éléphant

Voici la deuxième et dernière partie d’un article sur la courbe de l’éléphant que tu trouveras juste ici, n’hésite pas à le consulter si ce n’est pas déjà fait ! Tu pourras ainsi illustrer l’impact de la mondialisation sur la répartition mondiale des revenus dans tes copies. Bonne lecture !

La courbe de l’éléphant existe-t-elle encore ?

Si la courbe de l’éléphant a été mondialement reconnue comme un parfait témoin des inégalités sociales causées par la mondialisation, elle n’en a pas moins été critiquée par une partie du monde académique.

Un nouveau paradigme économique a émergé depuis la crise de 2008. La crise sanitaire, couplée à l’inflation galopante due au contexte géopolitique, pose des questions sur l’actualité des travaux de Milanovic. Dans cette perspective, la courbe de l’éléphant est-elle devenue obsolète ?

1980-2016 : le renouveau de la courbe de l’éléphant

Présentation de l’extension de la courbe de l’éléphant

En 2018, cinq économistes, Alvaredo, Chancel, Piketty, Saez et Zucman, publiaient une actualisation de la courbe de l’éléphant. Dans un article intitulé « La courbe de l’éléphant : de l’inégalité et de la croissance mondiale », les économistes étendent la période d’étude de la courbe.

Si cette courbe diffère, c’est en premier lieu parce que les auteurs se sont basés sur les données mondiales des inégalités, et non sur des enquêtes auprès des ménages. Se basant sur les chiffres de la période 1980-2016, ils observent que la nouvelle courbe de l’éléphant s’étire par la droite.

Inégalités mondiales et croissance : la courbe de l'éléphant, Alvaredo et al. - 2018
Inégalités mondiales et croissance : la courbe de l’éléphant, Alvaredo et al. – 2018

Notre analyse de la courbe

On observe sur cette nouvelle courbe que les personnes situées entre les 50 % et les 95 % les plus riches ont vu leur revenu évoluer de manière quasi similaire. Si leur revenu n’a pas baissé, il a néanmoins augmenté moins vite que la moyenne mondiale.

On constate également que, sur cette nouvelle courbe, les 50 % les plus pauvres ont capté 12 % de la croissance des revenus entre 1980 et 2016. En outre, on observe que les 10 % les plus pauvres ont vu leur revenu augmenter de 75 %, ce qui marque un recul de la pauvreté.

Cependant, cette courbe nous démontre également que si les pauvres sont bien moins pauvres sur cette période plus étendue, l’écart avec les plus riches s’est néanmoins creusé. Les plus riches des pays émergents (situés au troisième décile sur l’axe des abscisses) connaissent ainsi une augmentation de plus de 120 % de leur revenu.

Au 7e décile du graphique résident les personnes les plus pauvres des pays riches. Elles n’ont connu qu’une très faible augmentation de leur revenu (presque 1 % par an pendant 36 ans). Leur place de « perdant » de la mondialisation est donc confirmée par cette actualisation. Ces personnes subissent en effet de plein fouet la concurrence étrangère et les changements structurels sur le marché du travail.

Les 1 % des plus riches ont capté près de 27 % de la croissance des revenus entre 1980 et 2016, soit plus du double des 50 % les plus pauvres.

Cette nouvelle courbe de l’éléphant traduit donc une certaine polarisation de la société. La classe moyenne rétrécit au profit d’une double expansion des inégalités, par le haut et par le bas.

2008-2018 : la mort de l’éléphant

Sur la période 2008-2018, Branko Milanovic lui-même constate la fin de la courbe de l’éléphant.

En effet, dans un document intitulé The Three Eras of Global Inequality, 1820-2020 with the Focus on the Past Thirty Years, l’économiste constate que la courbe de l’éléphant n’est plus d’actualité. On s’en rend bien compte avec le graphique suivant :

Courbe de l'éléphant : 1988-2008 vs 2008-2018, Milanovic, 2022
Courbe de l’éléphant : 1988-2008 vs 2008-2018, B. Milanovic, 2022

D’après l’auteur, les personnes plus pauvres ont connu une accélération de leur revenu depuis 2008 (voir courbe orange). Cela semble dû au fait que les Chinois ont largement évolué dans le classement de l’échelle des revenus, avec des augmentations moyennes de plus de 10 %. D’autres populations ont ainsi été reléguées aux derniers déciles, notamment les pays d’Asie orientale (Inde, Pakistan, etc.), qui disposaient de revenus plus élevés quelques dizaines d’années plus tôt.

