Depuis les accords de Jamaïque de 1976, qui marquent le passage au change flottant, et la désindexation du dollar sur l’or, le dollar est devenu hégémonique de manière complètement unilatérale. Dans le sens où l’offre de dollar ne dépend que de la politique intérieure du pays émetteur, alors que la demande de dollar est une demande mondiale de la part des acteurs du commerce international, qui cherchent à avoir une liquidité permettant la fluidité des échanges.
Une hégémonie bénéfique ?
Cette hégémonie peut fonctionner dès lors que celle-ci est bénéfique pour les pays subordonnés. Néanmoins, si le pays émetteur met en place une politique contradictoire, avec les besoins de fluidité des échanges internationaux, il risque d’y avoir une fluctuation entre la devise du pays émetteur et les autres devises. Cette fluctuation serait catastrophique pour les pays émergents empruntant en dollars dans le but d’importer des biens essentiels pour eux.
Cette situation a déjà eu lieu lors de la crise de 2015, puis lors de la pandémie de la Covid. Cette politique contradictoire peut, in fine, mener à une fragmentation du monde et à une inégalité croissante entre les pays dépendants d’une devise autre que la leur et les autres.
Le déclin du pouvoir du dollar
Le pouvoir du dollar est aujourd’hui en déclin relatif dans l’économie mondiale et le commerce mondial, et ce, pour plusieurs raisons.
Le rôle émergent des BRICS
Tout d’abord, les nouvelles puissances, notamment la Chine et plus largement les BRICS+, souhaitent diminuer le rôle du dollar dans l’ordre monétaire international en réduisant la part du dollar dans les réserves internationales. Pour ce faire, les BRICS+ cherchent à développer leur propre monnaie et échangent entre eux en utilisant d’autres monnaies que le dollar, notamment le renminbi ou le rouble.
Si la monnaie commune lancée par les BRICS+ est rapidement adoptée, elle pourrait devenir l’une des devises les plus utilisées dans le monde, les BRICS+ représentant un poids démographique et économique majeur, avec près de la moitié de la population mondiale (46 %, contre 41 % pour les BRICS), contre un peu moins de 10 % pour les pays G7 (États-Unis, Canada, Japon, Royaume-Uni, Allemagne, France et Italie).
De plus, l’influence du dollar est d’autant plus remise en question que le développement des monnaies digitales de banques centrales se multiplie. La Chine a été la première à lancer sa monnaie de banque centrale digitale, mais l’Europe a décidé, dès 2021, de préparer un E-euro pour unifier complètement le système monétaire européen et intégrer les pays européens les uns vis-à-vis des autres. Selon les mots de la BCE, un euro numérique serait une « forme numérique d’espèces, émise par la Banque centrale et accessible à tous dans la zone euro ». Son développement en est encore à la phase préparatoire, qui a débuté en novembre 2023, et qui se concentre sur la poursuite des préparatifs en vue de la création éventuelle de cet euro numérique.
Le développement multilatéral de différentes monnaies
Le développement multilatéral des différentes monnaies par des banques centrales numériques a conduit Michel Aglietta, économiste, conseiller scientifique au CEPII et professeur émérite à l’université Paris Nanterre, à se poser la question de fond suivante : comment pourrait-on fabriquer un système monétaire international, dès lors que les différentes monnaies nationales auront la forme de codes digitaux incompatibles entre eux ?
Créer une compatibilité entre ces monnaies
La solution qu’il apporte serait de créer une compatibilité entre ces monnaies afin de créer une sorte de monnaie synthétique de Banque centrale comme étant la mise ensemble de ces monnaies digitales nationales. Il existe néanmoins un problème sous-jacent, étant une difficulté politique de coordination.
Michel Aglietta remet aussi en cause le principe de la devise clé. Selon lui, la création d’un système multilatéral de coopération institutionnalisé de l’ensemble des monnaies digitales de Banque centrale n’est pas suffisante et il serait nécessaire de passer à un niveau supérieur en définissant une forme de liquidité ultime et d’imputer au FMI un rôle de prêteur en dernier ressort international. Cette solution serait néanmoins aussi très compliquée à mettre en place, car elle suppose une très importante coopération politique.
Les droits de tirage spéciaux (DTS)
Une autre solution qu’il avance serait d’émettre des DTS, des formes de liquidité, créés complètement ex-nihilo et qui ne sont donc la contrepartie de la dette d’aucun pays ni même du dollar. Plus précisément, les droits de tirage spéciaux sont un instrument monétaire international créé par le FMI en 1969 pour compléter les réserves officielles existantes des pays membres.
Un des avantages du DTS est qu’il est beaucoup moins vulnérable à la variation de la devise dominante par rapport aux autres devises. L’émission de DTS digital permettrait d’éliminer la barrière de taux zéro en introduisant des taux d’intérêt négatifs dans des phases de récession. Ce qui faciliterait la mise en place de politique monétaire mondiale contracyclique par rapport à l’économie mondiale.
Michel Aglietta souhaiterait faire avancer le DTS comme liquidité à travers des décisions prises par le FMI sous l’assentiment politique du G20, afin qu’il reste un système monétaire unifié. Cette solution permettrait aussi de favoriser les pays en développement qui n’ont d’autre forme de monnaie que du DTS en leur mettant le DTS à disposition via des fonds contenant du DTS.
Pour mener à bien ce projet, il est nécessaire que le DTS soit émis de la même façon qu’une monnaie nationale. C’est-à-dire en fonction des besoins macroéconomiques. Enfin, le FMI doit être le prêteur international en dernier ressort, afin de garantir le bon fonctionnement de ce nouveau système.
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