finance

L’effet levier est une notion fondamentale dans les domaines financier et économique. Il s’agit d’un mécanisme permettant d’augmenter la rentabilité d’un investissement grâce à l’utilisation de capitaux externes, tels que des emprunts. Théorisé par Irving Fisher dans son ouvrage The Theory of Interest, ce concept a depuis été au centre de nombreuses stratégies d’investissement et a joué un rôle crucial dans l’histoire économique. Cependant, il comporte des risques considérables, pouvant mener à des crises majeures lorsqu’il est mal contrôlé.

Comprendre l’effet levier

L’effet levier repose sur un principe simple : utiliser des ressources empruntées pour augmenter la rentabilité d’un capital initial. Lorsqu’un investissement génère un rendement supérieur au coût de l’emprunt, l’investisseur peut ainsi multiplier ses gains. Ce mécanisme s’exprime mathématiquement par la relation entre le rendement des capitaux propres, le rendement des actifs et la structure d’endettement.

Le concept trouve ses origines dans les travaux d’Irving Fisher, qui a démontré l’impact de l’endettement sur la rentabilité des investissements. Fisher a également mis en garde contre les dangers d’un surendettement, appelé parfois « effet de massue », lorsque le rendement des actifs tombe en dessous du coût de la dette. Dans ce cas, les pertes sont non seulement amplifiées, mais peuvent entraîner un cercle vicieux de défauts de paiement, une liquidation forcée des actifs et une perte totale pour l’investisseur. Ce risque s’illustre parfaitement lors de crises financières majeures, où les acteurs les plus endettés deviennent les plus vulnérables.

Plutôt que de donner un exemple chiffré ici, ce point sera approfondi avec une illustration complète dans une section ultérieure, afin d’éviter les redondances.

Les effets économiques de l’effet levier

Dynamiser l’investissement et la croissance économique

Comprendre les cycles économiques

Dans Intérêt et Prix (1898), Knut Wicksell introduit une théorie révolutionnaire liant les taux d’intérêt et les cycles économiques. Wicksell distingue deux types de taux : le taux d’intérêt naturel, qui correspond au rendement anticipé des investissements, et le taux d’intérêt monétaire, qui représente le taux du marché financier. Lorsque le taux d’intérêt naturel est supérieur au taux monétaire, les entreprises sont incitées à emprunter pour investir davantage. Cela entraîne une expansion économique stimulée par l’effet levier, car le crédit alimente des projets toujours plus ambitieux. Cependant, cette dynamique peut générer une inflation excessive, car l’accroissement des investissements se traduit par une hausse des prix.

Lorsque les banques centrales ajustent les taux monétaires pour contenir l’inflation, un retournement s’opère. Si le taux d’intérêt monétaire devient supérieur au taux naturel, les entreprises cessent d’investir, ce qui mène à une récession et à une hausse du chômage. Wicksell offre ainsi un cadre explicatif clair pour comprendre comment l’effet levier, encouragé par des taux faibles, peut conduire à des cycles d’expansion et de contraction économiques. Cette théorie reste pertinente pour analyser des crises contemporaines, où des politiques monétaires expansives ont favorisé un recours massif au crédit.

Exemples d’utilisation de l’effet levier dans le monde des affaires

L’effet levier joue un rôle crucial dans le développement économique en permettant de maximiser les opportunités d’investissement. Par exemple, dans le secteur immobilier, il permet à des individus ou à des entreprises de financer des projets de grande ampleur. L’investisseur Sam Zell, connu comme le « roi de l’immobilier », a utilisé l’effet levier pour bâtir son empire à partir des années 1970. En empruntant pour acquérir des biens immobiliers sous-évalués, il a réalisé des profits colossaux grâce à l’appréciation des valeurs.

Dans le domaine des fusions et des acquisitions, les LBO (leveraged buy-out) sont emblématiques de l’utilisation de l’effet levier. L’acquisition de la société RJR Nabisco par KKR en 1988, pour 25 milliards de dollars, reste un exemple célèbre. Ce rachat, largement financé par des emprunts, a permis à KKR de maximiser les retours sur investissement grâce à une restructuration efficace de l’entreprise. Cependant, ces opérations comportent des risques élevés en cas de retournement économique.

Les manifestations de l’effet levier dans la conjoncture économique mondiale

Dans son ouvrage Quand les économistes se trompent (2019), Thomas Philippon analyse l’accumulation de dettes dans le secteur financier entre 2000 et 2007, période qui a précédé la crise des subprimes. Philippon explique que l’effet levier a été un des moteurs de cette crise, avec une augmentation continue des dettes dans les bilans des banques et une baisse du capital mobilisé. Entre 2000 et 2007, les banques ont amplifié leurs positions de manière excessive, certaines, comme Lehman Brothers, atteignant des ratios d’endettement supérieurs à 30:1, pour financer des portefeuilles de titres adossés à des crédits hypothécaires. Lorsque les prix de l’immobilier ont chuté, ces positions endettées ont amplifié les pertes, entraînant l’effondrement de plusieurs institutions financières et une récession mondiale.

Philippon critique également la faible efficacité des banques traditionnelles, qu’il impute à des rentes élevées dans le secteur financier. Il écrit : « Le mystère n’est pas que la Fintech arrive aujourd’hui, mais plutôt pourquoi elle n’est pas arrivée plus tôt. » Cette observation souligne que les start-up de la Fintech sont capables de bâtir des systèmes efficaces en contournant les régulations pesantes et les structures rigides des banques traditionnelles, proposant ainsi des financements innovants sans avoir recours de manière significative à l’effet levier.

Le lecteur doit retenir de cet ouvrage que l’effet levier, bien qu’utile, peut devenir un instrument de fragilité lorsqu’il est combiné à une faible régulation et à une mauvaise gestion des risques, comme ce fut le cas dans les années 2000. En outre, Philippon met en lumière la manière dont de nouveaux acteurs, comme la Fintech, offrent des alternatives viables grâce à des modèles moins dépendants de l’endettement excessif.

Dans un cadre différent, le Plan Marshall (1948) représente une utilisation massive de l’effet levier à l’échelle gouvernementale. Les États-Unis ont accordé près de 13 milliards de dollars (environ 150 milliards en dollars actuels) sous forme de prêts pour aider à la reconstruction de l’Europe. Ces fonds ont permis de relancer l’économie européenne, en stimulant l’investissement dans des infrastructures critiques, tout en générant des opportunités économiques pour les entreprises américaines.

Illustration pratique

Pour illustrer concrètement l’effet levier, imaginons une entreprise ayant un million d’euros de capitaux propres et empruntant quatre millions d’euros à un taux d’intérêt de 3 %.

Si elle investit les cinq millions d’euros dans un projet avec un rendement annuel de 7 %, elle génère 350 000 euros de profit brut. Après paiement des intérêts (120 000 euros), le gain net est de 230 000 euros, offrant un rendement de 23 % sur les capitaux propres. Ce mécanisme montre comment l’effet levier peut multiplier les gains lorsqu’il est utilisé judicieusement.

Conclusion

L’effet levier est un outil puissant dans les mains des investisseurs, des entreprises et des gouvernements. Il permet d’amplifier les gains et de maximiser les opportunités économiques, mais exige une gestion rigoureuse des risques.

Les épisodes historiques, de la Grande Dépression à la crise des subprimes, rappellent que son utilisation excessive peut avoir des conséquences catastrophiques. Comprendre ce mécanisme et l’utiliser avec prudence reste une nécessité pour éviter les dérives et tirer pleinement parti de ses avantages.

Articles en lien avec le sujet