En outre, si le revenu du top 1 % n’a pas augmenté, il a néanmoins connu une croissance plus lente après la crise financière.

Parallèlement, la classe moyenne des pays les plus riches a conservé sa place au sein du classement des revenus. Les 5 % les plus riches quant à eux semblent être restés les mêmes. Ils venaient à 87 % d’Europe de l’Ouest, d’Amérique du Nord, d’Océanie ou encore du Japon (il s’agit de la Triade), contre plus de 78 % en 2018.

Quoi qu’il en soit, les inégalités semblent se rétracter, notamment en raison de la hausse du niveau de vie des Asiatiques. En revanche, comme le souligne Milanovic, il devient nécessaire que le niveau de vie suive la même tendance au sein du sous-continent indien et en Afrique.

Cependant, dans un contexte inflationniste d’économie post-Covid, il semble que la lutte contre les inégalités économiques ait été bien freinée. Dans cette perspective, comment penser l’après ?

 

Quel avenir pour la courbe de l’éléphant ?

Le rapport sur les inégalités mondiales de 2018, sur lequel figure la nouvelle courbe de l’éléphant, prévoit certaines prospectives. En effet, la dernière partie du rapport s’intéresse au futur des inégalités mondiales jusque 2050 et aux solutions que nous pouvons mettre en œuvre afin de les contenir.

Les auteurs imaginent deux grands scénarios. Le premier envisage que les tendances actuelles se poursuivent à l’avenir, tout en incluant des perspectives de croissance économique optimistes en faveur des pays émergents. Dans ce premier cas de figure, les inégalités continueront de se creuser et la courbe de l’éléphant en témoignera.

Le second scénario prévoit que tous les pays s’alignent sur des tendances d’inégalités proches de celles qui existent en Europe. Dans ce cas, les inégalités mondiales pourraient largement diminuer. Dès lors, pour atteindre un tel résultat, le rapport prévoit une série de mesures à adopter rapidement :

  • d’une part, le rapport propose une modification notable des politiques fiscales nationales et mondiales, visant à établir davantage de progressivité. Les auteurs envisagent la création d’un registre mondial des titres financiers dédié à la lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent ;
  • d’autre part, les auteurs du rapport proposent également d’améliorer les politiques éducatives et les politiques d’accès à l’emploi. Ce changement sur le marché du travail aurait pour conséquence l’instauration d’une réelle égalité des chances, le capital humain étant un déterminant de la croissance économique ;
  • enfin, le rapport propose une hausse globale de l’investissement étatique dans l’éducation, la santé et dans la préservation de l’environnement. Cela aurait pour conséquence une véritable prévention des inégalités économiques.

Conclusion

Pour conclure, la courbe de l’éléphant a bel et bien existé entre 1988 et 2008. Celle-ci traduisait l’existence d’inégalités par le fait que :

  • les populations mondiales les plus pauvres n’ont presque pas tiré profit de la mondialisation ;
  • la classe moyenne mondiale connaissait une croissance de ses revenus (notamment en raison de la croissance rapide de la Chine et de l’Inde) ;
  • la classe moyenne supérieure mondiale n’a connu que très peu de croissance des salaires ;
  • le top 1 % des plus riches ont connu une forte augmentation des revenus.

Cependant, si les études récentes ne témoignent pas de la disparition des inégalités, on observe tout de même une certaine évolution. Celle-ci semble causée par le nouveau paradigme économique, notamment instauré après la crise des subprimes. Si la mondialisation a bien permis un certain recul de la pauvreté, les inégalités de revenus entre les plus pauvres et les plus riches se sont fortement creusées.

Le défi pour demain reste immense. Il nécessitera la mise en place de politiques publiques de lutte contre la pauvreté particulièrement efficaces, ainsi qu’une coordination au niveau mondial.

C’est la fin de notre article sur l’actualité de la courbe de l’éléphant ! Nous espérons qu’il t’aura permis d’affiner ton analyse de la situation inégalitaire mondiale et d’appréhender sereinement ce sujet aussi complexe que primordial aux concours.

N’hésite pas à consulter les articles d’économie des prépas ECG ainsi que ceux du pôle littéraire ! Nous te proposerons d’ailleurs toute cette année des articles en lien avec les prépas ENS D1 et D2, alors reste connecté·e !