L’ouvrage de Domar, The Burden of the Debt and the National Income (1944), est un ouvrage fondamental en ESH qui étudie la relation entre la dette publique et la croissance économique. À travers cet article, Domar s’oppose à la théorie classique de la dette nationale et présente une analyse plus nuancée de ses implications à long terme. Son argument central est que la capacité d’une nation à soutenir sa dette dépend largement de la croissance de son revenu national. Tu l’auras compris, tu pourras mobiliser cet ouvrage sur un grand nombre de sujets traitant de la croissance économique, et en particulier de son lien avec la dette publique.
Introduction
Evsey Domar, économiste russo-américain du XXe siècle, est effectivement connu pour ses travaux novateurs sur la théorie de la croissance et sur son approche de la dette publique. Nous allons ici étudier son ouvrage le plus connu : The Burden of the Debt and the National Income (1944), ou Le Fardeau de la dette et le revenu national, en français.
Spoil : Son idée principale dans cet ouvrage consiste à dire que, tant que le taux de croissance dépasse le coût de la dette, cette dernière ne constitue pas un poids insurmontable pour l’économie.
Une critique des théories contemporaines de l’endettement
La perception de ses contemporains
Domar commence son analyse en explorant les perceptions communes de la dette publique, c’est-à-dire les théories émises par les économistes contemporains.
À cette époque, de nombreux économistes et responsables politiques s’inquiétaient de l’accroissement des dettes publiques dans les pays développés, notamment pour l’après-Seconde Guerre mondiale. La dette était souvent perçue comme un fardeau financier qui devait être remboursé par les générations futures.
Domar souligne cependant que cette vision est incomplète, voire erronée, lorsqu’on la considère sans la prendre en compte dans le contexte de la croissance économique (croissance économique qui va, nous dit-il, prendre place dans l’après-guerre).
Distinction entre dette nominale et charge de la dette
Ainsi, Domar fait une distinction importante entre deux aspects de la dette : la charge financière représentée par les paiements d’intérêts sur la dette et le capital nominal de la dette (soit le capital total du passif sans tenir compte des intérêts). Il explique que, tant que l’économie d’un pays croît plus vite que le taux d’intérêt de la dette, cette dernière ne devient pas nécessairement un fardeau insupportable.
Il écrit : « Il n’est pas exact de dire que la dette nationale doit toujours être remboursée ; elle doit seulement être servie. » En d’autres termes, tant que le service de la dette (paiements des intérêts) peut être soutenu par une économie en croissance, la dette peut être gérée efficacement. Nous expliquerons cela avec la première équation que mobilise Domar dans son ouvrage (en fin d’article).
Domar cite des chiffres précis pour illustrer son argument. Par exemple, si le revenu national d’une nation croît de 4 % par an, mais que les intérêts sur la dette nationale ne sont que de 3 %, alors le fardeau réel de la dette diminue avec le temps.
Ainsi, en faisant la distinction entre dette nominale et charge de la dette, Domar s’oppose dans cet ouvrage aux théories contemporaines de la dette, qui l’analysent seulement comme un fardeau.
L’endettement et la croissance du revenu national
Une perspective keynésienne en substance
Dans cette partie, Domar explore l’impact de la dette sur le revenu national et la croissance économique à long terme. Il présente l’idée que l’emprunt public, lorsqu’il est utilisé pour financer des projets productifs (tels que les infrastructures ou l’éducation), peut en réalité stimuler la croissance économique. Cela permet à la nation de dégager un revenu plus élevé, qui peut ensuite être utilisé pour couvrir la charge de la dette.
Domar souligne que la clé de cette stratégie réside dans l’utilisation des fonds empruntés. Si le gouvernement emprunte pour financer des dépenses improductives, comme des subventions directes ou des programmes inefficaces, la dette pourrait en effet devenir un fardeau. Cependant, lorsqu’il s’agit de dépenses productives, l’impact est tout autre.
Il écrit : « La croissance du revenu national est à la fois la cause et la conséquence de l’augmentation des investissements publics. L’une alimente l’autre dans une boucle positive. » On peut ici nuancer notre première partie : tu vois à partir de cette citation que Domar s’inscrit tout de même dans une certaine mesure dans le prolongement de Keynes.
Exemples concrets fournis par Domar
Il donne des exemples concrets pour appuyer cette affirmation. Dans certains cas, il note que, pour chaque dollar dépensé en infrastructures publiques, le revenu national augmente de plusieurs dollars au fil du temps en raison de la création d’emplois, de l’amélioration des transports et de l’accroissement de la productivité (voir la théorie du multiplicateur keynésien). Ces nouveaux revenus permettent de soutenir le service de la dette sans augmenter les impôts ni réduire les dépenses.
