Face aux crises migratoires, en particulier depuis 2015, la question de l’impact économique des migrations est devenue primordiale. Les économistes se sont d’abord penchés sur les répercussions sur le marché du travail dans les pays d’accueil. Ensuite, ils ont élargi leurs recherches pour évaluer l’impact global de l’immigration, notamment en matière de croissance économique et de finances publiques. Voyons quelles sont les implications économiques de tels mouvements. C’est un sujet qui peut tomber régulièrement à l’oral.
Les effets réduits et temporaires de l’immigration sur le taux de chômage et les salaires dans le pays d’accueil
Au début des années 1990, deux études pionnières en économie expérimentale ont cherché à évaluer l’impact d’un choc migratoire sur l’emploi dans le pays d’accueil en utilisant des « expériences naturelles ». Ces expériences consistent à identifier les effets d’un choc exogène sur un groupe « test » en le comparant à un groupe « témoin » non affecté par le choc. Les deux groupes présentant des similarités avant l’événement.
En 1962, après la guerre d’Algérie et les accords d’Évian, environ 700 000 rapatriés sont arrivés en France. En 1992, Jennifer Hunt a analysé les effets de cet afflux sur le marché du travail des régions d’accueil, principalement concentré dans le Languedoc-Roussillon et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le groupe test était le Sud, fortement touché par l’immigration, tandis que le Nord, peu affecté, servait de groupe témoin. En comparant les taux de chômage et les salaires des deux groupes, Hunt a constaté une augmentation réduite (0,3 point entre 1962 et 1968) et temporaire du chômage, disparaissant en quelques années. Elle a également observé une légère baisse des salaires (0,3 %), avec un pic de – 1,3 % dans le Sud. Cependant, la France connaissait alors une forte création d’emplois, permettant au marché du travail d’absorber rapidement l’augmentation de la main-d’œuvre.
En 1964, des ouvriers agricoles mexicains furent expulsés de Californie sous prétexte qu’ils faisaient baisser les salaires des travailleurs locaux. Cependant, leur départ n’eut aucun impact sur les emplois et les salaires, car la production se mécanisa rapidement après leur expulsion. En effet, doublant la productivité, le taux d’adoption de machines dans le secteur de la tomate passa de presque 0 % en 1964 à 100 % en 1967. L’expulsion des braceros accéléra considérablement la mécanisation. Et les cultures non mécanisables furent temporairement remplacées par d’autres types de cultures.
Un autre exemple
Entre avril et octobre 1980, Fidel Castro a permis à 125 000 Cubains de quitter Cuba pour la Floride (exode de Mariel), augmentant ainsi la population active de Miami de 7 %. David Card a analysé en 1990 l’impact de cette vague d’immigration sur le marché du travail de Miami, en particulier pour les salariés peu qualifiés. Il a conclu qu’elle n’avait pas d’effet majeur à long terme. Après une forte augmentation initiale du chômage (le taux passant de 5 % à 7,1 % entre avril et mai 1980), le marché a absorbé les migrants. Cinq ans plus tard, la situation économique de Miami était meilleure que celle d’autres villes américaines comparables.
Ces études montrent que l’impact de l’immigration sur l’emploi et les salaires est généralement réduit et temporaire, avec une capacité notable des marchés du travail à s’adapter aux chocs migratoires.
Des travaux plus récents vont dans le même sens. L’OCDE a analysé le cas du Royaume-Uni après l’élargissement de l’Union européenne en 2004, notamment à la Pologne, et Jean-Christophe Dumont (OCDE) constate que l’accueil de 1 million d’immigrés en quelques années n’a ni augmenté le taux de chômage ni fait baisser le niveau du salaire moyen.
Les effets de l’immigration sur la croissance économique et les finances publiques
L’immigration a des effets significatifs sur la croissance économique, les finances publiques et la dynamique sociale, tant à court terme qu’à long terme.
Sur la croissance
En ce qui concerne la croissance économique, les migrants contribuent mécaniquement à l’activité économique en consommant des biens et services et en se logeant. Ce qui stimule la croissance du PIB. De plus, les dépenses publiques engagées pour accueillir les réfugiés sont réinjectées dans l’économie, agissant comme une forme de relance keynésienne.
