récentes tensions avec les États-Unis, plusieurs pays européens ont exprimé l’importance, selon leur point de vue, d’augmenter les dépenses militaires au niveau européen. Ces demandes ont donné naissance au « rearm Europe » annoncé par Ursula von der Leyen. Il s’agit d’un plan de 800 milliards d’euros injectés dans la défense européenne. Parallèlement à cette mesure en devenir, certains pays, dont la France, le Danemark et la Pologne, ont augmenté le budget alloué à l’armée.
Nigeria
Le 18 janvier 2025, le Nigeria est devenu le neuvième partenaire des BRICS+, rejoignant des pays comme la Biélorussie, la Bolivie et la Malaisie. Cette expansion vise à renforcer la coopération économique entre les nations émergentes et à accroître leur influence sur la scène mondiale, contribuant ainsi à leur souveraineté économique.
Entre autres mesures, les BRICS+ envisagent de créer leur propre monnaie afin de sortir de l’hégémonie du dollar. Au vu du poids économique cumulé de ces pays, cette annonce avait fait couler beaucoup d’encre lors de sa sortie en 2023. Toutefois, l’entrée en guerre de la Russie ralentit quelque peu les projets de ce type.
Japon
Le Japon a opté pour une stratégie de souveraineté économique en investissant massivement dans des secteurs clés, comme les semi-conducteurs, la robotique et l’IA, dans le but de renforcer son indépendance technologique tout en réduisant sa dépendance aux importations.
Le pays a également mis l’accent sur la souveraineté énergétique avec des projets dans les énergies renouvelables et l’hydrogène, tout en explorant des solutions numériques, comme le yen numérique, pour assurer sa souveraineté monétaire. En matière de défense, le Japon renforce ses capacités et consolide ses partenariats en Asie pour contrer l’influence croissante de la Chine.
Cette stratégie lui permet de rester compétitif tout en préservant son autonomie dans un contexte de mondialisation et de tensions géopolitiques. Elle a permis l’émergence de géants, tels que Samsung et, aujourd’hui encore, bénéficie au pays qui possède la confiance de ses citoyens (une affirmation que l’on peut prouver en notant qu’en 2025, environ 90 % de la dette japonaise est détenue par la Banque centrale japonaise et les Japonais eux-mêmes).
Quelques citations intéressantes pour les dissertations
« La France doit pouvoir se gouverner elle-même, en décidant de ses choix économiques, sans interférence d’autres puissances. » (Charles de Gaulle)
« La dépendance du pays du tiers-monde, loin d’être un choix volontaire, est le résultat d’une structure de marché mondial qui favorise les puissances économiques. » (Raul Prebisch)
« La souveraineté véritable réside dans la liberté des individus à choisir leur développement, et dans leur capacité à réaliser leurs aspirations. » (Amartya Sen)
Selon Erwann Tison, la meilleure souveraineté industrielle se construit sur la diversification et l’ouverture commerciale.
Pour Louis Le Fur, défendant une vision assez différente, le libre-échange prive les États de leur souveraineté.