Il illustre également cet argument avec des données sur la période postérieure à la Grande Dépression et à la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, il cite une croissance annuelle moyenne du produit national brut (PNB) de 5 % aux États-Unis dans les années 1940. Ce qui dépassait largement le taux d’intérêt moyen sur la dette publique à cette époque, qui était d’environ 2-3 %.
Réflexions sur l’avenir de la dette publique
Conclusion de l’ouvrage
Domar conclut son ouvrage en réfutant fermement l’idée selon laquelle la dette publique représente toujours une menace pour la stabilité économique. Il souligne que l’essentiel est de savoir comment cette dette est utilisée et comment l’économie sous-jacente se comporte. Tant que les politiques économiques sont conçues de manière à soutenir la croissance à long terme, la dette ne doit pas nécessairement être un problème.
Il précise cependant que la mauvaise gestion de la dette – par exemple, si elle est associée à des politiques inflationnistes (qui ferait augmenter le service de la dette) ou à un ralentissement économique – peut avoir des conséquences négatives. Le risque serait alors une spirale de la dette, où l’endettement a pour but de recouvrir les charges de la dette précédente et ainsi de suite.
Recommandations aux gouvernements en matière de gestion de la dette
Dans ses conclusions, Domar propose également quelques recommandations de politique économique. Il suggère que les gouvernements devraient utiliser la dette comme un outil pour réguler l’économie, en particulier pendant les périodes de récession.
Il écrit : « Un endettement bien géré est un outil puissant pour stabiliser une économie en difficulté. L’accroissement de la dette, s’il est dirigé vers des investissements productifs, peut non seulement résoudre les crises économiques, mais également préparer le terrain pour une croissance future. » (Domar, 1944, p. 65)
Étude du lien entre dette et impôts
Domar conclut également par une réflexion sur l’équilibre entre la dette et les impôts. Il reconnaît que l’endettement peut parfois être un outil plus efficace que l’augmentation des impôts pour financer des projets publics, à condition que les fonds soient utilisés judicieusement.
Les chiffres qu’il présente montrent que, dans certains cas, les investissements publics financés par la dette ont généré des taux de retour bien supérieurs à ceux qui auraient été possibles par le biais de simples augmentations d’impôt.
BONUS : les équations dans l’ouvrage
La dette publique en proportion du revenu national
L’une des contributions mathématiques importantes de Domar à cette analyse est son développement de l’équation de la dette nationale. Il montre que la dette publique D en tant que proportion du revenu national Y est déterminée par la différence entre le taux d’intérêt sur la dette i et le taux de croissance de l’économie g :
où d représente le déficit budgétaire primaire (déficit avant paiement des intérêts). Cette équation montre clairement que si g > i, c’est-à-dire si le taux de croissance de l’économie dépasse le taux d’intérêt sur la dette, la dette en proportion du revenu national diminuera au fil du temps, même en présence d’un déficit modéré. Cela signifie bien que la dette publique est soutenable.
Le service de la dette
Une autre équation clé développée par Domar est la suivante :
Où S représente le service de la dette, G les gains du revenu national générés par les investissements publics, I les investissements publics initiaux, et r le taux d’intérêt.
Cette équation montre comment le surplus de revenu généré par la dette peut permettre de la rembourser plus efficacement si les investissements publics sont bien choisis (c’est-à-dire que le multiplicateur keynésien est élevé).
Conclusion
En définitive, l’ouvrage de Domar est un pilier dans la théorie économique de l’endettement public et est donc à maîtriser pour les concours. Surtout qu’un sujet sur la dette serait d’actualité brûlante et que des sujets sur ce thème ne sont pas tombés aux écrits depuis quelques années.
Voyons quand même quelques sujets dans lesquels tu pourras mobiliser cet ouvrage :
- Avec le sujet Ecricome 2017 (1) : « Un État doit-il s’inquiéter de l’augmentation de sa dette publique ? » Tu comprends directement comment tu pourrais mobiliser l’ouvrage. Tu peux, par exemple, expliquer en deuxième partie que l’État ne doit pas nécessairement s’inquiéter de l’augmentation de sa dette publique si cette dernière se fait en période de croissance.
- Ou encore avec le sujet ESCP 2012 : « L’inflation est-elle la meilleure des solutions pour résoudre les crises de la dette publique ? » Tu peux aisément consacrer une sous-partie à la croissance en montrant que cette dernière permet de résoudre (au sens de sortir ou au sens de prévenir) les crises de la dette publique.
Voilà, tu peux désormais parfaitement mobiliser Domar, espérons que le thème retombe aux prochains concours écrits !
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