équations

Cet article est la deuxième partie d’une série de deux articles sur les équations à connaître. Tu retrouveras la première partie avec les cinq premières équations ici.

L’accumulation du capital humain chez Lucas

Toujours dans les théories de la croissance endogène, on retrouve une équation intéressante, car elle peut être utilisée sur des sujets sur la croissance, l’État et la qualité de l’emploi. Dans son article « On the mechanics of economic development » (1988), Lucas insiste sur le rôle du capital humain dans la croissance économique. Comme chez Romer, ce capital a un double effet. Il participe à la hausse directe de la production (effet direct) et il participe à l’accumulation de capital humain (effet indirect). L’équation alors proposée par Lucas permet d’analyser les variations du capital humain (Ht.) qui dépendent du stock de capital humain (Ht).

L’effet indirect du capital humain fait que le stock de capital humain déjà présent va aider l’accumulation de capital humain supplémentaire. Mais cette accumulation dépend aussi du nombre d’agents économiques dans le secteur de la recherche. Les agents qui détiennent le capital humain peuvent contribuer à l’effet direct en travaillant dans le secteur de la production ou peuvent contribuer à l’effet indirect en travaillant dans le secteur de la recherche. La part du capital humain dans le secteur de la production (ut) permet ainsi de savoir comment le capital humain est utilisé. Il faut qu’il y en ait assez pour la production et la croissance, mais il faut en garder pour le secteur de la recherche pour garantir une croissance endogène.

Ht = A(1-ut)Htα

Ici, A est un paramètre constant et α correspond à l’efficacité du capital humain.

Exemples d’utilisation

  • Montrer l’importance de l’investissement en capital humain, mais qu’il sera sous-estimé par les producteurs privés et qu’il faut donc que l’État subventionne cet investissement.
  • Montrer l’importance de la qualité de l’emploi (dans un sujet sur le chômage) : chercher à réduire le chômage en ne créant que des emplois à faible capital humain peut finir par peser sur la croissance à long terme.

Équation de gravité de Tinbergen

Comprendre les facteurs expliquant le commerce entre deux nations est un point clé du chapitre sur la mondialisation. Cette équation proposée par Tinbergen insiste sur le rôle de la géographie pour expliquer les échanges entre deux nations. Deux facteurs géographiques sont alors à prendre en compte pour mesurer théoriquement le niveau d’échanges T entre le pays i et le pays j :

  • la taille des pays, mesurée par leur PIB respectif (Yi et Yj) : en augmentant sa production nationale, un pays va, toutes choses égales par ailleurs, augmenter ses exportations vers les pays avec qui il commerce ;
  • la distance entre les deux pays (Dij) : plus les deux pays sont proches géographiquement, plus ils vont commercer entre eux. En effet, lorsque des pays sont proches, les coûts de transports et de transactions sont plus faibles. Les barrières tarifaires ont tendance à être plus faibles entre les pays qui sont proches géographiquement.

Tij = A (Yi*Yj)/Dij

A est un paramètre constant.

Cette équation est dite de gravité : elle mesure théoriquement le flux d’échanges commerciaux entre deux pays donnés. En réalité, d’autres facteurs vont jouer (les dotations factorielles, la conjoncture économique, la stabilité des pays, des raisons géopolitiques, des facteurs historiques, les accords régionaux). Mais l’équation reste tout aussi intéressante puisqu’elle permet justement de regarder l’existence de coûts au commerce faisant que le niveau réel de commerce entre deux pays prévu par l’équation n’est pas forcément celui de la réalité.

Exemples d’utilisation

  • Sur un sujet cherchant à expliquer les raisons du commerce international (notamment entre les pays avec des niveaux de développement proches), cette équation révèle l’importance de facteurs géographiques.
  • Montrer qu’il existe des coûts au commerce en montrant qu’il y a une différence entre les résultats prévus par l’équation de gravité et les résultats empiriques.

Équation d’impact des époux Ehrlich

Cette équation est très intéressante, dans la mesure où elle permet de faire le lien entre des chapitres importants comme la croissance, le développement durable et la démographie. Les époux Ehrlich s’intéressent à la question de l’impact de la croissance sur l’environnement, et plus précisément aux ressources naturelles. Ils mettent en évidence trois facteurs affectant l’environnement et résument cela en une équation mesurant l’impact environnemental noté I.

Les facteurs

La taille de la population (P) : augmenter la taille de la population a tendance à augmenter la pression sur les ressources naturelles et donc dégrader l’environnement. C’est ce que montrait, dès le XVIIIe siècle, Malthus avec son principe de population. Si la population croît plus vite que les ressources alimentaires, la nation est enfermée dans un cercle vicieux de sous-développement. Les époux Ehrlich ont précisément travaillé sur ce lien entre démographie et environnement dans leur ouvrage The Population Bomb (1968), où ils préconisent une réduction de la natalité dans les pays en développement pour qu’ils puissent préserver leurs ressources.

