La mondialisation prend un tournant dans les années 1990. Un tournant qui a eu une conséquence importante sur les échanges actuels.
Une mondialisation singulière
Pour Pierre-Noël Giraud, la mondialisation actuelle a des précédents, mais elle est singulière. Combinaison de trois « globalisations » (des firmes, de la finance et numérique), elle se définit par une généralisation des compétitions. Le processus de globalisation actuel (l’auteur préfère cet anglicisme au terme de mondialisation) repose sur plusieurs dynamiques complémentaires.
C’est d’abord la quasi-suppression des barrières tarifaires dans le cadre de l’OMC qui a permis ce processus. Même si des barrières non tarifaires persistent et que les négociations multilatérales semblent au point mort, les droits de douane ne dépassent pas en moyenne 5 % aujourd’hui. La baisse importante des coûts de transport a bien sûr joué un rôle fondamental.
La deuxième dynamique concerne le numérique qui a bouleversé les manières de produire, permis le développement des services à distance (centres d’appel) et diffusé un modèle de consommation à l’origine d’aspirations égalitaires.
Le poids croissant des pays émergents
La notion de « pays émergents » ne correspond à aucune définition économique précise. Elle correspond plutôt à une notion assez floue qui peut varier d’un auteur à un autre, et surtout dans le temps. L’appellation de « pays émergents » s’applique à un petit groupe, non officiel, d’une vingtaine de pays ouvrant des perspectives de débouchés aux firmes du reste du monde, des opportunités d’investissements directs et de placements aux capitaux mondiaux sur de nouveaux marchés financiers en forte expansion (marchés financiers émergents).
Ces pays, qui se sont intégrés de manière très importante dans le système économique, commercial et financier mondial, ont connu des taux de croissance forts, avec accroissement important de leur poids dans les échanges internationaux. Ce qui a entraîné un processus progressif de convergence du niveau de vie vers celui des pays développés.
Parmi ces pays, on retrouve les « BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine), fers de lance politiques de ce groupe. L’acronyme BRIICS est aussi parfois utilisé pour montrer le rôle non négligeable de l’Indonésie, mais aussi de l’Afrique du Sud, plus en retrait de la scène mondiale, mais vecteur de croissance pour l’Afrique. Il ne faut pas oublier également des pays comme l’Argentine, la Turquie et l’Arabie saoudite.
L’importance prise par ce groupe de pays est révélée par la participation de la majeure partie d’entre eux au sommet du G20 de novembre 2008 pour trouver des solutions à la crise financière et économique.
Le développement des pays émergents remet en cause la séparation traditionnelle entre pays développés et pays en développement
Du côté de l’offre productive, alors que l’entrée des grands émergents dans le commerce mondial lors des deux dernières décennies a été facilitée par un avantage coût substantiel, les évolutions récentes des salaires, de la productivité et des taux de change de ces pays, comme l’accroissement des qualifications de la population active et la montée en gamme rapide de leurs entreprises, devraient profondément modifier leurs modèles productifs.
Les coûts salariaux unitaires (CSU) dans le secteur manufacturier, notamment en Chine, ont commencé à augmenter au début des années 2000, relativement aux CSU européens ou américains, après une baisse continue depuis les années 1980. Les coûts salariaux unitaires correspondent aux coûts salariaux par unité de valeur ajoutée produite.
Du côté de la demande, si les vingt dernières années ont été marquées par une réduction massive de l’extrême pauvreté dans les pays émergents (la grande majorité de la réduction du taux de pauvreté est venue de Chine), les vingt prochaines devraient voir l’essor d’une classe moyenne de taille substantielle. Sur un milliard supplémentaire de personnes, plus des 4/5, soit 800 millions d’individus, vivront dans les économies aujourd’hui considérées émergentes.
La polarisation des balances commerciales jusqu’aux années récentes
Il existe une polarisation très marquée entre des nations présentant des soldes positifs et celles connaissant des soldes négatifs. Les trois cas extrêmes sont ceux des États-Unis, avec un fort déficit (plus de 500 milliards de dollars en 2016), et de l’Allemagne et de la Chine, connaissant un très fort excédent. Le Royaume-Uni, la France et les pays européens du sud font partie des nations significativement déficitaires, le Japon étant plutôt excédentaire.
Cette polarisation des balances commerciales des marchandises permet de comprendre les tensions commerciales entre les nations déficitaires, où des pressions protectionnistes se manifestent, et les nations excédentaires, souvent accusées de développer leurs exportations par des politiques déloyales. La Chine est le pays le plus visé par ce type d’accusations.
La Chine a été un acteur majeur dans la montée des déséquilibres mondiaux au milieu des années 2000. Depuis 2007, elle a considérablement réduit son excédent commercial global (un ralentissement, voire une baisse des exportations ces deux dernières années et une augmentation des importations), mais il reste massif, en particulier vis-à-vis des États-Unis et de l’Europe.
Les échanges de services
Ce n’est que depuis le milieu des années 1980 que l’existence d’un commerce international de services est vraiment prise en compte à la fois dans les faits et dans les analyses. En effet, pendant longtemps, les services ont été considérés sous leur forme traditionnelle qui suppose un contact physique entre le prestataire et le consommateur.
Mais le changement de nature de nombre de services, en raison notamment du développement des technologies de l’information et de la communication (TIC), a conduit les nations les plus développées à réclamer l’introduction des échanges internationaux de services dans les accords du GATT. Avec l’OMC, en 1995, a été conclu l’Accord général sur le commerce des services (AGCS ou GATS, General Agreement on Trade in Services). On y trouve les services des banques, des assurances, les services aux entreprises…
Les produits manufacturés représentent 64 % du commerce international, les produits primaires 14 % et les services 22 %.
L’essor de la régionalisation
Le régionalisme peut prendre différentes formes et se traduire par une intégration plus ou moins poussée. S’il constitue un phénomène ancien, il a connu au cours des dernières années un puissant renouveau.
Les ACR (accords régionaux commerciaux) peuvent être classés selon le degré d’intégration en œuvre. Béla Balassa (1961) a proposé une typologie. Le premier stade de l’intégration est la zone de libre-échange qui consiste en la réduction, voire la suppression des barrières douanières. Le deuxième stade, l’union douanière, implique la mise en place d’un tarif extérieur commun vis-à-vis des importations du reste du monde. Le troisième stade, le marché commun, étend la libéralisation aux facteurs de production. Le quatrième stade, l’union économique, se caractérise par l’harmonisation des politiques économiques des différents États membres. Elle peut s’accompagner d’une union monétaire par la création d’une zone de parités de changes irrévocablement fixes, voire d’une monnaie unique.
Cette typologie n’apparaît toutefois plus suffisante aujourd’hui pour rendre compte de la complexité du régionalisme. Elle conduit notamment à classer dans la même catégorie des zones de libre-échange plus ou moins intégrées. Il est ainsi utile de recourir à une typologie complémentaire : celle opposant l’intégration superficielle, qui se limite au démantèlement des barrières frontalières aux échanges, à l’intégration profonde, qui vise à supprimer toutes les barrières internes. Ce qui suppose des mesures d’harmonisation réglementaire, voire la mise en place d’institutions pour administrer l’accord. L’Union européenne est l’exemple d’intégration la plus profonde.