Voici le sujet d’ESH ESCP 2016 : https://major-prepa.com/

Quelques remarques :

– C’est typiquement un sujet où il fallait bien analyser chaque mot de l’intitulé et prendre le temps de les définir. Qu’est ce qu’une mauvaise performance économique et sociale (et qu’est ce qu’une bonne ?).

– De quelle mondialisation parle-t-on ? commerciale ? Politique ? Culturelle ?  La mondialisation commerciale met en compétition les économies nationales, les firmes et les travailleurs (PIerre-Noël GIRAUD), est-ce une bonne chose?  La mondialisation financière était intéressante dès lors que les mouvements internationaux de capitaux ont la capacité de déstabiliser des économies et des sociétés (comme lors de la crise d’Asie du Sud Est en 1997-98).

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– Des références et concepts de sociologie étaient plus qu’attendus, cela va de soi.  En termes de performances sociales, on peut parler des inégalités (mesurées avec le coefficient de GINI), d’intégration (par opposition à l’exclusion chez PAUGAM par exemple), de paix sociale (par opposition aux conflits sociaux). En termes de performances économiques, on peut parler de croissance, de compétitivité, d’innovation, d’emploi etc.

– Des auteurs qui font la jonction entre sociologie et mondialisation étaient, je pense, nécessaires : Robert REICH, Jacques SAPIR (La démondialisation), Maurice ALLAIS et le concept de “dumping social”, BOUGUIGNON qui analyse l’influence de la mondialisation sur la hausse des inégalités. FITOUSSI montre qu’il y a des “gagnants” et des “perdants” face à la mondialisation. Cela renvoie à un dualisme du marché du travail (PIORE & DOERINGER)

– En ce qui concerne les pays, il faut distinguer PDEM/PED/BRIC, XIXème et XXème. Bien que le sujet soit assez d’actualité, il ne donne pas de précisions historiques donc on peut parler du XIXème siècle.

– Comme pour le sujet Écricome, on retrouve une référence implicite à Paul KRUGMAN et son ouvrage “La mondialisation n’est pas coupable”.

– Enfin avant d’incriminer la mondialisation il faut analyser les choix de politiques qui ont été faits ainsi que de la manière dont cette mondialisation est organisée (si tant est qu’on puisse vraiment parler d’organisation). Ce qui compte ce n’est pas tant la mondialisation mais ce qu’on en fait.

Dernière remarque c’est un sujet pas très dur, donc pour briller faut bourriner !!

Proposition de plan :

I) Depuis les années 1980, dans les PDEM, on reproche de plus en plus à la mondialisation les mauvaises performances économiques et sociales

A) Depuis les années 1980 “la peur a brutalement changé de camp” (D. COHEN), désormais ce sont les travailleurs des pays industrialisés qui craignent la mondialisation et plus les PED. En parallèle de la seconde mondialisation (la première mondialisation a été entre 1860 et 1914 d’après Suzanne BERGER) on assiste à un montée du chômage (3% pendant les Trente Glorieuses, 8% sur la période 1980-2007), une explosion des inégalités (cf. PIKETTY), une pauvreté persistante, des phénomènes d’exclusion sociale, une désindustrialisation etc.

B) La globalisation financière et l’internationalisation de la spéculation ont rendu les économies nationales instables et sujettes à des crises financières (Mexique en 1982 puis 1994, Asie du Sud Est en 1998, éclatement de la bulle Internet en 2000-2001, crise des subprimes). Déjà en 1865, Clément JUGLAR montrait que les mouvements internationaux de capitaux propageaient les crises d’un pays à l’autre. La période de la Grande Dépression (1873-1896) ou encore la crise des années 1930 semblent lui avoir donné raison.

C)  Les appels au protectionnisme semblent dès lors légitimes. Le protectionnisme permet d’augmenter les rentrées fiscales de l’Etat et rend la relance possible (rappelons que depuis l’échec de la relance CHIRAC de 1974 on sait que la propension marginale à importer réduit l’efficacité du multiplicateur!!). Emmanuel TODD appelle depuis plusieurs années à un “protectionnisme de relance en Europe” pour contrer la concurrence des États-Unis et de la Chine. Notons enfin que par exemple le policy mix (modèle IS/LM) marche surtout en économie fermée. Ce n’est pas un hasard si KEYNES était farouchement protectionniste!

