Voici un article sur le thème de la mobilité sociale. Nombreux sont les sujets sur les inégalités qui peuvent faire intervenir une analyse portant sur la mobilité sociale, tant l’enjeu est important. De même, des sujets sur ce thème précis tombent régulièrement aux oraux. Par exemple, en 2022, l’ESCP a donné comme sujet : « L’ascenseur social est-il bloqué ? » Cet article n’est pas un plan pour répondre au sujet, mais présente les définitions et les données importantes à utiliser.
Qu’est-ce que la mobilité sociale et quels en sont les enjeux ?
Définitions de la mobilité sociale
La mobilité sociale se divise en deux types principaux :
- la mobilité intergénérationnelle : comparaison de la position socio-économique des enfants par rapport à leurs parents ;
- la mobilité intragénérationnelle : évolution de la position socio-économique d’un individu au cours de sa vie professionnelle.
Cette mobilité peut évidemment être ascendante (mouvement vers une position socio-économique supérieure), ou descendante (mouvement vers une position inférieure).
Importance de la mobilité sociale pour l’action publique
La mobilité sociale est devenue un sujet de préoccupation croissante dans les pays de l’OCDE, concordant avec les mesures réelles de mobilité des revenus, du patrimoine, de l’emploi et de la santé. En effet, cette situation de faible mobilité sociale a des conséquences significatives pour les individus et pour la société :
- Une absence de mobilité ascendante au bas de l’échelle des revenus. De nombreux talents potentiels ne sont pas suffisamment développés et d’importantes opportunités d’investissement restent inexploitées, ce qui empêche la création de nouvelles entreprises. Cela est néfaste pour la croissance économique et la productivité.
- Une absence de mobilité en haut de l’échelle. Les rentes persistantes sont perçues par quelques privilégiés, au détriment du plus grand nombre. La monopolisation des opportunités est néfaste pour la société et entraîne des coûts d’efficience élevés.
- Des conséquences sociales. La mobilité sociale favorise le bien-être, tandis que l’immobilité compromet la cohésion sociale et érode la confiance dans le système socio-économique et politique.
Tendances récentes et enjeux
Dans les pays de l’OCDE, la mobilité ascendante était historiquement forte en termes absolus, permise par une croissance continue de la productivité et de l’économie. Cependant, cette mobilité a ralenti au cours des quinze dernières années. Dans les pays émergents, les possibilités d’améliorations majeures sont plus importantes. À mesure qu’un pays se développe, les progrès dans des domaines clés, comme l’éducation et la santé, ralentissent. Ce qui explique pourquoi la mobilité relative (les comparaisons de gains de richesse entre individus) gagne en importance dans le débat public des pays avancés. Dans ce contexte, bien que tout le monde voie sa richesse augmenter, certains la voient augmenter plus rapidement que d’autres, exacerbant ainsi les inégalités.
L’augmentation du pessimisme concernant la mobilité sociale dans les pays de l’OCDE, combinée à ces tendances, indique un besoin urgent de politiques publiques efficaces pour stimuler la mobilité ascendante et prévenir la stagnation socio-économique. Ces politiques pourraient inclure des réformes éducatives, des investissements dans la santé et des mesures visant à améliorer l’accès aux opportunités économiques pour tous les segments de la société.
Les constats : un ascenseur social en panne dans l’OCDE
Selon le rapport de l’OCDE (2019), voici les différents constats de l’état de la mobilité sociale globale au sein de ces pays.
Le « plancher adhérent » empêche l’ascension sociale
Le concept de « plancher adhérent » illustre les obstacles à l’ascension sociale pour les enfants issus de milieux défavorisés. Ces enfants peinent à gravir les échelons sociaux, affichant souvent une santé plus mauvaise à l’âge adulte, poursuivant moins leurs études et occupant souvent les mêmes professions que leurs parents (environ un tiers des enfants d’ouvriers deviennent eux-mêmes ouvriers).
En moyenne, dans les pays de l’OCDE, il faut quatre à cinq générations pour que des enfants situés dans le décile inférieur des revenus atteignent le niveau des revenus moyens. Bien que la mobilité ascendante pour les enfants de parents peu instruits se soit améliorée entre 1955 et 1975, elle stagne depuis 1975.
La monopolisation des opportunités crée le « plafond adhérent »
La monopolisation des opportunités par ceux qui sont en haut de l’échelle sociale crée un « plafond adhérent ». Les avantages, tels que le niveau d’instruction, l’emploi et les revenus, sont transmis aux enfants de manière disproportionnée. Par exemple, 50 % des enfants de dirigeants occupent eux-mêmes des postes de direction, contre moins d’un quart des enfants d’ouvriers. Cette transmission des avantages contribue à maintenir les inégalités.
Ces phénomènes de plancher et de plafond adhérents s’appliquent également à la mobilité des individus sur l’échelle des revenus tout au long de leur vie. Depuis les années 1990, les personnes en bas de l’échelle des revenus ont plus de chances d’y rester, tandis que ceux en haut ont moins de chances de déclassement. Cela souligne des inégalités persistantes dans les chances d’augmenter ses revenus sur des périodes plus courtes.
