crise

Au cours des années 1970, les institutions bancaires privées, stimulées par l’afflux de pétrodollars, ont étendu leurs activités de prêts à l’échelle internationale, principalement en direction des pays en développement. Le Mexique s’est ainsi retrouvé parmi les principaux bénéficiaires de ces prêts internationaux. Cela sera à la source d’une crise économique importante en 1982, que nous allons analyser ici.

Introduction

Le Mexique est l’un des pays ciblés par ces prêts internationaux en raison de deux atouts stratégiques significatifs :

  • La richesse potentielle de son secteur pétrolier. Avec l’augmentation des prix du pétrole, l’extraction en eaux profondes devient enfin rentable, offrant ainsi des perspectives de développement lucratif. Les bénéfices générés par cette expansion pétrolière pourraient être utilisés pour rembourser les prêts, en mettant en avant la société d’État mexicaine Pemex.
  • La proximité géographique du Mexique avec le marché américain. Les prêts pourraient être investis dans le développement des secteurs agricole et manufacturier, offrant ainsi des opportunités commerciales avantageuses pour les États-Unis. Cette proximité géographique favorise également les échanges commerciaux et renforce les liens économiques entre les deux pays.

La crise de 1982

La situation du Mexique à cette période

À la veille de la crise de la dette au Mexique, avec une dette accumulée atteignant 86 milliards de dollars, le pays se trouvait confronté à un fardeau de remboursement annuel dépassant les 15 milliards de dollars.

Entre 1978 et 1987, la dette extérieure totale du Mexique a triplé, tandis que les remboursements annuels représentaient 3,5 fois le montant initial de la dette en 1978. Cette dynamique a entraîné un transfert net négatif de plus de 26 milliards de dollars sur cette période.

Cet endettement concerne la plupart des PED

Ils ont dû réduire les dépenses publiques, limiter la consommation pour développer des capacités d’épargne dans des pays confrontés à des difficultés économiques importantes.

Le service de la dette, auparavant marginal, a atteint jusqu’à 20 % du PIB pendant la crise de la dette. Le service de la dette définit le remboursement des intérêts à payer sur la dette et d’une fraction du capital emprunté. Malgré cette charge financière importante, le Mexique a réussi à honorer ses engagements, bénéficiant de deux avantages essentiels :

  • Moratoire de la dette : lorsque la dette est rééchelonnée, le Mexique peut obtenir un moratoire permettant de restructurer les modalités de remboursement et offrant un répit temporaire à sa situation financière.
  • Garantie du Trésor américain et du FMI : grâce à cette garantie, le Mexique a pu maintenir l’accès aux financements des banques privées. En cas de défaut, ces institutions se sont engagées à intervenir en tant que substituts, réduisant ainsi le risque pour les prêteurs privés.

Mais ces avantages avaient des conditions particulières : ils devaient continuer de rembourser. Pour cela, le Mexique a mis en œuvre une politique de contraction de la demande interne, impliquant notamment une réduction des dépenses publiques. Cette stratégie a eu pour effet de plonger le pays dans une crise économique majeure, exacerbant également les tensions sociales. En effet, les segments de la population les plus dépendants des transferts publics ont été les premiers touchés par ces mesures, ce qui a amplifié les inégalités sociales déjà existantes.

Les raisons du déclenchement de la crise

La crise de la dette des PED a été déclenchée par trois phénomènes majeurs :

  • Le choc monétariste aux États-Unis. Ce choc a provoqué une contagion à l’échelle mondiale, notamment une augmentation du taux LIBOR (London Interbank Offered Rate). L’augmentation des taux sur les marchés américains a entraîné une hausse des taux LIBOR, ce qui a eu un impact significatif sur les PED, car de nombreux emprunts étaient contractés à des taux variables.
  • L’envolée du dollar. La valeur élevée du dollar a accentué le fardeau des pays endettés, car plus la valeur du dollar est élevée, plus les coûts de remboursement de la dette sont élevés pour ces pays.
  • Récession internationale de 1982. Cette récession a réduit les opportunités d’exportation pour les PED. Les politiques d’austérité mises en œuvre par les pays développés ont également freiné leur consommation, réduisant ainsi les débouchés pour les produits des PED. Parallèlement, la baisse des cours des produits primaires autres que les hydrocarbures, combinée au contre-choc pétrolier, a encore réduit les recettes d’exportation des PED. De plus, le coût des importations en dollars est devenu de plus en plus élevé pour les PED, exacerbant leurs difficultés financières. En fin de compte, les recettes d’exportation en dollars des PED se sont révélées inférieures aux prévisions, contribuant à l’aggravation de la crise de la dette.