Une étude récente menée par des économistes du CNRS a examiné les flux migratoires en Europe de l’Ouest entre 1985 et 2015. Leur analyse a montré qu’une augmentation du flux de migrants a entraîné une augmentation significative du PIB par habitant pendant quatre ans.
De plus, comme l’expliquent E. Duflo et A. Banerjee (Économie utile pour des temps difficiles, 2019), les effets de l’immigration dépendent également largement des caractéristiques et des aspirations des immigrants eux-mêmes. Leur capacité à créer des entreprises et à innover peut avoir un impact significatif sur l’économie du pays d’accueil. Un rapport du Center for American Entrepreneurship a mis en lumière en 2017 que, parmi les 500 entreprises américaines réalisant le plus gros chiffre d’affaires, 43 % étaient créées ou cocréées par des enfants d’immigrants. Cela souligne le rôle crucial des immigrants et de leurs descendants dans le tissu entrepreneurial et économique des États-Unis.
Des exemples emblématiques de réussite entrepreneuriale grâce à l’immigration incluent Henry Ford, dont le père était un immigrant irlandais, Steve Jobs, dont le père était Syrien, et Sergey Brin, cofondateur de Google, né en Russie. Ces personnalités illustrent la contribution significative que les immigrants et leurs descendants apportent à l’innovation et à la croissance économique à travers la création d’entreprises prospères.
Sur les finances publiques
En ce qui concerne les finances publiques, l’OCDE a constaté que, en moyenne, la contribution nette des immigrants aux comptes de la protection sociale (c’est-à-dire la contribution aux recettes fiscales moins les transferts sociaux reçus) est positive. Cela est principalement dû à la structure par âge de la population immigrée, qui est concentrée dans la tranche d’âge active. Les immigrés sont moins représentés parmi les jeunes et les personnes âgées. Ceci signifie qu’ils perçoivent relativement moins de prestations sociales telles que les soins de santé et les pensions de retraite, qui représentent les transferts les plus importants.
À plus long terme, les sociétés vieillissantes des pays avancés auront besoin de recourir à l’immigration pour rajeunir leur population active et réduire le ratio de dépendance entre les personnes âgées et celles en âge de travailler.
Concernant l’accueil des réfugiés, il est important de distinguer les impacts à court terme et à long terme. Les réfugiés mettent généralement plus de temps à s’intégrer au marché du travail en raison de divers obstacles tels que la barrière linguistique, les traumatismes subis ou le manque de documentation. Initialement, l’accueil des réfugiés peut représenter un coût pour les États, nécessitant des investissements dans des structures d’accueil et des politiques d’accompagnement social et sanitaire. Cependant, à plus long terme, les réfugiés contribuent à l’économie en travaillant, consommant, se logeant et créant de la richesse, participant ainsi au dynamisme économique global.
En résumé, bien que l’accueil initial des réfugiés puisse représenter un coût à court terme pour les finances publiques et la société, les bénéfices à long terme, tels que la contribution à la croissance économique et la revitalisation de la population active, peuvent largement compenser ces investissements initiaux.
En conclusion, quel effet d’un point de vue théorique ?
Plusieurs facteurs doivent être pris en compte, des facteurs que la théorie classique ne considère pas.
L’arrivée d’un nouveau groupe de travailleurs tend à déplacer la courbe de la demande de travail vers la droite, ce qui compense l’effet du choc d’offre positif. En effet, les nouveaux arrivants dépensent de l’argent dans des biens et des services locaux (comme les courses et les coiffeurs), ce qui crée des emplois pour d’autres travailleurs non qualifiés.
Toutefois, lorsque cet effet de demande n’a pas lieu (comme dans le cas des travailleurs tchèques qui allaient travailler à la frontière allemande, mais revenaient consommer chez eux), cela peut avoir un impact. Une baisse de l’emploi avait été constatée, car l’argent était rapatrié et les migrants ne créaient pas de demande locale.