La classe moyenne : risques et opportunités
Au milieu de l’échelle sociale, la classe moyenne se trouve confrontée à la fois à des opportunités et à des risques de déclassement, notamment en cas d’événements de vie imprévus, comme le divorce ou le chômage.
Sur une période de quatre ans, un ménage de la classe moyenne sur sept et un ménage sur cinq dans les catégories proches des bas revenus glissent vers les tranches des 20 % les plus modestes. Ces risques ont augmenté au cours des 20 dernières années, signalant une fracture croissante au sein de la classe moyenne.
Les inégalités ne favorisent pas la mobilité
En général, les perspectives de mobilité d’une génération à l’autre sont moins favorables dans les pays caractérisés par de fortes inégalités de revenus, mais certains pays européens, comme la France et l’Allemagne, échappent à cette règle, présentant à la fois de faibles inégalités de revenus et une faible mobilité de revenus.
La France se distingue par un déterminisme social particulièrement marqué, dépassé uniquement par la Hongrie parmi les pays de l’OCDE. Selon les observations de Laurence Boone et Antoine Goulard, il faut plus de six générations pour qu’une personne située au bas de la distribution des revenus atteigne le revenu moyen en France. De plus, plus de 15 % des adolescents de 15 ans présentent de faibles compétences en mathématiques et en compréhension, ce qui risque de compromettre leur insertion professionnelle future.
Les caractéristiques de la mobilité sociale varient fortement d’un pays à l’autre et d’un groupe de pays à l’autre. Par exemple, au Japon, la mobilité des revenus est élevée pour les revenus moyens. Dans les pays nordiques, la mobilité est très élevée en matière de revenus, d’emploi et d’éducation. En Europe continentale, la mobilité des revenus est particulièrement faible. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, la mobilité professionnelle est relativement élevée, mais les États-Unis et l’Allemagne montrent les niveaux les plus élevés de phénomènes de plancher et de plafond adhérents pour la mobilité intergénérationnelle sur l’échelle des revenus.
Performances scolaires et inégalités sociales en France
Les désavantages liés à un milieu socio-économique moins favorisé se poursuivent à l’école. Les études PISA de l’OCDE montrent qu’en France, 15 % des élèves de 15 ans ont de faibles compétences en compréhension des textes et en mathématiques. Un des taux les plus élevés des pays de l’OCDE.
L’influence du milieu social sur les performances scolaires est également parmi les plus importantes. Les disparités territoriales aggravent encore cette situation. Le niveau d’éducation conditionne fortement l’accès à l’emploi, et les jeunes sans formation ni emploi représentent une part plus élevée en France que la moyenne européenne. De plus, les sortants du système éducatif avec un diplôme moyen de la filière générale (secondaire ou post-secondaire non supérieur) ont un taux d’emploi de 51 %, parmi les plus faibles de l’Union européenne, seules l’Italie et la Grèce ayant des taux plus bas.
Principales recommandations pour stimuler la mobilité sociale, selon le rapport de l’OCDE
La transmission et la perpétuation des inégalités ne sont pas inéluctables. Ce qui importe, ce n’est pas seulement le montant des ressources publiques allouées à la lutte contre les inégalités, mais aussi la qualité de ces ressources et leur ciblage. Voici les principales recommandations pour améliorer la mobilité sociale.
Assurer l’égalité des chances
Élaborer des politiques publiques visant à garantir l’égalité des chances pour tous les enfants, en particulier pour les groupes sociaux les plus défavorisés. Cela inclut des mesures pour augmenter les possibilités d’ascension sociale via l’éducation.
L’investissement dans la santé est également crucial pour limiter les pertes de revenus ou les changements nécessaires en cas de problèmes de santé. Par exemple, l’accès universel à l’assurance maladie est indispensable. Les politiques familiales doivent également être renforcées, ainsi que les mesures pour réduire les fractures géographiques et limiter l’évasion fiscale liée à l’impôt sur les donations et les successions.
Atténuer les conséquences des chocs économiques
Mettre en place des mesures pour atténuer les conséquences des chocs défavorables et les effets indésirables de la volatilité des revenus. Par exemple, la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi propose diverses mesures, dont des dispositifs d’aide aux revenus pour les chômeurs (adaptés à leur niveau de besoin et couplés à des politiques actives sur le marché du travail, comme la reconversion professionnelle).
Les politiques du marché du travail doivent également faciliter la transition de l’école à la vie active, car les populations défavorisées font face à des obstacles particuliers. De plus, il est recommandé de rattacher les droits de protection sociale à l’individu plutôt qu’à l’emploi.
Initiative pour une croissance inclusive au sein de l’OCDE
L’objectif de cette initiative est de développer et de promouvoir des mesures visant à favoriser la mobilité sociale et à créer des opportunités pour tous. Cela inclut des politiques éducatives, sanitaires et de marché du travail bien conçues et ciblées, destinées à offrir des chances égales de réussite à chaque individu, indépendamment de son origine sociale.
Ces recommandations mettent en évidence l’importance d’une approche intégrée et ciblée pour lutter contre les inégalités et promouvoir une mobilité sociale accrue. Une attention particulière doit être accordée aux investissements dans l’éducation et la santé, ainsi qu’à la conception de politiques du marché du travail qui protègent les individus tout en facilitant leur transition professionnelle.