L’effet Balassa-Samuelson est une hypothèse économique qui explique pourquoi les pays avec des niveaux de productivité plus élevés dans le secteur des biens échangeables (comme l’industrie) ont tendance à avoir des taux de change réels plus élevés. Selon cette théorie, les pays à forte productivité voient leurs salaires augmenter, ce qui se traduit par un coût de la vie plus élevé et un taux de change réel plus fort.
Qui sont ces économistes ?
Béla Balassa (1928-1991) était un économiste hongro-américain. Il a fui la Hongrie après la répression de la Révolution hongroise de 1956 et s’est installé aux États-Unis. Ses travaux se sont principalement concentrés sur le commerce international, la politique de développement et la compétitivité. Il est connu pour sa théorie du commerce international et son modèle de croissance économique.
Paul Samuelson (1915-2009) était un économiste américain et lauréat du prix Nobel d’économie en 1970. Il est souvent considéré comme l’un des pères de la théorie économique moderne. Samuelson a contribué à presque tous les domaines de l’économie. Son manuel Economics: An Introductory Analysis est un classique et a influencé l’enseignement de l’économie pendant des décennies.
L’effet Balassa-Samuelson en détail
L’effet Balassa-Samuelson explique le fait que toute phase de rattrapage s’accompagne de hausse des prix. Le taux d’inflation dans les pays en développement (PED) et les pays émergents est en effet plus fort que dans les pays avancés, tant que le niveau de la productivité dans les pays en développement est inférieur à celui des pays avancés.
La monnaie des pays émergents en phase de rattrapage se déprécie de moins en moins par rapport à celle des pays avancés, à mesure que leur niveau de productivité (du travail) s’aligne sur celui des pays les plus avancés.
Tant que le rattrapage n’est pas achevé, la productivité moyenne dans les pays émergents reste inférieure à la productivité moyenne dans les pays avancés. Donc, les prix des biens et des services augmentent plus vite (taux d’inflation qui est alors plus élevé) dans les pays émergents que dans les pays avancés et, ainsi, la monnaie des émergents tend à se déprécier.
Selon les deux économistes, de faibles gains de productivité entraînent une inflation plus élevée
En effet, ils partent du principe que chaque économie est divisible en deux secteurs, l’un où la productivité est élevée (industrie) et l’autre où la productivité est plus faible (services).
La productivité élevée dans l’industrie permet une hausse des salaires, mais sans forcément une hausse des prix. Toutefois, cette hausse des salaires se propage aux secteurs des services (effet de contagion : les salariés dans le secteur des services réclament eux aussi une hausse des salaires). Donc, les prix vont augmenter, car la productivité n’est pas assez élevée pour couvrir les hausses des salaires. C’est la loi de Baumol (1967).
En cas de gains de productivité faibles : la hausse des salaires est plus rapidement inflationniste, d’après l’interprétation de la courbe de Phillips par Samuelson et Solow. Mais la convergence des productivités va atténuer ce phénomène de dépréciation, d’autant plus que l’excédent de la balance courante, qui caractérise la plupart des pays émergents, conduit à une appréciation de leur monnaie.
C’est l’effet Balassa-Samuelson (qui est souvent remis en cause aujourd’hui). Comprenons que les émergents cherchent fréquemment à freiner l’appréciation de leur monnaie, pour ne pas pénaliser leurs exportations ; il s’agit d’une forme de dumping monétaire.
Comment utiliser l’effet Balassa-Samuelson en dissertation ?
Il peut être utilisé dans une dissertation pour expliquer les différences de taux de change réels entre les pays, la compétitivité internationale, ou les écarts de niveau de vie. Voici quelques conseils pour l’intégrer efficacement.
Sujet : Le rôle des pays à industrialisation tardive dans l’économie mondiale depuis le XIXe siècle
Exemple de partie : Les pays à industrialisation tardive, d’abord dans l’ombre des pays les plus développés, participent au dynamisme de l’économie mondiale.
Sous-partie : Une stratégie de développement qui renforce l’offre et accentue la concurrence à l’échelle mondiale
Concurrencées, les firmes des pays développés sont incitées à innover (en se spécialisant dans des productions difficiles à imiter) et à rationaliser leur processus de production en prenant en compte les nouvelles compétences des NPI (nouveaux pays industrialisés).
Si, au XIXe siècle, le motif principal de la multinationalisation des firmes était la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières, la recherche d’un abaissement des coûts de production via la division internationale du processus productif (DIPP) est devenue depuis les années 1980 un motif plus important.
En effet, au XIXe siècle, les late comers (Allemagne, États-Unis et Japon) adoptent un modèle de développement autocentré avec un management paternaliste et de fortes interventions de l’État (tarifs douaniers élevés, forte concentration des industries nationales, Konzern, Zaibatsu, trust), et favorisent le développement d’une éducation nationale. Seul le financement de l’industrialisation fait appel aux capitaux des pays avancés. La Grande-Bretagne investit à l’étranger 40 % de son épargne nationale à la fin du XIXe siècle. L’épargne des Français, à la recherche de rendements plus prometteurs que ceux proposés dans les économies vieillissantes, alimente les emprunts russes…
Dans le dernier quart du XXe siècle, les NPI adoptent un modèle de développement extraverti plus agressif. Les fortes interventions de l’État sont complétées par des IDE entrants, avec la création de filiales ateliers exploitant une main-d’œuvre bon marché dans le cadre de la DIPP et de joint-venture en Chine pour faciliter les transferts de technologie, et par la promotion des exportations avec une monnaie nationale sous-évaluée (dumping monétaire qui s’estompe avec le rattrapage, selon l’effet Balassa-Samuelson).
La croissance et la vitesse de rattrapage sont fulgurantes. En 30 ans, la Chine devient la deuxième puissance mondiale devant le Japon, en 2007, et le premier pays exportateur devant l’Allemagne, en 2009. Alors qu’il aura fallu plus d’un demi-siècle aux États-Unis pour s’imposer comme grande puissance industrielle de l’économie mondiale.
Sujet : Quelles différences de compétitivité internationale entre les économies émergentes et développées depuis les Trente Glorieuses ?
Exemple d’argument : L’effet Balassa-Samuelson et ses conséquences sur les dynamiques de taux de change et d’inflation dans les pays émergents.
L’effet Balassa-Samuelson aide à comprendre pourquoi les économies émergentes, qui rattrapent progressivement le niveau de productivité des pays développés, voient souvent leurs taux de change réels augmenter ainsi que leurs niveaux d’inflation. En effet, lorsque la productivité s’améliore rapidement dans certains secteurs, comme l’industrie, les salaires suivent la même tendance pour se rapprocher de ceux des pays avancés. Cependant, cette hausse des salaires ne reste pas confinée aux secteurs productifs, elle touche aussi les services, où la productivité est plus faible.
Dans ces secteurs, cette faible productivité ne suffit pas à compenser les hausses salariales, ce qui entraîne une augmentation des prix et, par conséquent, une inflation plus élevée. Ce processus crée une pression sur le taux de change réel, qui a tendance à s’apprécier avec la hausse des prix dans les pays émergents. Pour protéger leur compétitivité à l’export, ces économies en développement adoptent parfois des stratégies de « dumping monétaire », essayant ainsi de freiner cette appréciation pour éviter de pénaliser leurs exportations.
L’effet Balassa-Samuelson nous donne donc des clés pour comprendre comment la productivité et l’inflation influencent les échanges commerciaux mondiaux et la compétitivité des pays qui se développent plus tardivement.