Contrairement à ce que l’on pourrait penser, avoir 20/20 en ESH aux concours est loin d’être impossible, en témoigne la copie que l’on va analyser dans cet article. Certes, cela demande une rigueur structurelle et conceptuelle, mais il n’y a nullement besoin de réaliser une copie « parfaite ». Le sujet ESCP/Skema de 2022 était : « Comment les révolutions technologiques influent-elles sur la croissance économique ? » Ce sujet, bien que classique, cachait toutefois certains pièges qu’il fallait identifier.
Le lien vers la copie
La forme de la copie
La copie, de huit pages, est composée de trois parties, elles-mêmes sous-découpées en deux sous-parties. Cette structure est tout à fait acceptable et appréciée aux concours. En effet, elle permet d’englober l’ensemble du sujet sans être trop superficiel (un potentiel problème pour les étudiants voulant absolument intégrer trois sous-parties). La copie est par ailleurs assez aérée, point très important pour un correcteur. Rappelle-toi que le premier coup d’œil compte beaucoup.
Au sein de ces sous-parties, chaque paragraphe représente une idée précise, permettant de faciliter la lecture pour le correcteur. Les paragraphes fourmillent de données et d’auteurs, donnant de la consistance à l’argumentation et pouvant compenser un plan parfois fragile. Mais cela ne fait pas tout ! Il faut éviter les énumérations d’auteurs si cela n’est pas nécessaire.
Enfin, la copie comporte aussi des paragraphes de transition, absolument nécessaires pour assurer la fluidité du raisonnement. Ils n’ont pas besoin d’être très longs, cinq à dix lignes suffisent, mais ils doivent simplement être là.
L’introduction
L’introduction est elle aussi découpée en plusieurs parties. Le premier paragraphe est bien évidemment l’accroche, qui peut revêtir différentes formes : citation récente d’un économiste, un fait marquant, ou des données récentes… Ici, des données récentes ont été choisies, permettant de soulever des questions sur la croissance.
Ensuite, un paradoxe a été apporté par rapport à la situation actuelle, l’étudiant ayant mentionné la révolution du télétravail. Bien d’autres introductions auraient pu être faites, mais il est toujours important de mentionner l’actualité du sujet posé. En effet, les sujets ne sont jamais choisis au hasard.
Puis, les définitions ont été posées et une approche historique a été donnée. Il est important d’ajouter cette approche historique dans le sujet. Cela permet de compléter l’introduction et d’encadrer le cadre temporel du sujet.
Enfin, la problématique a clairement été indiquée dans un paragraphe particulier et le plan a été annoncé. L’annonce est faite en une seule phrase, permettant de souligner la cohérence et la fluidité du raisonnement.
On pourra noter que l’introduction est assez courte (peut-être trop courte). Il aurait été davantage apprécié d’ajouter plus de détails dans l’introduction afin d’accroître la cohérence de l’enchaînement des idées (en une demi-page de plus environ). Ici, l’accent a été mis davantage sur le développement.
La problématique
La problématique choisie est : Les révolutions technologiques ont-elles un impact favorable sur la croissance économique ?
Tout d’abord, le choix de la problématique est cohérent avec l’enchaînement dans l’introduction. Le paradoxe ayant été mentionné (et également les études historiques sur la potentielle croissance séculaire). Cela est vraiment important : la problématique ne doit jamais sortir de nulle part.
Toutefois, cette problématique peut être un piège si le développement est mal formulé. En effet, le sujet est « Comment… » et ne questionne pas seulement sur le lien entre croissance et révolutions technologiques. Le sujet demande si les révolutions ont un impact positif (ou négatif), si ce lien est fort ou non. La problématique n’est peut-être pas assez large, mais cela n’a pas été un problème dans le développement.
Analyse du développement
Le plan de la copie est le suivant :
I – Les révolutions technologiques ont permis une croissance économique soutenue…
A – Elles impulsent et assurent une dynamique de croissance soutenue et pérenne
B – Elles permettent un retour rapide au trend de croissance en cas de crise
II – Toutefois, cette relation semble se détériorer
A – Les révolutions technologiques n’empêchent pas la menace d’une stagnation séculaire
B – Elles peuvent même avoir un effet néfaste sur la croissance
III – Cela crée alors la nécessité de stimuler et réguler les révolutions technologiques afin d’assurer un retour à une croissance économique pérenne
A – La nécessité de stimuler les innovations pour assurer la croissance économique
B – Et de créer un environnement favorable qui rendra ces révolutions technologiques efficaces en termes de croissance
Première partie
La première partie est assez classique, mais précise et complète. Quelques remarques intéressantes sont à faire.
