fiscalité

Dans tous les rapports de jury, la fiscalité est, selon les correcteurs, l’un des thèmes les moins maîtrisés par les étudiants. Être informé de l’actualité sur le sujet et les données majeures est très utile pour pouvoir se démarquer. Cet article va développer la question de l’impôt sur les sociétés et les différents enjeux.

Le taux d’imposition sur les sociétés n’a fait que baisser ces dernières décennies

Au cours des 40 dernières années, les taux d’imposition sur les sociétés ont été divisés par deux

En France, le taux d’impôt sur les sociétés est de 25 % depuis janvier 2022. Il faut noter qu’il a également beaucoup baissé dans le pays depuis plusieurs années (depuis la loi de finances de 2017). Il s’élevait à 28 % en 2020 et 26,5 % en 2021.

En termes de recettes, en 2021, l’impôt sur les sociétés brut s’élève à 71,2 milliards d’euros pour l’ensemble des entreprises redevables, soit environ 2,3 millions d’entreprises. Les grandes entreprises comptent 23,5 milliards d’euros au total sur l’ensemble.

Bien que les recettes de l’IS augmentent davantage que la baisse de son pourcentage, la poursuite de cette tendance globale pourrait menacer la soutenabilité à long terme du système fiscal.

Un phénomène d’actualité dans beaucoup de pays

Dans les années 2000, de nombreux pays du G7, tels que le Japon, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie, ont réduit leurs taux d’imposition sur les sociétés de 10 points. Les États-Unis et la France ont été plus lents à suivre cette tendance, mais ont finalement rejoint la course. En effet, aux États-Unis, la tendance à la baisse s’est intensifiée sous la présidence de Donald Trump, qui a réduit les taxes fédérales de 35 % à 25 %.

Toutefois, encore en 2020, les taux d’imposition restent variés à l’échelle mondiale. 15 pays ne taxent pas les sociétés, 15 ont des taux entre 0 % et 10 %, 50 entre 10 % et 20 %, et 118 entre 20 % et 30 %.

Le problème de la concurrence fiscale entre les États

Les taux d’imposition sur les sociétés sont utilisés pour attirer les multinationales. Selon le projet de loi de finances pour 2018 en France, « le taux nominal de l’IS est un indicateur important que les investisseurs étrangers examinent lorsqu’ils comparent les États dans lesquels ils envisagent de s’implanter »

Au-delà des paradis fiscaux, les pays cherchent à maintenir les activités réelles des entreprises sur leur territoire, quitte à ne pas tout taxer pour conserver les recettes fiscales et l’emploi. Cette situation conduit à une concurrence fiscale entre les États. Selon une analyse de Heimberger (2021) sur la concurrence fiscale entre les entreprises, une baisse de 1 point du taux d’imposition dans un pays voisin entraîne une baisse de 0,7 à 0,9 point dans d’autres pays. Ce qui conduit à une réduction généralisée des recettes fiscales.

En conséquence, la concurrence fiscale ne mène pas à un équilibre durable.

Quel est l’impact de la baisse de l’IS sur les individus ?

La taxation des entreprises est cruciale pour plusieurs raisons, comme l’ont rappelé Devereux et coll. dans leur rapport de 2021 intitulé Taxing profit in a global economy. Cette taxe finance les services publics utilisés par les entreprises et elle constitue un pré-impôt sur les revenus du capital, empêchant les entreprises de dissimuler leurs revenus, et elle complète l’impôt sur les personnes physiques. Les recettes fiscales provenant des entreprises sont également plus facilement mobilisables par les États.

Ainsi, la baisse de la fiscalité des entreprises limite les capacités de redistribution et exacerbe les inégalités. Cette situation peut particulièrement entraîner une pression fiscale accrue sur les agents moins mobiles, comme les travailleurs. Aux États-Unis, Saez et Zucman (2019), dans leur ouvrage The Triumph of Injustice: How the Rich Dodge Tax and How to Make Them Pay, ont démontré que la réduction de la pression fiscale sur les entreprises a contribué de manière significative aux fortes inégalités économiques.

Pour contrer cette dynamique, certaines initiatives ont été proposées. Par exemple, Joe Biden a proposé de porter le taux d’imposition des sociétés à 28 % (soit une hausse significative), tandis que Boris Johnson avait renoncé à une baisse prévue à 17 % et avait fixé le taux à 25 % pour 2023. Bien que ces mesures représentent un changement de tendance, elles restent modestes par rapport aux réductions accumulées au fil des décennies.

