Les inégalités sont une thématique impossible à négliger du programme d’ESH, qui peut se retrouver tant en première année qu’en deuxième année. Dans cet article, on fait une liste de références sur ce thème. Il est important de noter que cette liste est non exhaustive et ne traitera pas que d’auteurs classiques.
Simon Kuznets, Economic Growth and Income Inequality (1955)
Dans cet ouvrage, l’auteur propose une hypothèse sur la relation entre croissance économique et inégalités de revenus. En effet, selon lui, l’évolution des inégalités suit une courbe en forme de U inversé par rapport à la croissance économique : on parle alors de courbe de Kuznets.
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Dans une première phase de la croissance, les inégalités augmentent. Causes : l’industrialisation et l’urbanisation, qui bénéficient initialement à une minorité privilégiée.
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Une fois qu’un pays atteint un niveau de développement avancé, les inégalités tendent à diminuer. Causes : démocratisation de l’accès à l’éducation, redistribution plus équitable des richesses et réformes institutionnelles.
Toutefois, des critiques aujourd’hui soulignent que cette analyse délaisse de nombreux facteurs qui viennent biaiser cette relation, tels que la mondialisation, la globalisation financière et l’automatisation.
Sherwin Rosen : The Economics of Superstars (1981)
L’auteur étudie la concentration disproportionnée des revenus parmi une élite, très commune dans toutes les sociétés. Celui-ci montre comment les évolutions technologiques et les structures de marché favorisent la création de « superstars », des individus ou des entreprises dont les revenus dépassent largement ceux de leurs pairs.
En effet, Rosen explique que, dans des industries où la performance individuelle a une grande visibilité et où les coûts de reproduction sont faibles (comme le divertissement, le sport ou les services en ligne), une faible différence de talent peut se traduire par des écarts massifs de revenus. Ce phénomène exacerbe alors les inégalités : les superstars captent une part disproportionnée des revenus, tandis que la majorité des travailleurs dans ces secteurs reste cantonnée à des rémunérations modestes. Cette dynamique est renforcée par l’effet winner-takes-all, caractéristique des marchés actuels.
Robert Gordon : Is US Economic Growth Over? (2012)
Dans cet ouvrage, Robert Gordon questionne la durabilité de la croissance économique américaine à travers des « vents contraires » qui pèsent sur l’économie. Parmi ceux-ci, on retrouve notamment les inégalités croissantes.
En effet, l’auteur souligne que la croissance passée a souvent été impulsée par des innovations majeures (électricité, automobile, informatique), mais que les avancées récentes, bien que marquantes, n’ont pas eu le même impact transformateur sur la productivité globale. Ainsi, les inégalités se creusent davantage et les gains économiques se concentrent parmi les travailleurs qualifiés et les détenteurs de capital.
De plus, cette polarisation s’accompagne d’un affaiblissement de la mobilité sociale, et ce, encore plus aux États-Unis, où les barrières à l’éducation et à l’accès aux opportunités exacerbent les disparités. Selon Gordon, un ralentissement prolongé de la croissance risque d’aggraver ces inégalités structurelles.
Torben Iversen et Anne Wren : Equality, Employment and Budgetary Restraint (1998)
Les auteurs analysent les difficultés pour concilier égalité, emploi et discipline budgétaire à l’aide de leur « trilemme de l’économie de service », selon lequel il est impossible de maximiser simultanément ces trois objectifs dans une économie post-industrielle.
En effet, les inégalités sont étroitement liées à ce trilemme. Dans les pays qui privilégient l’égalité par des systèmes de redistribution généreux (comme les pays scandinaves), l’emploi dans les services marchands est souvent limité par des coûts salariaux élevés, ce qui freine la création d’emplois peu qualifiés. À l’opposé, les pays qui adoptent une dérégulation des marchés pour stimuler l’emploi (comme les États-Unis) tolèrent davantage d’inégalités salariales, exacerbant les écarts entre les travailleurs qualifiés et non qualifiés.
Les contraintes budgétaires aggravent ce dilemme : maintenir des politiques sociales coûteuses tout en respectant des objectifs budgétaires stricts devient de plus en plus difficile, surtout face au vieillissement de la population et à la hausse des dépenses publiques.
Olivier Godechot : Hold-up en finance (2006)
L’auteur explore comment le secteur financier contribue à l’amplification des inégalités économiques à l’aide du phénomène d’« hold-up », où les acteurs de la finance captent une part disproportionnée des richesses créées, au détriment des autres travailleurs et de l’économie réelle.
Godechot analyse la structure de rémunération dans la finance, dominée par des bonus massifs incitant les individus à maximiser les gains à court terme, souvent au prix de risques considérables pour les entreprises et la société. Ces pratiques ne reposent pas seulement sur la productivité individuelle, mais sur une captation du capital collectif des institutions. Ce mécanisme, qu’il qualifie d’« hold-up », repose sur la position stratégique de ces acteurs, qui négocient des rémunérations excessives en s’appuyant sur leur contrôle partiel des ressources financières.