De plus, les difficultés économiques rencontrées par le Mexique étaient susceptibles de se propager au système bancaire américain en raison de l’implication de nombreuses banques américaines dans des prêts accordés au Mexique. Cette situation menaçait la stabilité financière du système bancaire américain, comme l’a illustré la faillite de la Continental Illinois en 1982.

Les États-Unis ont réagi en accordant des financements au Mexique

Mais sous certaines conditions. Ils ont notamment proposé de garantir une partie de la dette mexicaine afin d’éviter des créances irrécouvrables au Mexique. Cette garantie visait à prévenir une crise financière plus large et à protéger les intérêts des banques américaines impliquées dans les prêts au Mexique.

Malgré cela, l’économie mexicaine connaît une violente contraction de son PIB. Sa croissance va également en pâtir. Tout au long des années 1980-90, les taux de croissance oscillent entre des taux négatifs et positifs. Cela va fortement affecter le régime de croissance. Par exemple, en 1981, la croissance était de 9 %, puis de 4 % en 1983.

Les mesures prises pour faire face à la crise

Pour faire face à ses difficultés, le Mexique doit prendre deux types de mesures :

  • Dévaluer la monnaie nationale pour rendre les exportations mexicaines plus compétitives et réduire les importations (cela a donc réduit les besoins en devises). Mais cela a pour conséquence d’accroître le poids de la dette, la dette étant contractée en devises étrangères. 
  • Réduire la taille du secteur public mexicain. Il est très développé et représente beaucoup d’emplois, mais est très peu efficace. Cela permet via beaucoup de privatisations de développer les réseaux de communication de transport. Il y a également eu beaucoup de coupes budgétaires dans le secteur de la santé. 

Le plan Baker

Le plan Baker de 1985 (puis Brady de 1989) va proposer trois choses.

Pour les pays les moins avancés, l’annulation partielle de la dette est souvent la seule solution viable

Cela se concrétise notamment à travers le Club de Paris, où les bailleurs de fonds publics se réunissent régulièrement à Paris pour décider de l’annulation de la dette des PMA.

Cette annulation de la dette est souvent accompagnée d’une substitution des financements publics aux financements privés. Toutefois, cette mesure peut impliquer l’imposition de décotes, c’est-à-dire des réductions du montant initial de la dette à rembourser.

Un autre moyen de faire face à la crise de la dette est le rééchelonnement de celle-ci

Cependant, cette renégociation est conditionnée par la signature d’un accord de stabilisation macroéconomique avec le fonds monétaire international (FMI).

Ce type d’accord engage le pays à modifier sa politique économique de manière à sortir rapidement de la crise (cf. politiques d’ajustement structurel). En échange de cet engagement, le pays peut bénéficier d’un rééchelonnement de sa dette, permettant ainsi un allégement temporaire de sa charge financière.

Une accélération de la titrisation

Le plan Brady, initié en 1989, a entraîné une accélération de la titrisation de la dette des pays en développement (PED), même si ces derniers étaient initialement réticents à cette idée.

Malgré des réticences importantes, les banques ont accepté la mise en place d’un marché secondaire de la dette, où les créanciers peuvent revendre les titres à une décote correspondant au risque de défaut. Cette décote a atteint jusqu’à 40 % en raison des risques élevés associés aux dettes des PED.

La crise de la dette des pays d’Amérique latine s’est terminée avec une reprise économique plutôt correcte qui a amené de nouveaux financements, différents par leur nature. Dans les années 1990, ces PED vont s’adresser davantage aux marchés financiers et non aux banques (passage à un financement désintermédié).