Et sur les recettes des États ?

Les réformes fiscales américaines de 2018 ont entraîné une réduction significative des recettes fiscales provenant de l’impôt sur les sociétés (IS), passant de 1,7 % du PIB à 0,8 %. En France, une réduction d’un point de l’IS se traduirait par une perte de 1,4 milliard d’euros.

Cependant, une baisse de l’impôt ne signifie pas automatiquement une baisse des recettes. Par exemple, le Japon, l’Italie et les États-Unis ont vu leurs recettes fiscales diminuer, tandis que l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont maintenu des revenus stables. Ce paradoxe peut s’expliquer par la définition des assiettes fiscales, la profitabilité des entreprises et l’ampleur de l’évitement fiscal. Une baisse des impôts sur les sociétés peut aussi attirer de nouvelles entreprises sur le territoire, favorisant l’emploi et la production, et pouvant ainsi compenser la baisse des recettes fiscales. 

Selon Fuest et coll. (2020) dans Why is corporate tax revenue stable while tax rates fall?, les recettes fiscales sont restées relativement stables pour l’OCDE entre 2010 et 2018, représentant entre 2,5 % et 3 % du PIB. Cela démontre que, malgré les baisses générales, l’impôt sur les sociétés reste une source importante de revenus pour les pays, représentant 12 % des recettes fiscales dans l’OCDE et 18 % dans les pays à revenu faible ou moyen.

Comment réformer le système ?

Lutter contre la concurrence fiscale et l’évitement fiscal

Les multinationales (FMN), notamment les géants de la tech comme les GAFAM, exploitent les zones grises et les filiales dans différentes juridictions pour éviter les taxes. Selon Bradbury et coll. (2018) dans Estimating the fiscal effects of base erosion and profit shifting: data availability and analytical issues, l’évitement fiscal à l’échelle mondiale entraîne une perte comprise entre 100 et 647 milliards de dollars.

Depuis les années 1990, le taux effectif d’imposition des entreprises américaines a diminué de moitié, dont une grande partie due aux paradis fiscaux (Wright et Zuckman, 2018, The exorbitant tax privilege). En France, les profits non déclarés sont passés de moins de 1 milliard d’euros en 2001 à 36 milliards en 2015 (Vicard, 2019, L’Évitement fiscal des multinationales en France : combien et où ?). Cette situation constitue une double menace d’assèchement des ressources fiscales. Le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE vise à éliminer les principales aberrations du système, mais il est considéré comme insuffisant.

Les deux fondamentaux pour les négociations sur la taxation mondiale

Les négociations autour de la taxation mondiale sont complexes. Les entreprises, disposant de nombreuses options d’évitement fiscal, choisissent leur pays d’implantation indépendamment des conditions fiscales (Egger et al., 2014, Unobserved tax avoidance and the tax elasticity of FDI), ce qui pourrait exacerber la concurrence fiscale. Selon V. Vicard (Vers la fin du dumping fiscal ?, 2022), les deux piliers des négociations de l’OCDE sont :

Lutter contre la dissociation des activités réelles et comptables

L’objectif est d’empêcher que des filiales dans des pays à faible imposition soient taxées sur la majorité des bénéfices des entreprises multinationales. Les bénéfices pourraient être répartis en fonction du nombre de ventes, d’employés, d’utilisateurs, ou de profits par pays, reflétant mieux l’activité économique réelle.

Instaurer un taux minimum d’imposition effective

Selon Fuest et coll. (2019, Fiscalité internationale des entreprises : quelles réformes pour quels effets ?), ce pilier propose un taux minimum d’imposition effective mondial. Cela limiterait la concurrence fiscale entre les États. Concrètement, si une filiale est imposée en dessous de ce taux minimum dans un pays, le pays de la maison mère recevrait la différence entre la taxe du pays à faible imposition et la taxe plancher.

Conclusion

La coopération internationale est essentielle pour sortir de cette course à la concurrence fiscale et pour restaurer une souveraineté fiscale. La proposition d’une taxe plancher mondiale est un premier pas significatif, mais elle ne mettra pas fin totalement à la concurrence fiscale. Une réforme complète nécessitera des efforts continus et une collaboration étroite entre les nations pour assurer une taxation équitable et efficace des entreprises multinationales.

Si tu souhaites aller davantage dans les détails, un article du CEPII est disponible.