Le sujet d’ESH ESSEC 2019 est en ligne !
Le sujet 2019 d’économie proposé par l’ESSEC était très proche d’un des deux sujets Ecricome de cette même année. L’intitulé était :
Les prélèvements obligatoires nuisent-ils à la croissance et à la compétitivité ?
Ce sujet résumait plus ou moins nos pronostics de sujets d’économie en un seul sujet. Pour anticiper les prochains, vous pouvez retrouver les pronostics ici : Les sujets probables en ESH aux concours 2019.
Analyse du sujet
Premier abord
Les thèmes abordés étaient très classiques, et la littérature à propos du lien entre les prélèvements obligatoires et la croissance, ou du lien entre entre les prélèvements obligatoires et la compétitivité était très abondante. Il y a notamment beaucoup de réflexions récentes des économistes à propos de ces questionnements. De quoi montrer sa culture économique au correcteur.
La formulation du sujet pouvait se révéler un petit peu embêtante pour formuler un bon plan et répondre de manière fluide à la question. Il y avait un risque de traiter la question de la croissance et de la compétitivité séparément alors qu’il pouvait être judicieux d’intégrer le lien entre compétitivité et croissance. Mais la dissertation économique est aussi un exercice de style, et cette formulation évitait la récitation de cours.
La définition des thèmes ne devait pas poser problème si le cours était bien appris, ou même en improvisant.
- Les prélèvements obligatoires pouvaient être définis comme : “l’ensemble des impôts et cotisations sociales prélevés par les administrations publiques et les institutions européennes.”
- Pour la croissance, on pouvait utiliser la définition de François Perroux en la présentant comme ” l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en termes réels. “
- Pour la compétitivité, il fallait obligatoirement distinguer la compétitivité-prix et la compétitivité hors-prix, ce qui ouvrait des possibilités de plan. Il ne semblait pas judicieux d’envisager cette compétitivité à un niveau national, car le sujet impose un point de vue global, notamment par le fait que la compétitivité est mise sur le même plan que la croissance (on parle implicitement de compétitivité d’un pays, non d’une entreprise sur le territoire national).
Analyse des liens
Ce sujet permettait de mobiliser une littérature économique extrêmement abondante.
Au premier abord, de manière plutôt “naïve” (entendre “première partie”), on pouvait souligner que les prélèvement obligatoires pèsent sur les prix des entreprises, et donc sur leur compétitivité au niveau international, en particulier face à des entreprises qui sont soumises à des prélèvements obligatoires plus faibles. A ce moment, on envisage la compétitivité comme simple compétitivité-prix. On pouvait ensuite relier cette perte de compétitivité à la croissance. En réalité, ce raisonnement n’est pas naïf mais s’applique surtout à certains pays, comme les pays en développement qui s’appuient surtout sur une compétitivité-prix prononcée, et pour qui des prélèvements obligatoires élevés seraient réellement nocifs. C’était l’occasion de sortir quelques chiffres ou faits historiques. On pouvait notamment s’interroger sur le coût élevé du travail en France par rapport à d’autres pays et compte-tenu, d’une part, des compétences globales des salariés, et d’autre part, du positionnement moyen-de-gamme français.
On pouvait dans un second temps rétorquer que les prélèvements obligatoires n’affectent pas réellement la compétitivité des entreprises qui se situent sur un créneau de compétitivité hors-prix. En voulant réduire le coup du travail par une baisse des cotisations, il y a par ailleurs un risque d’enfermer l’économie dans un positionnement bas-de-gamme, ce qui n’est pas forcément bénéfique en terme de croissance.
On pouvait aller plus loin en enchaînant sur les théories de la croissance endogène : les prélèvements obligatoires rendent possible une action de l’état sur l’économie par des investissements en infrastructures, ils permettent d’améliorer l’éducation ou la santé des travailleurs. Somme toute, c’est le capital public et le capital humain qui augmentent et permettent d’améliorer la compétitivité et la croissance.
Le théorème de Haavelmo pouvait aussi se révéler utile pour évaluer l’effet d’une hausse des prélèvement obligatoires pour financer une hausse des dépenses publiques ; et globalement, toute la littérature économique qui traite de la relance budgétaire pouvait être mobilisée dans vos développements.
Cela pouvait aussi être l’occasion d’engranger sur le lien entre inégalités et croissance, notamment les théories keynésiennes qui indiquent que les personnes les plus défavorisées ont une proportion supérieure à consommer ; ou, dans le sens contraire, aux théories néoclassiques de ruissellement. Toutefois, de tels raisonnements pouvaient être judicieusement conservés pour une dernière partie.
Pour ce qui est du lien entre prélèvements obligatoires et croissance directement, il semblait nécessaire de retracer les apports de la microéconomie sur le sujet. La fiscalité modifie les prix relatifs entre les différents biens et services, entre le travail et le capital, etc. On dit qu’elle n’est pas neutre ou, ce qui revient au même, qu’elle crée des distorsions, appelées distorsions fiscales. Seules les taxes forfaitaires, c’est-à-dire non proportionnelles à une assiette d’imposition, n’introduisent pas de distorsions. Les taxes forfaitaires sont rares (on peut citer en France la redevance audiovisuelle). Dans une économie de marché « parfaite », c’est-à-dire où l’ajustement des prix relatifs conduit à une allocation optimale, les impôts et les taxes non forfaitaires nuisent à l’efficacité économique, donc à la croissance. A ce propos, on pouvait écrire un paragraphe sur la question des incitations. La redistribution par l’impôt implique une perte d’efficacité économique : taxer les contribuables les plus riches afin de financer des transferts vers les plus pauvres peut décourager leur participation au marché du travail ou leur nombre d’heures travaillées. En économie ouverte, une forte taxation des revenus élevés peut aussi inciter les contribuables concernés à établir leur résidence fiscale à l’étranger. On pouvait ici parler de chômage et de perte de compétences, par exemple.
Quelle direction idéale pour la copie ?
Au niveau de réflexion actuel, la théorie économique ne possède pas de réponse tranchée à la question. Il ne fallait donc pas trop prendre position sur la question, au risque d’être contredit par les faits ! Bien que des prélèvements plus élevés se traduisent mécaniquement par des distorsions de prix plus importantes, il n’y a presque aucune corrélation entre pression fiscale et croissance de long terme, comme le montre le graphique ci-dessous :
La Corée fait figure d’exception avec une faible pression fiscale et une croissance du PIB élevée sur la période 1980-2015. Le Danemark et la Suède affichent des taux de croissance similaires à ceux de la Suisse ou du Japon avec des taux de prélèvement obligatoires bien plus élevés. Le choix du niveau de pression fiscale est en fait principalement dicté par les préférences sociales, en particulier la taille de l’État providence. Comme nous l’avons dit, le lien entre croissance et fiscalité est d’ailleurs en théorie ambigu puisqu’un système public d’enseignement ou de santé de qualité, de bonnes infrastructures, mais aussi des inégalités limitées peuvent augmenter le potentiel de croissance d’un pays. C’est sûrement la meilleure conclusion que l’on pouvait donner face au sujet : il n’y a pas de niveau de prélèvement obligatoire foncièrement mauvais pour la croissance ou la compétitivité : plusieurs systèmes, très différent, peuvent être tout autant efficaces. Il est plus question de préférences des peuples que de croissance ou de compétitivité.
Bon courage pour la suite !
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