Le niveau moyen de consommation (A) : en consommant davantage, les agents économiques puisent dans des ressources naturelles et tendent à dégrader l’environnement. C’est le principe proie/prédateur entre la croissance économique et les ressources naturelles. Lorsqu’il y a des ressources naturelles, cela est un facteur favorable à la croissance. Mais la recherche perpétuelle de croissance tend à faire disparaître les ressources naturelles.

L’état de la technologie (T) : ce dernier facteur peut à l’inverse tempérer les deux premiers et diminuer l’impact environnemental. En effet, utiliser des modes de production moins intensifs en énergie ou en carbone est une manière de diminuer les dommages environnementaux de la production de biens. Mais l’amélioration de la technologie peut aussi générer un effet rebond (concept de Jevons). Pour répondre à la pression d’une ressource, les producteurs améliorent leur technologie, ce qui permet de produire pour moins cher et conduit à une hausse de la demande, donc à un épuisement de la ressource.

I=P*A*T

Exemples d’utilisation

  • Montrer en quoi une forte croissance démographique et/ou une forte croissance économique peuvent être néfastes pour l’environnement.
  • Relever l’effet ambigu de l’état de la technologie (T), qui peut en même temps contrebalancer les deux premiers effets, mais qui peut aussi les multiplier.

La règle de Taylor

Dans « Discretion versus policy rules in practice » (1993), Taylor cherche à établir le taux d’intérêt optimal (i) que la Banque centrale doit fixer pour atteindre la cible d’équation (π*). Si l’inflation est supérieure à la cible, il faut augmenter le taux d’intérêt, et inversement, si la cible n’est pas atteinte, il faut baisser le taux d’intérêt.

La règle de Taylor est cohérente avec la régulation conjoncturelle, car le taux d’inflation augmente quand l’économie est en surchauffe et à l’inverse baisse quand l’économie est en dessous de son potentiel. En luttant contre l’inflation, la Banque centrale participe alors aussi à la régulation conjoncturelle. Blanchard parle à cet effet de« divine coïncidence ». Se concentrer sur la lutte contre l’inflation permet dans le même temps de ramener la croissance effective au niveau de croissance potentielle.

i = r* + π + 0,5 (π-π*) + 0,5 (g-g*)

On a les notations suivantes :

r* : taux d’intérêt naturel

π : taux d’inflation effective

g : taux de croissance effective

g* : taux de croissance potentielle

Les coefficients de 0,5 permettent de simplifier l’équation en considérant que la Banque centrale accorde un poids similaire à l’atteinte de la cible d’inflation et à la régulation conjoncturelle. On pourrait tout à fait avoir deux facteurs α et β répartis différemment que 50/50.

Exemples d’utilisation

  • Montrer le pouvoir des banques centrales qui, grâce aux taux d’intérêt directeurs, peuvent jouer sur l’inflation et l’output gap.
  • Montrer la possible efficacité d’une politique discrétionnaire qui s’adapte aux conditions de l’économie, tout en atteignant les cibles d’inflation.

Équation dynamique de la dette de Domar

L’équation de Domar, introduite en 1944 dans son ouvrage The “burden of debt” and national income, traite de la soutenabilité de la dette et laisse place à la « condition de Domar », qui est le déterminant de la soutenabilité de la dette. La voici :

B/Y = (r-g)B/Y – (G-T)/Y

Avec les variables suivantes :

B : montant total de la dette

Y : PIB

r : taux d’intérêt observé sur la dette, c’est-à-dire le taux moyen pondéré payé sur toutes les obligations vendues par l’État

g : taux de croissance nominal

G-T : solde primaire (avec T étant le revenu de l’État)

L’équation de Domar correspond à la valeur juste à droite du signe « = », qui signifie qu’un taux de croissance supérieur aux taux d’intérêt payés sur la dette assure plus ou moins la solvabilité de la dette publique. Ce modèle suggère aussi qu’une économie peut rester solvable, même avec une dette théoriquement croissante, si elle réussit à augmenter sa croissance nominale (donc soit la croissance réelle, soit l’inflation), ou à réduire les taux d’intérêt qu’elle paie sur sa dette. C’est pour cela que le membre de l’équation est toujours rapporté au PIB (on traite de B et non de B/Y).

Les implications sont nombreuses, mais parmi les plus intéressantes, on peut citer le fait que le quantitative easing et les politiques de contrôle de taux long permettent en quelque sorte de faire « sauter » la condition de Domar, en manipulant artificiellement la « charge de la dette ».

Cependant, si l’État doit resserrer la politique monétaire, la dette peut rapidement devenir insoutenable. D’autre part, le modèle qui renforce l’idée fondamentale selon l’inflation haute est toujours au bénéfice de l’emprunteur, puisqu’elle réduit à elle seule la taille de la dette publique. Cette implication peut néanmoins être prouvée fausse si l’inflation est assez élevée pour fortement déstabiliser l’économie et sa compétitivité.

Exemples d’utilisation

  • Mettre en évidence les différents facteurs affectant la soutenabilité de la dette et montrer qu’il est important de les comparer entre eux. Un solde primaire peut être négatif tout en ayant une dette soutenable grâce à un bon taux de croissance.
  • Montrer l’importance de l’influence de la Banque centrale sur la soutenabilité de la dette d’un État via sa politique monétaire.