II) Néanmoins la mondialisation peut aussi apparaître comme une opportunité. Sa “culpabilité” (pour paraphraser KRUGMAN) n’est pas avérée

A) La mondialisation est une chance pour la croissance. On a cette intuition chez SMITH, RICARDO et dans le modèle HOS. Des modèles empiriques comme ceux de SACHS & WERNER ont mis en évidence la contribution du libre-échange dans la croissance. C’est ce qui justifie le chemin vers une plus grande mondialisation qui a été emprunté depuis 1947 (GATT, accord de Marrakech puis OMC, aujourd’hui le TAFTA, etc.)

B) L’insertion dans la mondialisation doit être pragmatique pour être couronnée de succès: protectionnisme éducateur chez LIST, théorème de  RYBCZYNSKI .   Les PED qui ont pris part à la mondialisation semblent avoir de meilleures performances et sociales que les autres (par exemple : Japon, Corée du Sud) même si l’économique a pu passer, et passe encore souvent, avant le social (cas de la Chine; néanmoins le salaire moyen a progressé de 50% en 5 ans !).

C) Il existe d’autres explications pour décrire les performances économiques et sociales décevantes des PDEM. Par exemple le ralentissement des gains de productivités en Europe depuis la fin des Trente Glorieuses (d’après l’école de la régulation), la tertiarisation ou encore les régulations (vision libérale, par exemple chez GILDER ou STIGLER).

III) Ce n’est pas tant la mondialisation qui est en cause que les stratégies nationales et l’action de la gouvernance internationale. Dès lors le meilleur moyen d’assurer de bonnes performances économiques et sociales est peut-être de penser la mondialisation à l’échelle régionale.

A) Mener des réformes courageuses pour tirer profit de la mondialisation. Cas de la France: développer la compétitivité (BPI, French Tech, pôles de compétitivité), adapter les modèles sociaux pour plus de flexibilité. Néanmoins l’efficacité économique (croissance, compétitivité, emplois) s’oppose souvent à la justice sociale comme a pu le monter Arthur OKUN. Par exemple, les États-Unis et l’Allemagne sont très efficaces économiquement mais leurs modèles sociaux sont bien en deçà des standards de la France. Inversement la France veut beaucoup oeuvrer pour la justice sociale mais au prix de mauvaises performances économiques (ces dernières ayant une incidence sur les performances sociales).

B) Les  limites de la gouvernance internationale. Il y avait 23 pays lors de la signature du GATT et on est 161 à l’OMC aujourd’hui. La gouvernance internationale est trop lourde et complexe (cf. cycle de Doha). On peut reprocher aux institutions et organisations internationales (OMC, FMI) d’être trop libérales et dogmatiques (STIGLITZ, La Grande désillusion) ainsi que trop en faveur des PDEM (THAROOR, Taking The BRICS Seriously, 2015). Ce n’est pas un hasard si les BRIC ont créé leur propre banque mondiale en 2014 !

C) La bonne échelle pour rendre la mondialisation performante est peut-être alors l’union régionale. C’est une idée qu’on a chez AGLIETTA, RODRIK (Nations et mondialisation) ou encore SAPIR.  Se pose alors la question d’une Europe sociale ou d’une Europe budgétaire pour compléter cette Europe commerciale et s’assurer d’avoir les bons instruments (et de biens les actionner suivant les règles de TINBERGEN et de MUNDELL)  mis au service des performances économiques et sociales

Conclusion : rajouter une autre dimension, en plus du social et de l’économique : l’écologie.

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Arnaud LABOSSIERE


Passé par HEC, Arnaud Labossière enseigne l’économie en classe préparatoire et sur Livementor. Il est l’auteur du manuel L’Essentiel de l’histoire économique (éd. Sonorilon), qui compte parmi les ouvrages les plus vendus de la catégorie. Il y analyse chacune des parties du programme d’ESH sous un angle à la fois historique et théorique, en distinguant pour chaque chapitre le XIXème siècle, le XXème siècle et l’actualité récente. Le manuel est structuré en paragraphes « prêts à l’emploi » pour la dissertation avec des couples théorie-exemple.

Arnaud Labossière est également le créateur de l’application KHUUBE, qui permet de ficher automatiquement ses cours.