Cette dynamique exacerbe donc les inégalités, puisque les élites touchent des revenus faramineux contrairement aux autres salaires qui stagnent, voire diminuent.
Oded Galor et Joseph Ziera : Income Distribution and Macroeconomics (1993)
Ce livre développe une analyse sur le rôle des inégalités dans la croissance économique à long terme. Les auteurs montrent que la répartition des revenus influence directement les trajectoires économiques nationales, notamment à travers l’investissement en capital humain.
Dans un contexte où les ménages doivent financer eux-mêmes l’éducation de leurs enfants, les inégalités initiales limitent l’accès des individus issus de milieux défavorisés à une éducation de qualité. Cela entraîne un sous-investissement en capital humain, réduisant ainsi le potentiel de croissance économique globale.
Il y a alors un cercle vicieux, où les pays avec de fortes inégalités initiales tendent à rester bloqués dans des trajectoires de faible croissance, car les opportunités économiques restent concentrées entre les mains des classes aisées.
Xavier Sala-i-Martin : Global inequality fades as the global economy grows (2007)
L’auteur explore la dynamique des inégalités mondiales face à l’expansion de l’économie globale.
Il montre que la réduction de la pauvreté extrême au cours des décennies précédentes et la croissance économique rapide de pays comme la Chine et l’Inde ont été un moteur clé de cette convergence globale. En effet, des millions de personnes dans les pays en développement ont vu leurs revenus augmenter grâce à l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales et à des réformes économiques libérales.
Cependant, l’auteur souligne que les inégalités au sein des pays, en particulier dans les économies avancées, continuent de croître. Cela reflète des tendances telles que la concentration des richesses dans les mains d’une élite économique et l’automatisation qui affecte les emplois peu qualifiés.
Anthony Atkinson : Inequality: What can be done? (2015)
Anthony Atkinson propose une analyse approfondie des inégalités économiques et sociales tout en avançant des solutions concrètes pour les réduire. Il souligne que les inégalités ne sont pas une fatalité économique, mais le résultat de choix politiques et institutionnels. Il analyse la montée des écarts de revenus et de patrimoines, notamment dans les pays développés, où les bénéfices de la croissance ont été inégalement répartis depuis les années 1980. Les avancées technologiques et la financiarisation de l’économie ont accru les revenus des élites, laissant la classe moyenne et les moins aisés à la traîne.
L’auteur propose une série de mesures pour inverser cette tendance : une fiscalité plus progressive, une garantie d’emploi pour les chômeurs, un revenu de base pour tous et une meilleure régulation des marchés financiers. Pour Atkinson, la lutte contre les inégalités est non seulement moralement justifiée, mais aussi essentielle pour assurer la stabilité économique et sociale.
Arthur Okun : Equality and Efficiency: The Big Trade-Off (1975)
Dans cet ouvrage, l’auteur explore la tension fondamentale entre l’efficacité économique et l’égalité sociale. Il illustre son idée centrale à travers l’image de la « leaky bucket ». En effet, lorsque les gouvernements redistribuent les richesses pour réduire les inégalités, une partie des ressources est perdue en raison des inefficacités créées : désincitations au travail, coûts administratifs ou distorsions des marchés.
L’auteur met en garde contre une redistribution excessive, qui pourrait décourager l’innovation et la productivité. Il défend néanmoins l’idée que des inégalités extrêmes sont moralement inacceptables, en fragilisant la cohésion sociale et en alimentant des tensions politiques. Okun plaide donc pour un équilibre délicat : des politiques publiques qui réduisent les inégalités tout en préservant les incitations économiques.
Antoine Bozio et Julien Grenet : Économie des politiques publiques (2010)
Les auteurs analysent les mécanismes des politiques publiques et leur impact sur les inégalités économiques et sociales. Ils démontrent que, bien que les politiques publiques cherchent souvent à réduire les inégalités, elles peuvent parfois avoir des effets contraires. Par exemple, une redistribution mal conçue peut avoir des effets pervers, tels que la réduction des incitations à travailler ou à investir, ce qui peut freiner la croissance économique et exacerber certaines inégalités.
Bozio et Grenet examinent également l’impact de la fiscalité, en montrant que les impôts progressifs sont un outil central pour réduire les inégalités, mais qu’il y a tout de même un risque qu’ils pénalisent les comportements productifs. Ils abordent aussi la question des transferts sociaux et des systèmes de protection sociale, en soulignant qu’un équilibre doit être trouvé entre l’efficacité de ces politiques et leur coût pour les finances publiques.
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