Dans la première sous-partie, la copie commence son développement par le XIXᵉ siècle et le rôle de la révolution agricole et industrielle, en évoquant les analyses pertinentes de Bairoch, avec des données précises. Il est important d’apprendre des données, en particulier pour des sujets sur la croissance, afin de donner de la consistance au raisonnement. Ensuite, des précisions théoriques sont apportées en évoquant Schumpeter et en accompagnant toujours d’exemples précis.
Le second paragraphe passe au niveau d’analyse suivant, en évoquant cette fois les conséquences secondaires et indirectes des révolutions technologiques sur la croissance (création d’une structure économique favorable à la croissance). Ce raisonnement a permis de passer à des exemples plus modernes, via les révolutions des NTIC ayant permis la segmentation des chaînes de valeur et la financiarisation.
La seconde sous-partie évoque une autre implication des révolutions technologiques sur la croissance : son rôle déterminant en sortie de crise et son importance pour relancer la croissance. Là aussi, des analyses théoriques (G. Mensch) ont été mentionnées, accompagnées d’exemples concrets (la relance Kennedy-Johnson).
Et là encore, le second paragraphe a permis de passer au niveau d’analyse suivant, en complétant la théorie précédente pour évoquer le caractère autoentretenu de la croissance économique, décuplant l’impact des révolutions technologiques.
Un paragraphe de transition permet de passer à la suite.
Deuxième partie
La deuxième partie permet d’apporter une nuance aux informations précédemment évoquées. Elle montre que les révolutions technologiques ont un impact moins fort, voire négatif sur la croissance.
Tout d’abord, les théories classiques (au sens premier du terme) ont été évoquées. Même si elles peuvent sembler superflues, car elles ont été depuis contestées, il est important d’y passer quelques lignes au début afin de montrer au correcteur que l’on connaît le b.a.-ba. Ici, Ricardo et Hansen ont été évoqués (d’autres auraient aussi pu être nommés), tout en notant que « les années qui suivirent eurent raison de leurs théories ». Ensuite, des analyses plus récentes (Artus, Gordon) ont été développées, expliquant les raisons de l’affaiblissement du rôle des révolutions technologiques sur la croissance.
Le deuxième paragraphe évoque l’impact négatif des révolutions technologiques sur la croissance. Pour l’économie financière, la révolution des NTIC provoquant les crises financières sans précédent a été développée. Pour l’économie réelle, l’impact des révolutions technologiques sur l’augmentation du chômage et donc sur le frein à long terme de la croissance.
Un paragraphe de transition permet de passer à la suite.
Troisième partie
La troisième partie est plus ambitieuse et risquée. Faire une troisième partie est à double tranchant. Elle peut couronner un raisonnement de qualité en apportant une perspective différente (mais toujours dans le sujet), ou effondrer le crédit d’un raisonnement si elle est trop hors sujet (et ainsi abaisser la note).
On peut se permettre une rigueur plus faible pour la troisième partie en ce qui concerne le lien avec le sujet, mais cela ne doit pas être un enchaînement de connaissances totalement hors propos. Ici, la troisième partie n’est pas totalement hors sujet, mais ce n’est pas non plus le meilleur prolongement possible. Il est à supposer que la qualité des deux premières parties a compensé l’affaiblissement de la qualité de la troisième partie.
Ici, la copie a essayé de montrer l’importance de restaurer l’influence des révolutions technologiques sur la croissance économique et en évoquant les mesures structurelles mises en place pour stimuler l’arrivée de nouvelles révolutions technologiques. Cela reste dans le sujet, car cette partie montre que pour que les révolutions technologiques influent sur la croissance, une impulsion préalable est requise.
Le deuxième paragraphe, lui, montre quelles sont les solutions possibles pour rétablir ce lien entre révolutions technologiques et croissance et limiter leurs effets néfastes (en quelque sorte, cela répond à : Comment faire en sorte que les innovations influent sur la croissance économique ?).
Que retenir de cette copie ?
- Les exigences sur la forme ont été respectées : copie aérée, différentes parties visibles, pas ou peu de fautes d’orthographe, une introduction respectant les exigences types (amorce, définitions, cadrage historique, plan), la conclusion est là (bien qu’elle manque d’une ouverture).
- La qualité du raisonnement repose principalement sur deux premières parties très solides, qui comportent à la fois des références classiques (absolument nécessaires) ainsi que des références empiriques plus précises, montrant la curiosité du candidat.
- Chaque théorie ou idée développée est accompagnée de beaucoup de données chiffrées (sans saturer la copie). Cela demande certes un travail de mémorisation important, mais donne envie au correcteur d’en lire davantage et du crédit à l’argumentation. Cela évite de raconter des platitudes peu intéressantes et c’est un outil très utile pour améliorer ses notes.
- La troisième partie est plus fragile théoriquement, mais reste dans le sujet et n’altère pas la qualité du raisonnement précédent. C’est un prolongement du sujet.